Dans lâacception imposĂ©e par ses adversaires, le populisme est une injure qui a succĂ©dĂ© avantageusement Ă leurs yeux aux Ă©pithĂštes « nazi » ou « fascisme », un peu Ă©culĂ©es. Ses ennemis ont tout de mĂȘme conservĂ© lâadjonction « extrĂȘme-droite » toujours vendeuse, à « populisme ».
« Populisme » est plus moderne, le terme apparaĂźt plus neuf, tout en Ă©tant chargĂ©, en arriĂšre-plan, de relents que lâon veut suggĂ©rer nausĂ©abonds de maniĂšre subliminale. Tout est dans la finesse⊠Une finesse toutefois hasardeuse.
Vouloir donner au populisme la version mĂ©prisante du mot « peuple » dont il est issu est dĂ©jĂ une premiĂšre approche de lâesprit de ceux qui lâutilisent ainsi. On y instille le vieux « populo », ou la « populace », Ă©cervelĂ©e, en proie Ă ses pulsions primaires, tellement loin de la hauteur intellectuelle de lâĂ©lite â dĂ©mocratique sans conteste â qui gouverne une grande partie de lâEurope.
Le peuple, quelle horreur ! sâil nâest pas correctement Ă©duquĂ© par ceux qui savent oĂč est son bonheur. De grĂ© ou de force. Ă lâimage du christianisme, qui au nom de la cĂ©lĂšbre parole ĆcumĂ©niste « allez enseigner toutes les nations », alla en effet « convertir » de grĂ©, mais surtout de force, au prix de millions de morts bĂȘtement attachĂ©s Ă leur religion naturelle, les survivants de ses prĂȘches impĂ©ratifs.
LâĂ©lite dĂ©mocratique, ou prĂ©tendue telle, ne tue plus pour convaincre. Elle assassine seulement socialement. La modernitĂ© a de ces nuances subtiles et civilisĂ©esâŠ
Les Ă©lites ont bien pris garde de ne pas Ă©voquer le terme « dĂ©magogues » ou « dĂ©magogie », aux connotations de lâAntiquitĂ© grecque, et dont la rĂ©ception dans lâopinion aurait pu ĂȘtre ambiguĂ«. Ces Ă©lites ont bien raison car dĂ©magogie nâa rien Ă voir avec populisme dâune part, et, dâautre part, lâaccusation de dĂ©magogie est dĂ©jĂ trĂšs rĂ©pandue dans lâopinion Ă lâendroit des hommes politiques en place ! Le terme aurait prĂȘtĂ© Ă confusion ! En outre, si le dĂ©magogue prend des dĂ©cisions qui flattent le peuple, le populiste, lui, fait sienne, la volontĂ© populaire. Ce nâest pas du tout la mĂȘme chose. Et câest bien cela qui exaspĂšre les Ă©lites europĂ©ennes.
En effet, faire sienne la volontĂ© populaire est normalement le but et la finalitĂ© mĂȘme de la⊠dĂ©mocratie. Cette dĂ©mocratie dont les dirigeants et intellectuels sont censĂ©s ĂȘtre les champions Ă lâexclusion de tout autre. Mettre en avant que nos dĂ©mocraties postmodernes ne sont pas, ou plus, lâexpression de la volontĂ© populaire, est impardonnable et inexpiable. Cela dĂ©clenche une avalanche de haine et de mĂ©pris contre ce « populisme » qui prĂ©tend ĂȘtre la vraie dĂ©mocratie, contre celle, travestie, dâĂ©lites dictatoriales, qui veulent le faire taire Ă tout prix.
SystĂšme Ă©lectoral, matraquage mĂ©diatique univoque, complaisant et complice, mise au ban de la sociĂ©tĂ© des « dĂ©viants » Ă©cartĂ©s de toute fonction sociale, associative, culturelle dâimportance reconnue : tout cela concourt Ă ostraciser le populisme et ceux quâon lui identifie. Car les « populistes » refusent eux-mĂȘmes ce terme, sauf Andrzej Duda en Pologne. Ce sont des dĂ©mocrates qui sont en communautĂ© dâidĂ©es avec la volontĂ© populaire qui ne peut pas sâexprimer correctement dans des Ă©lections et Ă travers un climat qui en faussent la rĂ©alitĂ©.
Quây a-t-il « dâextrĂȘme-droite » dans le fait de sâaccorder avec la volontĂ© populaire ? En Pologne, Hongrie, Slovaquie, TchĂ©quie, des « populistes » ont accĂ©dĂ© au Pouvoir. Ailleurs, oĂč les « dĂ©mocraties » postmodernes sont plus sophistiquĂ©es et beaucoup mieux armĂ©es pour faire taire leurs opposants, il faudra plus de tempsâŠ
En rĂ©alitĂ©, ce qui est insupportable câest que le populisme marche sur les plates-bandes dâune dĂ©mocratie devenue virtuelle et accaparĂ©e par un petit nombre, financiers, mĂ©dias, intellectuels, arrivistes et opportunistes de tout poil.
DĂ©mocratie rationnelle-lĂ©gale telle que Max Weber la dĂ©peignait, faite de la traduction de la raison (comprendre lâintelligence supĂ©rieure des Ă©lites) par la loi, et rĂ©servant la violence « lĂ©gitime » Ă un tel Ătat, câest-Ă -dire Ă ses dirigeants et inspirateurs. Remettre en cause ce schĂ©ma, le remplacer par un pays lĂ©gal reprĂ©sentant un pays rĂ©el, câest lĂ le vrai, et nouveau, danger qui inquiĂšte les dirigeants europĂ©ens. La peur dâĂȘtre dĂ©bordĂ©s par⊠la dĂ©mocratie elle-mĂȘme, dont le populisme est le fruit, lĂ oĂč ses adversaires atterrĂ©s veulent faire croire quâil est celui de la « dictature ».
Nâest-ce pas la dĂ©mocratie postmoderne qui est devenue une dictature latente et insidieuse qui a fini par anesthĂ©sier ses citoyens-consommateurs ?
Pour en savoir davantage sur le populisme, EuroLibertés conseille de consulter également le livre de Bernard Plouvier : Le populisme ou la véritable démocratie, Les Bouquins de SynthÚse Nationale, 2017. Pour commander ce livre, cliquez ici.
Vous avez aimé cet article ?
EuroLibertĂ©s nâest pas quâun simple blog qui pourra se contenter ad vitam aeternam de bonnes volontĂ©s aussi dĂ©vouĂ©es soient elles⊠Sa promotion, son dĂ©veloppement, sa gestion, les contacts avec les auteurs nĂ©cessitent une Ă©quipe de collaborateurs compĂ©tents et disponibles et donc des ressources financiĂšres, mĂȘme si EuroLibertĂ©s nâa pas de vocation commerciale⊠Câest pourquoi, je lance un appel Ă nos lecteurs : NOUS AVONS BESOIN DE VOUS DĂS MAINTENANT car je doute que George Soros, David Rockefeller, la Carnegie Corporation, la Fondation Ford et autres Goldman-Sachs ne soient prĂȘts Ă nous aider ; il faut dire quâils sont trĂšs sollicitĂ©s par les medias institutionnels⊠et, comment dire, jâai comme lâimpression quâEuroLibertĂ©s et eux, câest assez incompatible !⊠En revanche, avec vous, chers lecteurs, je prends le pari contraire ! Trois solutions pour nous soutenir : cliquez ici.
Philippe Randa,
Directeur dâEuroLibertĂ©s.