16 mars 2017

La république des émirs

Par Georges Feltin-Tracol

 

La dénonciation de l’influence russe dans l’Hexagone a récemment fait l’objet de deux médiocres parutions, La France russe de Nicolas Hénin (Fayard) et Les réseaux du Kremlin en France de Cécile Vaissié (Les petits matins).

Ce faisant, une autre enquête, plus juste celle-là, est passée totalement inaperçue même si quelques politiciens français, dont un membre des gouvernements Valls-Cazeneuve, ont porté plainte contre leurs auteurs, les journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot.

Ces habitués du théâtre proche-oriental viennent de sortir Nos très chers émirs (Michel Lafon, 2016, 299 p., 17,95 €). Son sous-titre, Sont-ils vraiment nos amis ?, pose le débat.

Chesnot et Malbrunot traitent de la forte présence en France du Qatar, de l’Arabie Saoudite, des Émirats arabes unis (premier investisseur arabe dans l’Hexagone) et, dans une moindre mesure, du Koweït, cet État-avorton qui restera à jamais la 19e province de l’Irak baasiste. Les auteurs décrivent la situation politique intérieure souvent complexe de ces États et insistent sur le caractère proprement schizophrénique de la société saoudienne ultra-rigoriste en public et laxiste en privé. L’aspect le plus intéressant de l’ouvrage concerne toutefois les liens des pétromonarchies avec les différents gouvernements de la République.

Depuis les années 1960, la France recherche de juteux contrats auprès d’émirs qui se servent de cet intérêt économique compréhensible pour influencer le personnel politique hexagonal. Avec Sarközy et Hollande, le Quai d’Orsay a relayé et amplifié les revendications des pétromonarchies. La position française « très ferme sur le nucléaire iranien [a ainsi] été motivée par cette “tyrannie des contrats” qui caractérise notre diplomatie dans cette région du monde depuis une bonne quinzaine d’années » (p. 152).

Les Saoudiens considèrent pour leur part que « chaque gros contrat signé avec la France fut le plus souvent “une compensation” pour remercier Paris » (p. 51).

Cette soumission affecte la présence française en Afrique maintenant brouillée par le jeu trouble de Riyad et de Doha en faveur de l’islamisme…

Saoudiens, Qatariens, Émiratis et Koweïtiens savent que les politiciens français, sensibles au luxe et à l’argent, apprécient « la diplomatie du carnet de chèques » (p. 11).

On apprend que, pendant des années, l’ambassadeur du Qatar « offrait aux membres du groupe d’amitiés France-Qatar à l’Assemblée nationale des montres Rolex ou des bons d’achat dans des grands magasins, pour s’acheter un costume par exemple. La valeur du cadeau pouvait aller jusqu’à 5 000 ou 6 000 euros » (pp. 15 – 16).

La vénalité des politicards était telle que, irrité, le gouvernement qatarien exigea finalement l’arrêt immédiat du « distributeur de billets de 500 euros » (p. 19).

Christian Chesnot et Georges Malbrunot dépeignent donc un système politique français inféodé à de nombreuses puissances étrangères. L’indépendance nationale n’est plus, hélas !, qu’un lointain souvenir.

Bonjour chez vous !

Cette chronique hebdomadaire du Village planétaire a été diffusée le 10 mars 2017 sur Radio Liberté.

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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

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