27 août 2017

Jean Anouilh : pièces branlantes… (sur l’échiquier politique)

Par Jean-Pierre Brun

Certes Jean Anouilh n’a jamais prétendu être un parangon de citoyenneté à la mode de chez nous, lui qui affirmait ne plus avoir voté depuis le 29 février 888, date de l’élection du roi Eudes par ses pairs. Il n’en demeure pas moins que ce retrait volontaire du débat démocratique peut être considéré comme un gage d’impartialité dans l’observation de la société politique. Et pour une rare fois où l’intervenant n’est ni juge et partie pourquoi se priverait-on des remarques de ce pessimiste talentueux ?Jean AnouilhPersonnellement, si je devais accéder à la magistrature suprême (Dieu m’en garde !), je ne manquerais pas de tapisser les murs de mes appartements privés élyséens de ses sages préceptes… D’ailleurs si j’en touchais un mot à Brigitte, des fois que…

L’un des précédents occupants de cet Olympe d’une république déjà en marche (il avait été militaire dans le civil), commençait certains de ses discours par un péremptoire « les choses étant ce qu’elles sont » pour mieux imposer une décision dont il savait déjà qu’elle ne ferait pas l’unanimité.

Cette astuce de bateleur d’estrade ne doit surtout pas abuser son propre utilisateur pour qui, en réalité, « les choses ne sont pas ce qu’elles sont, elles sont ce qu’on les fait. »

Commander c’est décider. C’est irréfutable. Toutefois « l’essentiel quand on a un commandement, c’est de prendre une décision quelle qu’elle soit. On s’effraie au début, puis avec l’expérience on s’aperçoit que cela revient à peu près au même… quoi qu’on décide. »

Dans l’improvisation qui la caractérise, la République en Marche forcée a été contrainte d’user bon nombre de godillots plus ou moins éculés qui ne peuvent désormais qu’entraver la poursuite de cette percée qui, reconnaissons-le, s’essouffle quelque peu. Il est vrai que, à la sortie des urnes plus qu’ailleurs, « les apparences suffisent largement à faire un homme », mais hélas cela ne dure pas.

Le balbuzard pêcheur de voix – familier des étangs de Somme, c’est un lointain cousin de l’aigle impérial – devra se souvenir qu’« il est très difficile de s’élever au-dessus de certains médiocres et de conserver leur estime. »

Pour se consoler de pareille promiscuité, il pourra toujours faire sienne cette confidence d’hurluberlu, combien désenchantée : « J’aimerais mieux aller vivre à Constantinople chez le Grand Turc plutôt que de voir six cents médiocres faire et défaire la France au nom de quelques médiocres qui les ont élus. »

Face à cette meute de corniauds tirant sur leur laisse à tort et à travers et aboyant dans les arrière-cuisines du pouvoir, il se rassurera en pensant que « les hommes, c’est comme les chiens, ça mord parce que ça a peur. »

Dans l’exercice du pouvoir, lorsque le temps se gâte vraiment, quelques évidences peuvent être parfois rassurantes. Ainsi « quand les canons tonnent, les cons se taisent. »

Prétendre traiter préventivement, par voie législative, les atteintes à l’intégrité du corps parlementaire et les affections malignes qui pourraient nécroser les épidermes ministériels, est réellement méritoire de sa part. Il peut pourtant déjà se laisser aller à un constat du genre : « L’honnêteté n’est pas de tout repos, mais ce n’est tout de même pas moi qui l’ai inventée. »

Dans ce monde où la communication prend trop souvent le pas sur la réflexion, il saura qu’« à vouloir être trop brillant, on pense faux. »

De même ne devra-t-il pas se méprendre sur la valeur des relations établies au gré des réceptions et autres conférences diplomatiques : « S’il fallait avoir de l’estime pour tous les gens avec qui on dîne, il n’y aurait plus de réunions mondaines possibles. »

À en croire les envolées lyriques de nos hommes politiques, qu’elles aient pour cadre une modeste salle polyvalente municipale, un palais des congrès de province, un « Zénith » de capitale régionale, ou un plateau de télévision, tous prétendent œuvrer pour la postérité. Quel sera l’iconoclaste qui osera pulvériser cette profession de foi trop souvent virtuelle ? « Pauvres enfants ! C’est toujours eux qui paient les bêtises des grands, en attendant d’être en âge de faire soigneusement les mêmes. »

Mais c’est ainsi que les républiques passent… et trépassent.

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Philippe Randa,
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