16 février 2017

Deutschland Heiliges Deutschland

Par Richard Dessens

 

Allemagne, sainte Allemagne ! Ce chant patriotique est redevenu celui de l’Allemagne de 2017. Pas officiellement bien sûr. Ce serait faire appel à des souvenirs honnis. Mais au fond cette « Sainte Allemagne » sacrée, cette Allemagne « über alles », au-dessus de tout le monde, n’est-elle pas celle de la 4e puissance économique du monde, de la 1re puissance exportatrice en résultat de sa balance extérieure, de la 1re puissance européenne, de la donneuse d’ordre à la Banque centrale européenne installée à Francfort d’ailleurs pour faire plus simple ?

Cette Allemagne aux insolents succès, mais dont la politique tiède et inconsistante, jusqu’à présent aux ordres des USA et toujours timorée devant une Russie qui l’a écrasée, est encore l’héritière de sa défaite de 1945.

Cette Allemagne incolore, inodore et sans saveur sur tous les plans, à l’international notamment, qui conserve un profil bas en toutes circonstances, n’est-elle pas prisonnière de sa totale soumission et de sa profonde repentance éternelle de ses actes passés ?

Mais cela ne l’empêche pas de savourer discrètement sa victoire économique et le retour de son immense influence en Europe centrale et de l’est, qui ne vit que par elle et ses marchés.

L’Allemagne répugne ostensiblement à augmenter ses dépenses militaires, d’un montant de 1,2 % seulement de son PIB.

« Notre budget de défense montre que nous ne sommes pas parvenus au niveau où nous devrions être du point de vue des attentes de nos partenaires de l’Otan. Je sais qu’il reste du chemin à parcourir pour parvenir à l’objectif de l’Otan de 2 % pour les dépenses de défense et je ne peux pas faire la promesse que nous y parviendrons dans un avenir proche. […] Mais nous devons clairement montrer que nous visons cet objectif et que nous voulons l’atteindre » a commenté Angela Merkel récemment.

Si l’Allemagne augmente, avec « souffrances » apparemment, ses dépenses militaires, c’est bien pour être conforme aux injonctions de l’OTAN, mais pas pour autre chose… La Sainte Allemagne est bien en odeur de sainteté, qu’on se le dise.

Cette Allemagne aseptisée, de tendance centre-droit/centre-gauche, très courageusement, avec une bonne dose de Verts aux environs des 10 à 12 % des voix, pour bien montrer son côté attentif à la nature, à l’environnement et au libertarisme, cette Allemagne ne laisse pas de nous surprendre.

Pays de la paix universel, aux opinions tellement modérées qu’on a du mal à les cerner, traumatisé et asexué depuis plus de 70 ans, l’Allemagne voit surgir depuis peu un parti populiste !

En Allemagne, c’est presque incroyable. Il y avait bien le parti « néonazi » NPD que le gouvernement cherche à interdire depuis longtemps sans succès – et encore au mois de janvier 2017. Mais avec autour de 1 % des voix en moyenne, avec des pointes à 4 %, depuis 50 ans, le NPD ne peut troubler personne.

D’autant plus que depuis l’arrivée en force de l’AfD (Alternative für Deutschland), créé en février 2013, le NPD s’est effondré du peu où il était encore.

L’AfD, porté par le mouvement anti-immigration PEGIDA (Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes) créé, lui, en 2014 pour lutter contre les vagues d’immigration islamique en Allemagne voulues par Angela Merkel, est eurosceptique, pour la sortie de la zone euro, pour une Europe des États-Nations souverains…

Selon un sondage de l’institut Emnid paru dans Bild am Sonntag, il serait en mesure d’obtenir 12 % des voix aux prochaines élections législatives de 2017, ce qui en ferait désormais la troisième force politique du pays, derrière la CDU-CSU (34 %) et le SPD (23 %), mais devant Les Verts (11 %) et le parti de gauche radicale Die Linke (9 %).

Cette timide renaissance d’une Allemagne plus autonome et libérée de ses contraintes historiques ressemble à ce qui se passe depuis plus longtemps en Autriche avec le FPÖ qui vient d’effleurer les portes du pouvoir en décembre dernier, en France avec un Front National qui caresse les mêmes rêves, en Hongrie, en Pologne, où le pouvoir est déjà entre les mains de mouvements dits « populistes ».

Tous ces partis sont nationalistes, patriotes, et opposés à toute structure de dimension européenne, quelle qu’elle soit. L’isolement de l’Allemagne, retranchée dans ses succès économiques et financiers, n’est pas près d’en finir dans ces conditions.

Or, un isolement souverain doublé d’une domination écrasante ne peuvent qu’être inquiétants pour l’Europe et ses équilibres futurs, surtout après que la Grande Bretagne a déjà quitté l’Europe.

En 1919, on disait : « L’Allemagne paiera » (ses dettes de guerre… jusqu’en 1984 !). On a pu voir où cela a mené. Aujourd’hui, on peut se demander si ce n’est pas l’Europe qui va payer ses longues erreurs politiques, bureaucratiques et financières.

L’Allemagne domine déjà la moitié de l’Europe. Une enquête réalisée en avril 2016 a révélé que plus de 70 % des Allemands se prononçaient en faveur de la levée de sanctions infligées par l’UE à la Russie.

Vers un nouveau pacte germano-russe ? Vers un isolement d’une Europe de l’ouest « amputée » de la Grande-Bretagne et réduite aux pays latins plus le Benelux et qui s’entêtent à haïr la Russie ?

L’Europe des peuples reste à faire. Long chemin.

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Philippe Randa,
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