20 novembre 2016

Sur le génie cosaque et sur l’enfance du lard

Par Tetyana Popova-Bonnal

Le lard, ce produit ancien et étonnant, est méprisé de nos jours par les consommateurs et par les chefs ; il est chassé de la cuisine diététique et même les militants de l’alimentation saine ont oublié l’enfance du lard !

En traversant en bus les contrées vertes de l’Extremadura espagnole et en contemplant là-bas las aldeas couvertes d’yeuses et de cochons de belle race ibérique, je ne pouvais me retenir de comparer ce pur royaume du sanglier avec mon pays natal, où le cochon et surtout son lard sont les piliers de la cuisine nationale.

Les produits espagnols à base de porc sont tellement proches des produits ukrainiens que l’idée de l’union gastronomique et donc spirituelle de nos terres s’impose de soi-même.

Depuis des temps immémoriaux, les Ukrainiens étaient appelés par les peuples voisins « les mangeurs du lard » – saloyidy ou salo signifie le lard. Cette caractéristique est même passée en proverbe. À l’époque, on disait : si j’étais un grand seigneur je ne mangerais que du lard comme entrée et comme plat principal !

Ivan Kotlarevsky, grand poète, homme savant et mécène de l’Ukraine à la fin du Siècle des lumières, dans sa splendide version de l’Énéide, déguisée en cosaque et pleine d’humour et de sagesse populaire, a fait l’éloge de la cuisine nationale en célébrant les plats des cosaques et les festins interminables de nos zaporogues. Le lard et le porc par préférence accompagnent toutes les ribotes d’Enée et de ses compagnons :

« Et comme son frère Aceste montrait

À Énée toute sa sympathie.

Il l’invita dans sa chaumière

Et lui offrit de l’eau-de-vie.

On a sorti beaucoup de lard,

Des saucissons si bons, si grands

Et un tamis bien plein de pain. »

Ces cosaques troyens, en se préparant pour les campagnes, remplissaient leurs sacs de lard et de millet !

Dans le dernier chant, le roi Latinus pense à amadouer Énée avec ses cadeaux et parmi les choses précieuses il y a : la confiture, l’esturgeon et le lard !

Les repas quotidiens de nos ancêtres étaient accompagnés par du lard sous toutes ses formes. Le lard frais salé se mangeait avec du pain, de l’ail et l’oignon entre les repas, le lard écrasé servant comme assaisonnement pour les borchtchs et les bouillons, le lard sauté avec des oignons accompagnant tous les raviolis ukrainiens – vareniki, galouchki, kliotski, etc. ; les omelettes, les viandes rôties et les saucisses rustiques se préparaient toujours avec du lard.

On a oublié ce bon produit, le considérant trop calorique et peu amène pour la santé. Mais nos ancêtres étaient plus sages que nous – sans savoir tout ce qu’on découvre maintenant dans notre lard précieux. La digestibilité du lard est plus élevée que celle du lait ou de l’huile de foie de morue ; son activité biologique est supérieure à toute autre graisse animale, et, d’un certain point de vue, il est meilleur que le beurre ; il ne contient presque pas de cholestérol, mais tous les aminoacides, les acides gras essentiels et beaucoup de vitamines. Ces qualités du lard préviennent l’athérosclérose et d’autres maladies plus graves.

En ce moment, quand l’hiver arrive et amène les refroidissements et les rhumes, il est très bon de manger tous les jours un peu de lard pour se protéger des virus, car notre cher lard contient un acide miraculeux : l’acide arachidonique.

Si vous chauffez vos plats à la poêle il vaut mieux utiliser le lard parce qu’il ne dégage pas d’éléments toxiques, comme les huiles végétales.

Jadis, le lard était irremplaçable pour les voyageurs, puisque, accompagné par de petites quantités de pain, il nourrissait très bien les gens pendant leurs longs voyages.

J’évoquerai aussi un livre renommé dans mon pays l’Ukraine, un livre de médecine populaire basée sur les plantes officinales, qui fut composé au début du XXe siècle par un prêtre ukrainien Michel Nossal, et terminé par son fils à l’époque soviétique. L’auteur utilise très souvent le lard comme base pour préparer les liniments et les onguents différents : en plus, le lard frais est le premier produit indiqué dans la diète pour les enfants faibles et malades de rachitisme !

C’est un produit si simple à préparer et à conserver : il suffit de le saler et de le mettre au frais dans de la vaisselle en céramique ou en bois, ou dans un sac de toile, ainsi il sera bon deux ans durant pour vous guérir et pour accompagner vos festins zaporogues !

« Les galouchkis on avalait

Ici avec du lard salé,

La lemichka on absorbait

Avec koulish et on buvait

La braga dans les pot à lait,

Et l’eau-de-vie on a pinté,

À peine la table on a quitté

Et tous ensemble on s’est couché ! » (I. Kotliarevsky, L’Énéide).

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