30 mars 2017

Les cousins germains

Par Pierre de Laubier

On pourrait croire que, de mémoire d’homme, le premier chapitre de l’histoire de France s’est toujours intitulé « nos ancêtres les Gaulois ». Il n’en est rien.

En 1770, l’abbé Millot fait commencer ses Éléments de l’histoire de France avec Clovis. Il ne parle des Gaulois, ou Celtes, que dans sa préface. Dans son Abrégé chronologique de l’histoire de France, en 1768, le président Hénault ne souffle pas un mot des Gaulois et commence, lui aussi, par Clovis. Il y a une raison à cela, c’est que la France et la Gaule, ce n’est pas la même chose. Un pays qui tient son nom des Francs a de bonnes raisons de faire commencer son histoire avec leur premier roi.

Au siècle suivant, Lavisse commence son Histoire de France par ces mots : « Autrefois, notre pays s’appelait la Gaule et ses habitants, les Gaulois. »

Voilà une affirmation lapidaire… et audacieuse. Il est vrai que les habitants de la France descendaient bel et bien des Gaulois. Mais le pays des Celtes s’étendait bien au-delà des frontières de la France et même – horreur ! – en Allemagne. Il a donc fallu bousculer l’exactitude historique pour réussir à présenter la Gaule comme une France avant la lettre.

Tout ça grâce… à César. Car ceux qu’il appelle les Germains sont, en réalité des Celtes, eux aussi ! Par bonheur, il leur donne des noms différents. On a donc fait semblant de croire que les Germains qui vivaient alors de l’autre côté du Rhin et ceux qui déboulèrent lors des grandes invasions, cinq siècles plus tard, étaient les mêmes. Le tour était joué.

Le premier motif de cette entourloupe est, à l’évidence, nationaliste, et plus précisément militariste. Rappelons que l’école laïque avait un but avoué d’embrigadement : elle était l’antichambre de la caserne. Cette nouvelle façon d’écrire l’histoire, sous forme de propagande de guerre en temps de paix, donnait à l’antagonisme franco-allemand une existence millénaire. On en fit en quelque sorte le fil rouge de l’histoire de France. Et voilà la revanche à venir justifiée : puisqu’on se bat depuis trois mille ans, qu’est-ce un petit demi-siècle passé à préparer la revanche ? Trois fois rien.

Mais cette passion nouvelle pour l’histoire qui précède la colonisation romaine avait un autre motif : se découvrir des racines antérieures au christianisme, afin de prouver que la France pouvait être la France sans être chrétienne. Dans cette entreprise anticléricale, la mythologie gréco-latine ne faisait pas l’affaire. D’abord, elle est ridicule. Ensuite, depuis Constantin, civilisation latine et foi chrétienne étaient entremêlées, de sorte que, par la suite, les barbares adoptèrent les deux en même temps, reniant leurs propres origines. Pire : christianisme et latinité étaient le patrimoine commun de toute l’Europe. Même de l’Allemagne ! Il convenait donc de remplacer l’histoire par un roman des origines.

Les druides furent présentés comme des païens bien de chez nous. Ridicules, eux aussi, mais avec un avantage : on ne sait presque rien d’eux. Sauf, bien entendu, ce que les Romains en ont dit.

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Philippe Randa,
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