19 janvier 2020

Taïwan : une élection majeure passée inaperçue

Par Jean-Claude Rolinat

Le 11 janvier dernier, 19 millions de Taïwanais étaient convoqués aux urnes pour élire leur président, leur vice-président et leurs députés. L’enjeu était de taille : ou la petite Chine nationaliste s’enfonçait, lentement mais sûrement, sur la voie de la soumission à Pékin, ou elle réaffirmait sa volonté d’indépendance face à sa monstrueuse « sœur » continentale.

La fiction « d’une seule Chine »

Jamais depuis 1949, où le vieux chef nationaliste, le maréchal Tchang-Kaï-Chek, s’était réfugié à Formose, l’antique Formosa des Portugais, pour échapper avec son armée à la capture communiste, les Taïwanais   n’avaient eu à ce point leur destin en main. Longtemps, le gouvernement nationaliste du Kuomintang, le KMT, a revendiqué la théorie d’une seule Chine, le gouvernement de Taïpeh étant le seul alors reconnu pour toute la Chine.

Au fil du temps et des reconnaissances du régime de Pékin comme étant le seul gouvernement de la seule Chine par les Occidentaux, la fiction s’est effilochée, pour finir par s’effondrer. Il y a longtemps que la « République de Chine » ne siège plus à l’ONU, et que ses chancelleries ferment les unes après les autres, ne laissant subsister des ambassades que dans des pays mineurs, bien souvent ses obligés, petits États du Pacifique ou d’Amérique centrale.

La terrible mue du Kuomintang

Paradoxalement, c’est le Kuomintang, parti initialement le plus anticommuniste de l’île, l’ennemi historique de la « Chine de Mao », qui bénéficiait du soutien silencieux et confidentiel de cette même Chine continentale vantant son fameux slogan , « Un pays, deux systèmes », pour mieux attraper Taïwan dans ses filets. Mais les habitants de l’île ont vu comment les enclaves de Macao et de Hong Kong, « normalisées » depuis 1997 suite à leur abandon, respectivement par les Portugais et les Britanniques, ont été traitées : de vulgaires colonies où les libertés individuelles et publiques sont un leurre.

Comment pouvait-il en être autrement dans une Chine doublement totalitaire, livrée à la fois à la dictature communiste et à l’exploitation capitaliste la plus éhontée ? Le KMT était, initialement, la plus anticommuniste des formations politiques insulaires.

Petit à petit des liens économiques et touristiques se sont noués entre « les deux Chine », permettant une double pénétration, une réciprocité faisant baisser, dans un premier temps, la tension entre les deux armées. Mais à ce petit jeu, Pékin était le plus fort. La présidente sortante, Tsai Ing-Wen, en place depuis 2016, avait fait promulguer une loi dite « anti-infiltration » visant à empêcher la Chine communiste d’utiliser son fort potentiel capitaliste pour manipuler, infiltrer, voire saboter l’économie de l’île. Le lobbying, les donations et la propagande chinoise étaient interdits, les contrevenants pouvant s’exposer à des années de prison et à de très fortes amendes. Hurlements des sbires de Pékin, protestations du néo KMT, couinements de ceux attachés à la politique de détente avec la Chine continentale. Sérieusement étrillé lors des élections locales et provinciales, – le Parti démocrate progressiste perdant 7 des 13 villes et comtés qu’il détenait auparavant —, la présidente sortante et « cheffe » du PDP, ne partait pas en position de favorite.

Tsai Ing-Wen.

Tsai Ing-Wen.

Un sursaut pour les indépendantistes ?

À l’issue des primaires de juillet dernier, c’est le maire de Kaohsiung, Huan Kuo-Yu, qui était donné vainqueur de la consultation interne de son parti avec, comme colistier, Chang San-Cheng. Le KMT était en ordre de bataille, quasiment certain de l’emporter pour la plus grande joie de Pékin qui n’accepte que du bout des lèvres la théorie des « deux Chine », et voit comme un casus belli la possibilité pour Taïwan de se proclamer en « État » séparé indépendant.

Contre toute attente, c’est Madame Tsai Ing-Wen qui l’emportait par 57,13 % des voix, soit 8 170 231 suffrages, contre 38,61 % et 5 522 119 votants pour Mr Han Kuo-Yu du KMT, tandis qu’un troisième larron, James Soong, ancien gouverneur de l’île, déjà candidat à quatre reprises, engrangeait seulement 608 590 électeurs, soit 4,26 % des exprimés. Élection nette et « sans bavures » d’une autre « dame de fer » avec un respectable taux de participation de 74,90 %, soit une hausse de 8 points par rapport à la consultation précédente.

Madame Tsaï   Ing-Wen avait eu chaud, son premier ministre de 2017 à 2019 William Laï, ayant eu des velléités de se présenter à sa place. Finalement, la proposition du poste de vice-président avait calmé ses ardeurs ! La présidente avait connu un rebond de popularité lorsque, répondant à Xi Jinping qui décrivait « l’unification de Taïwan au continent comme inévitable », elle avait affirmé avec énergie « que jamais son peuple ne renoncerait à ses libertés démocratiques », et qu’elle avait exprimé son soutien total aux courageux manifestants hongkongais.

Nul doute que le sort réservé aux deux anciennes enclaves coloniales, surtout la britannique, en a douché plus d’un, et que les sirènes de Pékin ont sonné dans le vide. Petit à petit, par touches successives, Taïwan, au grand dam du Parti communiste chinois, semble s’éloigner de la fiction des « deux Chine » et s’orienter vers l’émergence d’un État spécifiquement taïwanais qui correspondrait bien plus à la réalité des choses : une société mentalement différente du continent, un fonctionnement démocratique, une personnalité géopolitique distincte voulant jouer, et jouant déjà, marginalement, un rôle dans le monde.

Pour l’heure, le gouvernement de Taïpeh est encore celui de la République de Chine, le seul que tolère Pékin qui le considère comme une autorité de fait exerçant sa souveraineté sur une « province  dissidente » de la république populaire. Si Taïpeh passait outre, et se proclamait capitale de la république de Taïwan, quelles en seraient les conséquences ?

Nous entrerions là dans une zone de grands dangers. Pour l’heure, la Chine de Xi Jinping en est aux grandes intimidations, par un accroissement des patrouilles de sa marine et le survol du détroit de Taïwan, où les îlots de Quemoy et Matsu sont, toujours, aux avant-postes. Même si la réduction de son format militaire a quelque peu désarmé l’île face au continent, l’armée de l’air, avec ses F-16 américains et ses Mirage français, est des plus modernes.

En cas d’agression, les Chinois du continent auraient probablement fort à faire, et la conquête de Formose ne serait pas une promenade de santé. Sans compter qu’aucun président républicain américain digne de ce nom, ne laisserait faire ce nouvel anschluss qui n’oserait pas dire son nom. Avec Trump à la barre, les Taïwanais peuvent dormir tranquilles.

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