Comment Hergé obtint un « certificat de civisme »…
Alors que le dessinateur de Tintin, Hergé, est discrédité au sortir de la IIe Guerre mondiale par sa participation, en tant que dessinateur, à la presse collaborationniste ainsi que par le fait qu’il a été proche, avant et pendant le conflit, de dirigeants du mouvement rexiste conduit par Léon Degrelle qui ont soutenu la Collaboration, un chevalier blanc se porte à son secours et le remet en selle. Ce sauveur s’appelle Raymond Leblanc et est issu de la Résistance nationaliste. Il a combattu durant la guerre au sein du Mouvement National Royaliste / Nationale Koninklijke Beweging (MNR / NKB), une organisation de Résistance armée fondée par des Rexistes.
Raymond Leblanc naît en 1915 en Belgique dans la province de Luxembourg à Tronquoy, un petit village situé à une trentaine de kilomètres de la frontière française et à une vingtaine de kilomètres du Grand-duché de Luxembourg. Son père est agriculteur et sa mère vient de Messancy, une localité belge de dialecte luxembourgeois.
À l’issue de ses études, il entre à l’âge de 16 ans aux douanes. Il fait ensuite son service militaire puis retourne aux douanes. Il est mobilisé en septembre 1939 en tant qu’officier. Il participe vaillamment aux combats jusqu’à la signature par le Roi Léopold III de la capitulation. Il retravaille ensuite aux douanes, tout en devenant résistant. Il participe à la diffusion d’organes de presse clandestins, puis rejoint en 1942 les rangs du Mouvement National Royaliste. Arrêté et interrogé à plusieurs reprises par les Occupants, il arrive à chaque fois à s’en sortir, même lorsqu’il est accusé à juste titre d’avoir constitué un dépôt d’armes clandestin. En 1947, Raymond Leblanc reçoit des autorités la médaille de la Résistance.
À la fin de la guerre, André Sinave et Albert Debaty publient des organes de presse et cherchent un gestionnaire. Ils trouvent Raymond Leblanc qui réalise désormais cette tâche en plus de son occupation en tant que fonctionnaire. André Sinave désire lancer une publication portant le titre Tintin. Pour cela, il faut l’accord d’Hergé, de son vrai nom Georges Remy, qui ne se montre nulle part. Il finit par le trouver via Pierre Ugeux qui rentre d’Angleterre où il a travaillé durant le conflit pour la Résistance.
Le frère de Pierre Ugeux, William, exerçait avant la guerre de hautes fonctions au sein du quotidien Le Vingtième Siècle qui publiait dans son supplément du jeudi, Le Petit Vingtième, les aventures de Tintin. Pendant ce temps, Raymond Leblanc, chargé de trouver des fonds, déniche un associé : le résistant Georges Lallemand.
Raymond Leblanc sait qu’il se trouve face à un obstacle important. Aucun imprimeur ne peut accepter de fabriquer le magazine Tintin si Hergé n’obtient pas un « certificat de civisme », une formalité administrative délivrée par le commissaire de police et le maire.
Raymond Leblanc, Georges Lallemand et Pierre Ugeux utilisent leur passé de résistant afin d’influencer les plus hautes autorités. Ils rencontrent William Ugeux qui a exercé durant la guerre de hautes fonctions à Londres ainsi que l’auditeur général près de la Cour militaire Walter Ganshof van der Meersch en prétendant que l’objectif d’Hergé était d’amuser les enfants et que ce travail était son revenu financier.
Le 22 décembre 1945, le dossier judiciaire de Hergé est définitivement classé sans suite. Hergé reçoit en mai 1946 un certificat de civisme. Le 26 septembre 1946, le premier numéro de l’hebdomadaire Tintin sort. Alors que de nombreux lampistes de la Collaboration sont en prison et que des proches amis d’Hergé sont condamnés à mort par les tribunaux du Royaume, Hergé reprend la publication de ses productions. Il viendra en aide à plusieurs de ses amis lorsqu’ils sortiront de prison après plusieurs années de détention.
Sources :
Sur Raymond Leblanc : PESSIS Jacques, Hergé-Raymond Leblanc. L’histoire du journal des jeunes de 7 à 77 ans, Weyrich, 2016.
Sur le MNR : BALAND Lionel, Xavier de Grunne. De Rex à la Résistance, Godefroy de Bouillon, Paris, 2017.
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