18 juillet 2017

Le changement, parlons-en

Par Jean-Pierre Brun

Signe des temps, il n’est pas une journée sans que, à l’appui de sa chronique, un journaliste n’emprunte à Giuseppe Tomasi de Lampedusa et à son Guépard cette formule devenue « culte » : « Tout changer pour que rien ne bouge. »

Ne croyez surtout pas que l’intervention du président Macron devant le congrès et que le discours de politique générale du Premier ministre y soient pour quelque chose. Comment deux moteurs de la pétaradante République en marche pourraient-ils rester au point mort ?

D’ailleurs le changement n’est-il pas vieux comme le monde. Héraclite affirmait déjà, cinq siècles avant notre ère, que « rien n’est permanent sauf le changement ». Pour illustrer son propos, il ajoutait « qu’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. »

Bouddha, à la même époque, le constatait à sa façon : « Il n’existe rien de constant sinon le changement. »

Changer l’eau du bain est devenu un principe de bonne hygiène à la condition de ne pas oublier d’en sortir le nourrisson qui y barbote… à ce propos il est bon de souligner que le changement est profitable à chacun et dès le premier âge : « Changer bébé aussi souvent que nécessaire est indispensable à la santé des fesses sensibles aux irritations. »

Curieuse association d’idées, j’en conviens, mais elle s’impose au citoyen attentif que je suis : le revêtement des bancs de l’Assemblée Nationale serait-il râpeux, au point d’irriter le postérieur de nos députés et de les obliger à changer de travée à la première occasion, dans l’espoir de bénéficier bien sûr d’une assise plus confortable ?

Changer un bon vieux velours pour un textile totalement synthétique en macronfibres, voilà qui semblerait calmer momentanément les érythèmes fessiers les plus agressifs.

Hormis ces considérations épidermiques, l’auscultation de la composition du gouvernement en exercice permet d’établir un diagnostic que ne désavouerait pas le Cardinal de Retz auteur d’une ordonnance thérapeutique incontestable : « Il faut souvent changer d’opinion pour rester dans son parti ». Il ne peut d’ailleurs y avoir de bonne santé sans une hygiène élémentaire, d’où cette recommandation de Jules Renard : « C’est une question de propreté, il faut changer d’avis comme de chemise. »

Le camarade Mélenchon préconisant le changement de République aurait-il quelque origine berrichonne pour s’approprier le proverbe local : « Changement d’herbage réjouit les veaux ». De Gaulle, de son propre aveu, s’en était inspiré pour, en 1958, euthanasier la IVe et imposer la Ve ?

L’énoncé du proverbe roumain « Le changement de chef fait la joie des sots », bien séduisant de prime abord, ne peut satisfaire pleinement Rivarol. Il en tempère en effet la portée en notant que « le peuple donne sa faveur, jamais sa confiance ». La nuance mériterait une attention certaine de la part de l’hôte du Palais de L’Élysée. Comment être à la fois homme de confiance d’un directoire pour le moins occulte et favori de la grande presse faiseuse de reines d’un jour et de princes charmants ?

Les premiers pas hésitants dans l’enceinte feutrée du Palais Bourbon de nos « députés-éprouvettes » et leurs babillages attendrissants sont la preuve de leur méconnaissance de ces règles qui permettent au législateur de canaliser les enthousiasmes les plus imaginatifs. Jean Dutourd, qu’on ne saurait décemment qualifier de constitutionnaliste coincé, leur délivre ce précieux avertissement : « Un pays dont les lois changent constamment, sous prétexte d’améliorer quelque chose, de simplifier, de rendre telle situation plus logique ou plus raisonnable, devient fou, c’est-à-dire anarchique. »

Ils méditeront par ailleurs l’intemporelle réflexion de Rivarol qui plus que jamais s’avère pertinente : « Changer le sens des mots… c’est produire la confusion, l’obscurité et la méfiance avec les instruments de l’ordre, de la clarté… changer le sens des mots, c’est déplacer les meubles dans la maison d’un aveugle. »

Je sens qu’avec ce changement qui tendrait presque à devenir le mouvement perpétuel, je donne le tournis à mon malheureux lecteur. Pour me faire pardonner je lui laisse méditer une sentence de Francis Blanche : « Face au monde qui change il vaut mieux penser le changement que changer de pansement ». Avouez qu’elle pourrait être utile aux chefs des Républicains et du Parti Socialiste, du moins les survivants, pour soigner leurs multiples plaies qui menacent de s’infecter.

Et pour ceux qui verraient dans la déclinaison du très rebattu « On ne peut pas être et avoir été », une consolation pour atténuer les effets d’un changement inexorable sinon fatal, Pierre Dac, toujours aussi fielleux, leur rappellera méchamment « qu’on peut très bien avoir été un imbécile et l’être encore. »

Pour ma part, marqué par une jeunesse passée au sein d’une communauté arabe empreinte de l’expérience des anciens, je me ferai le disciple de ce vieux sage qui affirmait : « Quand le vizir veut tout changer, changez le vizir ».

Quoi ! Déjà ! Gardons le moral. En avant ! Marche !

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Philippe Randa,
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