10 mars 2017

Que de romantisme baigné de violences inouïes entoure le Sinn Féin !

Par Richard Dessens

 

Créé en 1905 avec comme objectif l’indépendance de l’Irlande face à l’envahisseur anglais, le Sinn Féin, qui signifie en gaélique « Nous-mêmes », est un mouvement nationaliste, comme son nom l’indique, et catholique, la religion étant ici comme ailleurs souvent, un vecteur politique d’identité, face à des Britanniques protestants.

Attentats, violences, affrontements armés, représailles terribles, ponctuent les années de l’indépendance jusqu’en 1921. Les noms d’Arthur Griffith, fondateur du Sinn Féin, et d’Eamon de Valera, irrédentiste refusant la partition de l’Irlande de 1921, sont les symboles d’une histoire mouvementée et douloureuse. Histoire qui recèle par ailleurs une tentative de fondation d’une monarchie irlandaise à l’initiative d’une partie du Sinn Féin jusqu’en 1932.

L’évolution du Sinn Féin repose sur la recherche exclusive des intérêts, à ses yeux, de l’Irlande, quelle que soit la situation politique du XXe siècle. Pendant la Ire Guerre mondiale, le Sinn Féin se rapproche de l’Allemagne, certains de ses membres en feront de même avant la IIe Guerre mondiale. Quiconque s’oppose à l’Anglais honni peut être un allié. La lutte d’une part pour une indépendance souveraine de l’Irlande du Sud, acquise en 1949, et d’autre part, pour le rattachement de l’Irlande du Nord, ne cessera pour les six comtés de l’Ulster, qu’en 1998. Entre 1969 et 1998, elle causera 3 500 morts.

Le Sinn Féin et son émanation armée, l’Irish Republican Army (IRA), véhicule une odeur de soufre, de secrets, et aussi en même temps une passion charnelle et romantique, parfaitement retransmise dans le film de John Ford, L’homme tranquille.

En 1970, une scission de l’IRA entraîne celle du Sinn Féin. Les uns, l’IRA « Provisoire », partisans de la lutte armée, les autres, l’IRA « Officielle », plus consensuels et obéissant à la direction de Dublin. Entre autres paramètres, une marxisation de l’IRA depuis les années soixante n’est pas neutre et marque un infléchissement politique de l’IRA en même temps qu’un abandon de ses valeurs originelles, comme l’ont connu à la même époque le FLB (loin du traditionnel Breiz Atao, « Bretagne toujours ») et l’ETA (Euskadi Ta Askatasuma, « Pays Basque et Liberté »).

En 1998, les accords du « Vendredi saint » mettent fin au conflit armé entre Catholiques nationalistes de l’IRA et Protestants unionistes. Ces accords, fragiles et complexes, imposent une collaboration gouvernementale proportionnelle à la représentation du Parlement, entre Nationalistes et Unionistes. Un art difficile qui connaît bien des embûches et même une carence gouvernementale pendant cinq ans. Les élections d’Irlande du Nord de 2016 voient le succès du DUP (Unionistes) et de l’UUP (Unionistes modérés) malgré une poussée du Sinn Féin à 28 députés sur 108 (le DUP en obtient 38 à lui seul).

Un conflit opposant la Première Ministre unioniste, Madame Arlène Foster, accusée de corruption à propos de subventions pour les énergies renouvelables, et le Sinn Féin, provoque la démission de Martin Mac Guiness, leader du Sinn Féin au Parlement. Cette démission entraîne automatiquement celle de Madame Foster, conformément aux accords de 1998, et l’organisation de nouvelles élections le 2 mars 2017.

Le Sinn Féin obtient 27 députés (sur 90 et non plus 108) et 27 % des voix. Un record, alors que le DUP n’en obtient que 28 et l’UUP, 10, contre 12 au Parti social-démocrate (SDLP), proche du Sinn Féin.

Cet imbroglio repose sur une situation traditionnelle de bras de fer entre Unionistes et Nationalistes, mais aussi sur un autre enjeu : l’intégration européenne.

Si l’Irlande du Nord reste rattachée au Royaume-Uni, ce que veulent les Unionistes, elle fait donc partie du Brexit. En revanche, si le Sinn Féin entretient un climat politique conflictuel favorable, semble-t-il, à ses idées, et devient majoritaire avec le SDLP, un rattachement à Dublin est envisageable, et avec lui un « retour » dans l’Union Européenne, porteuse d’une manne financière pour une Irlande du Nord en difficultés.

Décidément, le Sinn Féin est devenu un mouvement « comme les autres » qui ne pense qu’à se fondre dans les miasmes de l’UE, peut-être simplement parce que la Grande Bretagne n’en veut plus…

Dégât collatéral du Brexit, la situation de l’Irlande du Nord n’en finit pas de se normaliser dans la confusion. Triste Sinn Féin.

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Philippe Randa,
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