10 avril 2017

Un traître parmi nous

Par Pierre de Laubier

Sous prétexte de faire de Vercingétorix le premier héros d’une France qui n’existait pas, on a raconté son histoire n’importe comment.

Lisons par exemple le Tour de France par deux enfants, de G. Bruno : « Au jour désigné d’avance, toute la Gaule se souleva d’un seul coup ». Toute, pas vraiment. Et souvent sous la contrainte : Vercingétorix a pris des otages (promis à une mort affreuse) pour s’assurer de la fidélité de ses alliés. La cruauté des Gaulois est d’ailleurs passée sous silence, alors que les Romains ont quelquefois préféré se suicider plutôt que de tomber entre leurs mains.

Ce qui se passe entre Gergovie et Alésia est éludé : « Enfin César réussit à enfermer Vercingétorix dans la ville d’Alésia ». Or, il s’y est enfermé de lui-même pour couper la route à César, qui, loin de poursuivre quiconque, essayait de quitter la Gaule.

« La ville, où les habitants mouraient de faim, songeait à la nécessité de se rendre, lorsqu’une armée de secours se présenta sous les murs d’Alésia. »

Avec un tel retard que la ville avait failli se rendre avant son arrivée ! Autre petit oubli : le fait que les femmes, les enfants et les vieillards, chassés de la ville, meurent sous ses murs. Enfin, « une grande bataille eut lieu ; les Gaulois furent d’abord vainqueurs » ; puis « les Romains reprirent l’avantage. »

Et l’armée de secours, dont l’arrivée a incité les assiégés à faire cette sortie ? On n’en parle plus. Or, le jour de la troisième bataille (car il y en eut trois), elle a plié bagage dès que les assiégés eurent sonné la retraite. Autrement dit, dès qu’elle a été sûre que Vercingétorix était perdu.

À la fin, le chef gaulois prit la « résolution sublime » de se livrer… Dictée, en fait, par la coutume et les circonstances. « Alors, se parant pour ce sacrifice héroïque comme pour une fête, Vercingétorix, revêtu de sa plus riche armure, monta sur son cheval de bataille ; il fit ouvrir les portes de la ville, puis s’élança au galop jusqu’à la tente de César. Arrivé en face de son ennemi, il arrête tout d’un coup son cheval, d’un bond saute à terre, jette aux pieds du vainqueur ses armes étincelantes d’or, il attend immobile qu’on le charge de chaînes. Vercingétorix avait un beau et noble visage, sa taille superbe, son attitude altière, sa jeunesse produisirent un moment d’émotion dans le camp de César, mais celui-ci, insensible au dévouement du jeune chef, le fit enchaîner, le traîna derrière son char de triomphe en rentrant à Rome, et enfin le jeta dans un cachot. Six ans Vercingétorix languit à Rome dans ce cachot noir et infect. Puis César, comme s’il redoutait encore son rival vaincu, le fit étrangler. »

Ce récit de la plus haute fantaisie (inspiré de Plutarque) contraste avec celui de César, qui écrit seulement : « On lui livre Vercingétorix, on jette les armes à ses pieds. »

Pourquoi l’armée de secours a-t-elle tourné les talons, quittant pour une partie non le champ de bataille, mais son camp ? Les Héduens, dit César, regrettaient leur alliance avec Rome. Les Héduens, qui l’avaient appelé à l’aide contre les Helvètes, et dont il qualifie le ralliement (loin d’être unanime) à la révolte de « trahison ». Seraient-ils décidément les traîtres de cette histoire ?

Cette chronique de l’abominable histoire de France n°6 a été diffusée sur Radio Libertés dans l’émission « Synthèse ».

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Philippe Randa,
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