6 octobre 2013

Humanitaire über alles

Par Philippe Randa

« Le vrai combat des hommes ne se situe pas sur les champs de bataille. Les guerres ne sont jamais une solution. Vous êtes quelques-uns qui avez fait de la souffrance une arme plus meurtrière que les canons et les bombes » : cette citation est extraite d’une nouvelle écrite par mon père. Un soldat allemand, recherché pour crime de guerre, apostrophait ainsi un ancien partisan juif, rescapé des camps de la mort.(1)

Elle pourrait aujourd’hui, parfaitement, être appliquée à la politique de l’actuelle chancelière allemande Angela Merkel… En ouvrant grands les bras aux migrants venus du Moyen-Orient et en se « (réjouissant) que l’Allemagne soit devenue un pays avec lequel les gens associent de l’espoir, c’est quelque chose de très précieux si on regarde notre histoire », le monde découvre avec stupéfaction, et pour beaucoup, sans doute, avec effroi, que l’Alle­ma­gne en a fini avec sa contrition imposée depuis 1945 et la défaite du IIIe Reich : elle ambitionne bel et bien d’être à nouveau un géant politique et plus uniquement un géant économique.

En prenant de court tous les Européens, indécis comme à leur habitude, et en frappant là où on ne l’attendait pas, la chancelière allemande a réalisé une blitzkrieg diplomatique que n’aurait pas renié le général Guderian : « Ce que nous vivons est quelque chose qui va continuer de nous occuper dans les années à venir, nous changer, et nous voulons que le changement soit positif et nous pensons que nous pouvons y arriver », a-t-elle déclaré à la presse.

Qu’importe, à l’heure où ces lignes sont écrites, que la Bavière connaisse de successifs chiffres records d’arrivées de migrants, l’intendance suivra. Seul compte les témoignages tel celui de Mohammad, réfugié de 32 ans de la ville syrienne dévastée de Qousseir (relayés par Le NouvelObs) : « Les gens nous traitent tellement bien ici, ils nous traitent comme des êtres humains, ce n’est pas comme en Syrie », et surtout les larmes qui lui coulent des yeux : chacune d’elle nettoie avec « force vigueur » le passé honni de la première puissance économique européenne. Mais une bonne offensive, fusse-t-elle politique, ne pourrait s’avérer gagnante qu’appuyée par une réalité économique, com­me une offensive terrestre n’est désormais envisageable qu’avec un solide appui aérien.

L’Allemagne paiera ? Un peu, sans doute, mais pas seule et Sigmar Gabriel, vice-chancelier et ministre de l’Économie, l’a bien rappelé lors d’une conférence de presse : « L’Allemagne, l’Au­­triche et la Suède ne peuvent pas être les seuls pays qui ac­cueil­lent des réfugiés. »

A bon entendeur, à vos bourses ! messieurs-mesdames les auto-proclamé(e)s humanitaires. Et si cela ne devait pas suffire à faire comprendre la stratégie allemande, Angela Merkel porte le coup de grâce en déclarant : « Nous savons que nous avons été rapides quand il s’est agi de sauver les ban­ques (pendant la crise financière), je trouve que nous devons être tout aussi rapides quand il faut soutenir les Länder et les communes. »

En quelques jours d’offensive migratoire, la chancelière allemande a fait oublier son intransigeance vis-à-vis des Grecs et de leur faillite ; elle a accaparé le bénéfice de la souffrance tant exaltée par les médias de l’invasion migratoire et a mis tous les autres pays européens au pied du mur de leurs évidentes contradictions, de leurs totales impuissances et de leurs hypocrites tergiversations…

Dans les temps prochains, certains continueront sans doute à fustiger, encore et toujours, le passé allemand… Mais ce leur sera sans doute plus difficile et même… impossible ?

(1) Guerre Tribale, Peter Randa, in Contes d’Europe, Le Flambeau, 1989.

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