7 décembre 2016

Recomposition de l’Europe

Par Richard Dessens

 

Faut-il se féliciter des succès ou des demi-succès des partis « anti-système » européens ? Brexit, Hongrie, Pologne, Italie et Autriche hier. Score impressionnant annoncé pour le Front National en France. Scores significatifs et en progression des partis « populistes » ailleurs…

Mais quelle est leur signification réelle ? Si on revotait demain au Royaume-Uni, le score ne serait-il pas inverse à celui de juin ? Électorat volatile de consommateurs superficiels, sans convictions profondes. Il faut dire que depuis cinquante ans nos politiques européens ont tout fait pour détruire le citoyen et la politique au profit du consommateur et de ses loisirs égoïstes. On ne peut se plaindre aujourd’hui d’un résultant si navrant.

À l’inverse, troubles structurels dans les partis traditionnels d’un autre âge, de gauche comme de droite ; tentatives de susciter des mouvements transversaux – ni gauche, ni droite – dont Emmanuel Macron a choisi la voie, après les tentatives avortées de François Bayrou.

D’ailleurs, la France, toujours en pointe des cacophonies politiques, montre l’ampleur du désarroi et en même temps du vide politique qui y règnent. Si François Hollande, dans un génial tour de passe-passe, et devant l’effroyable gabegie de la gauche, annonçait vers le mois de mars que, finalement, il est candidat à sa succession, pour sauver la France, tel l’homme providentiel, deus ex machina, cela n’aurait plus rien d’étonnant ! Il pourrait même l’emporter contre un François Fillon qui aurait entre-temps siphonné 10 % des voix volatiles du Front National ! Mais trêve de politique-fiction… et de grand Guignol politique où les électeurs choisissent leurs candidats comme des pots de yaourts sur internet.

De nouvelles lignes de fractures ou de nouveaux clivages émergent depuis quelques années, sur fond de sursauts identitaires, d’immigration massive extra-européenne, de perte de valeurs qu’on croyait enterrées au nom d’une modernité transgressive, d’une contre-culture dont on commence à mesurer les limites dévastatrices.

Les vieilles notions marxistes de « classes » se sont estompées dans une Europe qui redécouvre ses priorités civilisationnelles et identitaires d’abord.

D’un bout à l’autre de nos sociétés, les difficultés, les angoisses, le désir de devenir, sont de plus en plus générales et recouvrent toutes les catégories des populations. Les conflits « à la marge » qui sont censés opposer les partis traditionnels sont aujourd’hui dépassés et appartiennent à un autre monde. La course au paraître, aux biens matériels à tout prix, emblèmes des Trente Glorieuses, puis des golden-boys des années quatre-vingt, est passée au second plan des préoccupations des peuples européens, même à des degrés encore différents. L’avenir de l’Europe devient une question de survie.

Mais la recomposition politique qui pourrait accompagner cette mutation de notre monde européen est toujours en gestation, hésitante, bredouillante, tant les avantages acquis et les intérêts des élites pèsent encore lourdement sur un potentiel révolutionnaire encore frémissant.

Cette recomposition qui semble s’appuyer sur les partis « anti-système » n’est qu’une étape, peut-être nécessaire, mais vouée à un échec inéluctable, puisque fondée sur un retour des États-Nations et des nationalismes les plus étroits. D’ailleurs, la plupart de ces partis ne s’accordent pas entre eux et poursuivent des voies propres à leurs micro-intérêts locaux. Créer un groupe au Parlement européen a été un véritable tour de force pour le Front National.

Il manque une volonté politique européenne, une vision transétatique, une dimension civilisationnelle, un désir de vivre-ensemble au nom des mêmes valeurs fondamentales que l’Europe partage de l’Atlantique à l’Oural. Là se situe une véritable mutation révolutionnaire. Daniel Cohn-Bendit, il y a quelques années, avait proposé la création de partis européens et d’élections européennes transnationales le même jour. Ainsi les députés européens ne seraient plus des députés « nationaux », mais élus à la proportionnelle par 350 millions d’électeurs. Utopie ? Provocation ? Peut-être… Mais ce n’est que par cette voie, entre autres, qu’une Europe politique pourra se constituer en recomposant fondamentalement les courants politiques qui la traversent.

Nous en sommes encore loin et de nombreuses questions pratiques et juridiques seraient à régler préalablement. Seule une volonté politique farouche pourrait y parvenir si les partis « anti-système » s’unissaient dans ce sens par exemple… ce qui est impensable compte tenu de leur caractère nationaliste.

En attendant, le spectacle affligeant de la politique et des partis européens ne peut déboucher que sur un sursaut en forme de recomposition nécessaire. Mais laquelle ?

 

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Philippe Randa,
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