4 avril 2017

Hypothétique Europe

Par Richard Dessens

 

L’Europe de Bruxelles s’affole. L’état de déliquescence, de doute, de remise en cause, les coups de boutoirs répétés amènent l’UE à envisager des scénarios d’avenir surprenants. Le Brexit amorcé, l’Irlande du Nord sans gouvernement et tiraillée entre Europe et Royaume Uni, l’Écosse qui relance ses velléités d’indépendance, l’œil rivé sur Bruxelles.

Les « 4 de Visegrad » (Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie) en congé partiel d’UE ; l’Italie en proie aux atermoiements sur l’UE ; la Russie en plein redéploiement en Europe ; les Pays-Bas, l’Autriche, en mal de souveraineté, comme la France. Cela commence à faire beaucoup pour la Commission et un Parlement européen en plein désarroi.

Les élites s’affolent bien sûr aussi. Leur remise en cause de plus en plus insistante par les peuples, s’accompagne de celle des partis traditionnels et d’une justice politisée partout en Europe et conforme à l’idéologie dominante des droits de l’homme, de l’européisme mondialiste béat et de la multiculturalité. Les partis classiques, les journalistes « officiels », la justice du « mur des cons », forment un ensemble cohérent qui poursuit les mêmes objectifs, associés au mouvement associatif, animé des mêmes idéologies. L’exaspération des journalistes « officiels » dirimants est bien compréhensible dès lors que tout leur environnement douillet s’effrite.

Alors on ouvre ici ou là quelques soupapes de réflexion dans une cacophonie de poulailler. Pour certains pays, il faut récupérer des parts de souveraineté sur l’UE, mais pas tous, pour ne pas se priver de ses subsides. C’est le cas du Groupe de Visegrad, dont trois sur quatre ne font pas partie de la zone euro (seule la Slovaquie en fait partie). Solutions bâtardes et bancales. Les mêmes, et d’autres, souhaitent donner plus de pouvoir au Conseil européen (chefs d’État et de Gouvernement) au détriment de la Commission.

D’autres conçoivent à nouveau l’idée d’une « Europe à deux vitesses », ou à « géométrie variable », ou « à la carte », étant entendu que « deux vitesses » existent déjà entre les 17 de la zone euro et les 27/28 de l’UE. Depuis le traité d’Amsterdam en 1997, les États membres peuvent différencier leur intégration à travers une coopération renforcée. Cette procédure permet à un minimum de neuf États de poursuivre une politique commune sans y associer les autres membres de l’UE. La brèche est ouverte mais pas encore utilisée du fait de la règle de l’unanimité qui accompagne le processus. Une Europe à 28 vitesses n’est-elle pas finalement envisageable tant les absurdités pèsent sur nos élites européennes ?

Quant au Brexit, rien ne dit qu’il sera définitif. Au travers des négociations interminables attendues et compte tenu des « assouplissements à la carte » possibles, le Royaume Uni peut, peut-être, rester dans un bout d’Europe, associé à d’autres États eurosceptiques, dans un système de coopération renforcée portant sur tels ou tels points. Le Royaume Uni pragmatique ne connaît que ses intérêts. Les quatre principes dits « indissociables » : libre circulation des biens, des services, des capitaux et des hommes, est aussi remis en cause, certains voulant en conserver 1 ou 2 ou 3 sur 4 la plupart du temps (exit la libre circulation des personnes). D’accord pour commercer et bénéficier des avantages financiers de l’UE, mais reprise de souveraineté et renforcement des frontières pour les hommes. Et encore, lorsque l’on parle d’« avantages financiers », faudrait-il préciser pour qui, car la théorie des vases communicants si elle enrichit les uns, elle appauvrit les autres ! Là encore les débats ne sont pas clos, mais leur existence même est le signe d’un affaissement manifeste de la construction européenne née en 1957 en même temps qu’une résurrection des identités et des valeurs européennes.

Petits bouts par petits bouts, l’Europe s’affale comme une voile sans vent. L’Europe en panne peut permettre d’ouvrir de nouveaux horizons. Mais en se gardant des puissances économico-financières qui savent toujours s’adapter aux changements, quels qu’ils soient. Une Europe non mondialisée mais armée pour rivaliser avantageusement avec les autres puissances régionales est désormais possible.

 

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Philippe Randa,
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