14 juillet 2017

Faut-il abattre la République ?

Par Aristide Leucate

Telle est, en substance, la question posée – en termes moins châtiés – par la corrosive revue de désintoxication idéologique, Réfléchir & Agir, dans son dernier numéro d’été. Pourquoi tant de haine à l’égard d’une entité plutôt abstraite à laquelle on prête un visage avenant aux doux traits féminins, tout aussi mythifiés ? Voilà, précisément, le hiatus. Entéléchie ou concept éthéré, la République est à peu près insaisissable, sa polymorphie sémantique ne la fixant guère sur aucun autre plan que celui de la morale forgée par ses sectateurs ou de l’abomination politique proclamée par ses contempteurs.

Dans un brillant essai intitulé Être (ou ne pas être) républicain (Éditions du Cerf, 2015), le constitutionnaliste Frédéric Rouvillois considérait que le mot de République était « susceptible de désigner n’importe qui et de servir à n’importe quoi ». Fourre-tout de la science politique, la République allégorique a eu tendance, en France, à étouffer la république du « bien commun », c’est-à-dire sans majuscule, en déversant sur elle un tombereau de « valeurs » aussi insipides qu’improbables.

Après avoir justement souligné que ce vocable « en France, […] a été adopté par référence à la république romaine, dans des contextes dramatiques, pour désigner un régime sans souverain héréditaire », Maxime Tandonnet, ci-devant conseiller de Nicolas Sarkozy, en retient une définition plutôt vague : « Dans son sens le plus habituel, le plus fréquent aujourd’hui, la République exprime le corps des valeurs dans lesquelles se reconnaît la Nation française » (Le Figaro, 22 janvier 2015). Mais quid de ces valeurs ? Il semblerait que dans l’esprit des révolutionnaires de 1789, le triptyque « liberté-égalité-fraternité » se soit substitué, à peu de frais, au filioque trinitaire invoqué jadis, quasi journellement, dans toutes les églises de France.

En outre, si le même Tandonnet reconnaît volontiers que « la République ne saurait se limiter à un corps de valeurs », c’est, finalement, pour lui assigner une téléologie : « En son sens historique, elle exprime aussi une ambition collective, un principe d’action, un mouvement vers le progrès ». La République devrait donc délivrer un message et évangéliser les ignorants, à telle enseigne, ajoute Tandonnet, que « La République doit porter un projet collectif » dans la mesure où elle « se rattache à la volonté générale, à l’idée de conquête, de recherche du bien commun. »

La République est, dès lors, appréhendée dans une perspective proprement théologique, laquelle, d’ailleurs, est parfaitement assumée et revendiquée par un Vincent Peillon n’hésitant pas à affirmer que « le temps de l’avènement ou de l’établissement de la République s’inscrit dans une époque où la divinité même de Jésus a été contestée » (La Révolution française n’est pas terminée, Seuil, 2008).

En résumé, la République serait une hiérophanie au sens où l’entendait le grand historien des religions Mircea Eliade. Ainsi, le citoyen, monade créée de toutes pièces par la Révolution matricielle de 1789, est enjoint de regarder le réel au prisme des valeurs précitées auxquelles le clergé républicain des loges, relayé par le diaconat médiatique et politique, a adjoint des injonctions directement empruntées aux Évangiles : la tolérance, la dignité, le respect, l’amour du prochain (ce « Big Other » férocement croqué par l’écrivain Jean Raspail), entre autres.

Le dossier que coordonne le coruscant Georges Feltin-Tracol dans cet excellent numéro de R & A, insiste à juste titre sur la dimension religieuse de ce culte obligatoire soumettant la France au joug de son insupportable dogme depuis un peu plus de deux cents ans. Des massacres de Septembre au génocide des Vendéens, de la Terreur des années 1793-94 au massacre de juin 1848, de la Commune de 1871 à l’Épuration en 1944-1945, de la répression contre l’Algérie française en 1958-1962, à l’avortement de masse, sans oublier l’euthanasie, l’eugénisme transhumaniste, l’homosexualisme, le « genderisme », la GPA…, la République, a toujours éclos dans le sang et prospéré sur le terreau putride d’une non moins sordide anthropologie de la destruction-transformation de l’homme.

Auteur d’un récent et inédit Atlas du mondialisme (Le retour aux sources, 2017 ; nous en reparlerons dans une prochaine chronique), le politologue Pierre Hillard, exhumant l’ouvrage La République universelle d’Anacharsis Cloots, révolutionnaire athée d’origine prussienne, naturalisé français en 1792, souligne que « les gènes de la République française sont cosmopolites ». Ainsi, la République française d’inspiration messianique ne serait qu’une étape « régionale » vers la République universelle appelée, plus communément, la gouvernance mondiale. Concurrente directe de l’Église (qui commit la funeste et impardonnable erreur de s’y rallier en 1892), la République s’est d’emblée opposée à la Tradition (catholique).

En effet, « La République défend une métaphysique héritière du Talmud et de la Kabbale […]. L’objectif déclaré, comme l’a rappelé le rabbin Elie Benamozegh dans son livre Israël et l’humanité, consiste à faire du peuple juif, le seul peuple prêtre intermédiaire entre le Dieu unique et le reste de l’humanité non-juive régie par les lois noachides ([1]) concoctées par la synagogue. Les pensées opposées promouvant les traditions propres aux non-Juifs (les Gentils) se doivent d’être écrasées. Rappelons que le fameux ‘‘Grand Architecte de l’Univers’’ de la Révolution de 1789, vénéré par ses serviteurs comme Robespierre, est l’architecte qui façonne le monde, plus exactement, c’est le Démiurge de la Kabbale contraire au Dieu trinitaire catholique créateur du monde ex nihilo. Peu de personnes en France connaissent ces réalités en particulier parce qu’ils n’ont pas lu le spécialiste israélien du Talmud et de la Kabbale, Gershom Scholem. »

Une telle approche pointant de manière aussi catégorique l’activisme rabbinique dans l’édification d’une contre-société fondée sur les ruines des sociétés européennes traditionnelles, est assurément peu politiquement correct ; elle a, cependant, l’immense mérite d’embrasser les problèmes actuels en leur entier, c’est-à-dire à leurs racines. C’est dire que la République n’a guère surgi ex nihilo des cerveaux soudainement éclairés des loges et des salons mondains.

[1] « Issu directement du judaïsme talmudique, le noachisme s’applique uniquement aux Gentils (les non-Juifs). Cette religion universelle se subdivise en sept commandements : le premier prescrit l’obligation d’avoir des magistrats (pour faire respecter les lois) tandis que les autres lois interdisent : 2) le sacrilège ; 3) le polythéisme ; 4) l’inceste ; 5) l’homicide et 6) l’usage d’un membre d’un animal vivant. Tandis que les Gentils sont encadrés par cette religion, le peuple juif régi par le mosaïsme (la loi de Moïse) est considéré comme le peuple prêtre. Ce sacerdoce israélite, constituant le cœur de l’humanité, est l’intermédiaire entre les Gentils et le Dieu unique (le monothéisme). Dans cette pensée, le catholicisme est considéré comme un polythéisme en raison du concept de la Sainte Trinité (idolâtrie ou trithéisme selon les rabbins talmudiques) », Pierre Hillard, Chroniques du mondialisme, Le retour aux sources, 2015).

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