31 juillet 2016

L’Europe des Onze

Par Richard Dessens

 

La remarque est devenue banale qui valorise en même temps qu’elle définit le patriotisme à travers les émotions d’une équipe de football. Nous sommes loin de Maurice Barrès et les ressorts du patriotisme sont à l’image des valeurs de nos sociétés modernes. Hier la France footballistique avait les yeux rivés sur la ligne bleue des Vosges ! Ô tempora ! Ô mores ! Et que n’a-t-on entendu de lieux communs surannés sur la France, l’Allemagne, avec une délicatesse digne de buveurs de bière intempestifs. Puis, le dimanche suivant, on en a entendu bien d’autres sur le Portugal, les Portugais, etc.

Cette incarnation du patriotisme dans le football et ses joueurs notamment, montre bien l’enracinement ancestral charnel à la terre de ses aïeux que représentent les membres de l’équipe de France. Nouvelle définition certes du patriotisme à se demander si les mots ont encore une valeur. Mais de la même manière, combien doit-on aux tirailleurs sénégalais qui sont venus mourir dans les tranchées de 14-18 pour défendre la Patrie ? À la différence que c’est un véritable culte national quasi identitaire qui s’est créé autour de l’équipe de France de football, ce dont n’ont pas bénéficié nos glorieux tirailleurs africains. Au patriotisme émotionnel s’ajoute une sorte de nationalisme vindicatif dont on peut se demander quelles en sont les limites, sous des apparences pacifiques minorées par nos médias.

La troisième réflexion est d’une autre nature. Les réjouissances à peine voilées lors de l’élimination de l’Angleterre juste après le Brexit en disent long sur cette Europe adorée et transnationale de nos élites et de nos intellectuels. Chassez le naturel, il revient au galop ! L’Europe dans tout ça ? Celle qui doit niveler les peuples, qui doit extirper les sentiments nationalistes (« Le nationalisme ? C’est la guerre »), tordre les volontés populaires pour leur bonheur universel, favoriser et développer la mixité internationale, l’accueil au monde, fabriquer la race humaine de demain, comment cette Europe peut-elle supporter ces affrontements sportifs véhiculant autant de pensées inappropriées ? Peut-être considère-t-elle qu’il faut laisser au moins une soupape de défoulement aux peuples anesthésiés par ailleurs ? Mais derrière le foot, ses avatars qu’on appelle hooligans parmi les plus furieux nationalistes en sont les emblèmes symboliques.

Tous les dits et les non-dits attachés au football ont des relents suspects et parfois nauséabonds dans les manipulations des foules qu’ils sous-tendent. Mais qui voudra l’avouer lorsqu’on préfère se cantonner à minimiser la portée des évènements sportifs majeurs dont on sait que, comme pour l’art, ils sont des éléments essentiels de la politique.

D’ailleurs les États valorisent leurs équipes de football parfois à l’excès tant elles sont mobilisatrices des énergies primitives et simplificatrices des nations. En outre, une bonne victoire au football peut faire oublier un taux de chômage en hausse ou même remonter la courbe de popularité d’un dirigeant. Il est curieux qu’à une époque où l’on met le mot « populisme » à toutes les sauces, il ne soit venu à l’idée de personne que tout ce qui entoure le foot est l’expression même du plus méprisant des populismes. Il faut flatter le peuple dans ce qu’il a de plus fragile et l’encourager même à continuer. Pendant ce temps-là, les affaires continuent !

À quand un championnat d’Europe des patries régionales qui permettrait d’éviter les tentations primaires du nationalisme, les manipulations de politiques sans scrupule et surtout de construire un véritable sentiment d’appartenance européen autant qu’un attachement aux véritables patries charnelles. Un autre monde…

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Philippe Randa,
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