26 janvier 2020

Les lacunes d’un dictionnaire

Par Georges Feltin-Tracol

Si les fêtes de Noël et du Jour de l’An sont maintenant passées, il est toujours temps de s’offrir Le dictionnaire des populismes sous la direction d’Olivier Dard, de Christophe Boutin et de Frédéric Rouvillois (Éditions du Cerf, 2019, 1213 p., 30 €). Sur la lancée du Dictionnaire du conservatisme paru deux ans auparavant chez le même éditeur, le trio directeur a une nouvelle fois sollicité 107 auteurs de douze nationalités afin de traiter d’un sujet épineux, polymorphe et difficilement définissable : le populisme. Il en découle 263 notices, soit une somme considérable le plus souvent appréciable.

Olivier Dard.

Olivier Dard.

En raison même de la diversité des contributions publiées, les points de vue se recoupent quand ils ne s’opposent pas. Ainsi le journaliste Frédéric Pons, auteur en 2014 d’un essai bienveillant sur Poutine, a-t-il une approche divergente par rapport à « Populisme dans la Russie post-communiste » de la soviétologue russophone néo-conservatrice Françoise Thom chez qui le mur de Berlin semble n’être jamais tombé… La constitutionnaliste à Rennes–I, Anne-Marie Le Pourhiet, bien connue pour sa défense acharnée de la souveraineté, habille pour l’hiver Stéphane Rials et Denis Alland, « deux juristes français qui voyaient dans le Traité constitutionnel européen “un versant de l’intelligence autorisant le dépassement des vues étriquées héritées des anciennes doctrines” (pp. 1011 – 1012) ».

La notice de Yannis Constantinides sur « Internet et réseaux sociaux » ne dépareillerait pas dans Le Monde ou Libération. Regrettons par ailleurs que seul soit évoqué le cinéma dit « populiste » français. Pourquoi le film de Franck Capra de 1939, Mr. Smith au Sénat, n’est-il pas mentionné alors qu’il reflète l’idéal d’une partie du populisme étatsunien, c’est-à-dire un gars simple, travailleur, franc et honnête qui se retrouve du jour au lendemain plongé bien malgré lui dans le marigot politicien de Washington ? Cette omission serait vénielle si l’ouvrage ne comportait pas d’autres lacunes patentes.

Benito Mussolini fait l’objet d’une notice et pas Adolf Hitler… Si on trouve de bons textes sur le péronisme et Eva Peron (1919 – 1952), son fondateur et époux, Juan Domingo Peron (1895 – 1974), est absent ! Les analyses sur la chasse et la ruralité sont brillantes au bémol près qu’il manque des notices spécifiquement dédiées à ce mouvement populiste éco-rural original que fut CPNT (Chasse, Pêche, Nature et Traditions) d’André Goustat, auteur de La parole aux terroirs (1994), et de Jean Saint-Josse dont la liste en 1999 obtint avec 6,77 % des voix six sièges au Parlement européen. Certains manques sont criants : la philosophe Chantal Mouffe, théoricienne du « populisme de gauche » ou bien l’auteur de La cause du peuple, la bible du « populisme chrétien », Patrick Buisson.

Pis, ce dictionnaire délaisse volontiers de grandes figures populistes : Getulio Vargas, chef du Brésil de 1930 à 1945 et de 1951 à 1954, le Péruvien Juan Velasco Alvarado dont l’action sociale influença durablement le jeune Hugo Chavez, l’homme politique gaulliste et ancien ministre de l’Intérieur Charles Pasqua (1927–2015) dont le père était bonapartiste. Sa tentative en 1990 avec Philippe Séguin d’évincer l’aile libérale et pro-européenne du RPR chiraquien, puis sa campagne du non à Maastricht en 1992 s’inscrivaient dans une indéniable lignée populiste.

Hormis une mention bien superficielle dans « Néocommunisme », le Bélarus et son excellent président, Alexandre Loukachenko, sont à peine évoqués. Précurseur visionnaire, le président bélarussien a dès 1994 montré une efficace direction anti-libérale. En outre, par sa personnalité charismatique et la pratique politique en cours à Minsk, le chef d’État bélarussien correspond à tous les critères du populisme. Il en est le paradigme.

Quant à la notice sur la Pologne de l’universitaire et député européen du PiS, Riszard Legutko, elle représente un chef-d’œuvre d’omissions volontaires. L’auteur ne s’intéresse pas au second tour très populiste de la première présidentielle en 1990 entre Lech Walesa et le libertarien Stanislas Tyminski. Il n’explique pas non plus que la Pologne connaît fréquemment des poussées populistes de gauche avec le Mouvement Palikot de Janusz Palikot, du centre (Printemps – Wiosna de Robert Biedron) et de droite comme Kukiz’15 du chanteur de rock Pawel Kukiz ou, plus anciennement, la Ligue des familles polonaises. Legutko n’aborde même pas le mouvement populiste polonais par excellence, Samoobrona (Autodéfense de la République de Pologne) d’Andrzej Lepper, syndicaliste et un temps vice-président du Conseil en coalition avec le PiS malgré des positions plus laïques, anti-atlantistes et pro-russes. Son suicide en 2011 ne serait-il pas une manœuvre diabolique des jumeaux Kaczynski ?

Loin d’être négligeables, ces oublis inexplicables déséquilibrent l’ensemble. Ce Dictionnaire des populismes aurait mérité plus de temps et de collaborateurs supplémentaires. Le populisme ne se développe-t-il pas non plus en Inde du chef du gouvernement fédéral triomphalement réélu Narendra Modi ou en Thaïlande des Premiers ministres en exil Shinawatra (Thaksin et sa sœur Yingluck) ?

Ces quelques critiques ne doivent pourtant pas dérouter le curieux. L’heureux acquéreur saura satisfaire son intérêt pour un style politique plus que jamais d’actualité.

Bonjour chez vous !

EuroLibertés : toujours mieux vous ré-informer … GRÂCE À VOUS !

Ne financez pas le système ! Financez EuroLibertés !

EuroLibertés ré-informe parce qu’EuroLibertés est un média qui ne dépend ni du Système, ni des banques, ni des lobbies et qui est dégagé de tout politiquement correct.

Fort d’une audience grandissante avec 60 000 visiteurs uniques par mois, EuroLibertés est un acteur incontournable de dissection des politiques européennes menées dans les États européens membres ou non de l’Union européenne.

Ne bénéficiant d’aucune subvention, à la différence des médias du système, et intégralement animé par des bénévoles, EuroLibertés a néanmoins un coût qui englobe les frais de création et d’administration du site, les mailings de promotion et enfin les déplacements indispensables pour la réalisation d’interviews.

EuroLibertés est un organe de presse d’intérêt général. Chaque don ouvre droit à une déduction fiscale à hauteur de 66 %. À titre d’exemple, un don de 100 euros offre une déduction fiscale de 66 euros. Ainsi, votre don ne vous coûte en réalité que 34 euros.

Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

Quatre solutions pour nous soutenir :

1 : Faire un don par virement bancaire

Titulaire du compte (Account Owner) : EURO LIBERTES
Domiciliation : CIC FOUESNANT
IBAN (International Bank Account Number) :
FR76 3004 7140 6700 0202 0390 185
BIC (Bank Identifier Code) : CMCIFRPP

2 : Faire un don par paypal (paiement sécurisé SSL)

Sur le site EuroLibertés (www.eurolibertes.com), en cliquant, vous serez alors redirigé vers le site de paiement en ligne PayPal. Transaction 100 % sécurisée.
 

3 : Faire un don par chèque bancaire à l’ordre d’EuroLibertés

à retourner à : EuroLibertés
BP 400 35 – 94271 Le Kremlin-Bicêtre cedex – France

4 : Faire un don par carte bancaire

Pour cela, téléphonez à Marie-France Marceau au 06 77 60 24  99

Partager :