17 avril 2017

Le changement ! Mode ou syndrome ?

Par Jean-Pierre Brun

L’aviez-vous remarqué, sous notre Ve République l’un des dénominateurs communs aux professions de foi des candidats à une quelconque élection est un vibrant appel au changement.

Ainsi Valéry Giscard d’Estaing garantissait-il, la main sur le cœur, « le changement sans le risque. »

Pour François Mitterrand qui prétendait « changer la vie », « Le changement c’(était) ici (pas ailleurs) et maintenant ». Ce que François Hollande convaincu, bien que vainqueur, reprenait comme une antienne : « Le changement c’est maintenant. »

Quelques années plus tôt, Lionel Jospin avait espéré, en vain faut-il le préciser, être « le Président du vrai changement ». Laissait-il entendre que le changement mitterrandien était faux ? Forgeant une formule novatrice, Royal, Ségolène peignée, avait pourtant encouragé l’électeur « pour que ça change fort ». Ce qui permet donc de supposer l’existence d’une sorte d’échelle de Richter du changement.

Jacques Chirac, plus radical que jamais, sans doute inspiré par un jarret de porc, avait levé, outre le coude, le voile sur cette invocation devenue rituelle : « Le changement est d’abord un état d’esprit. »

Aujourd’hui, dans le cadre de sa campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon préconise purement et simplement un changement de république. La Ve ne répondant plus aux exigences du contrôle technique, trop polluante eu égard à la santé de la planète, serait envoyée à la casse comme une vulgaire guimbarde. Une VIe, version hybride, ne pourrait être alors que la bienvenue.

Mais pourquoi cet appel permanent au changement ? Relèverait-il de quelque formule initiatique extorquée à un aruspice farfouillant dans les entrailles d’un coq gaulois pour prédire une nième fois ces fameux lendemains qui chanteront, mieux que ce malheureux Chanteclerc, à jamais châtré ?

On sait de longue date que changer d’herbage réjouit les veaux. Charles De Gaulle ne l’avait pas oublié. On sait aussi qu’un nouvel écrin clinquant peut redonner à une pacotille ternie un faux éclat de neuf. C’est ce que disait déjà Adrien de Montluc, compagnon du Vert Galant : « Changement de corbillon fait trouver le pain bon. » Pourtant, là n’est pas la question.

Vous avez sans doute noté chez de nombreux enfants cette propension à changer d’activité lorsqu’ils ne la maîtrisent pas, ou de jeu de société lorsqu’ils ne gagnent pas. Ce n’est qu’en grandissant qu’ils apprendront la patience et la ténacité, mais à une condition : qu’une sérieuse éducation parvienne à les encadrer. Nos politiciens seraient-ils donc comme ces « adulescents » immatures livrés à eux-mêmes par des parents soixante-huitards ?

En fait, c’est ce bon vieux Kurt Levin, l’un des pères de la psychologie sociale et du comportementalisme, qui a bel et bien trouvé une clé à cette énigme. Encore faut-il trouver la serrure diront les sceptiques, mais passons… « Si vous voulez vraiment comprendre quelque chose, essayez de le changer ». Et c’est sans doute pourquoi nos hommes politiques essaient le changement depuis des lustres car ils n’ont toujours rien compris. CQFD.

Il y a déjà une quarantaine d’années des universitaires canadiens défenseurs de la francophonie, planchant sur le niveau de culture des hommes politiques français en analysant leurs écrits ou leurs discours, en avaient souligné l’extrême faiblesse. Leur méconnaissance des philosophes et autres grands penseurs n’a donc rien d’étonnant. Dommage, car cela pourrait les aider.

Augustin d’Hippone, théologien père de l’Église certes, mais aussi néoplatonicien, mettait en garde les adeptes de ce mouvement perpétuel : « Le changement pour le changement est une perversité. »

Puisque s’invite au débat un Platon tout droit sorti de sa caverne, autant lui donner la parole : « Tout changement est un mal s’il ne supprime pas ce qui est mal. »

On peut affirmer qu’il met justement le doigt où ça fait mal. Le refus de traiter les tumeurs provoquées par une politique migratoire inadéquate en est la meilleure illustration. Et que dire de la poursuite acharnée de l’arasement de l’instruction publique par le pédagogisme qui conduit à déverser sur le marché du travail des millions de jeunes inadaptés, incontestables bénéficiaires de l’égalité de malchance, mais surtout fourriers des désordres déjà subis ou à venir.

Invoquer le changement pour mieux cacher la vraie nature de notre société ! Pourquoi pas ! Suétone soulignait la confusion désastreuse occasionnée par le refus de regarder la vérité en face. « Un renard change de poil, non de caractère », affirmait-il. C’est ce que, à sa façon, le paysan dauphinois traduisait encore au siècle dernier par un savoureux : « Couper la queue du cochon, il reste cochon. »

Et si le recours au changement devenait une addiction, prélude à tous les vertiges et à toutes les folies ? La célèbre apostrophe prêtée à Bertolt Brecht – « Si le peuple vote mal, il faut changer le peuple » –, n’en est qu’une terrifiante métaphore. Mais n’y sommes-nous pas déjà, lorsque nos dirigeants prétendent changer la société en en détruisant les bases ? La théorie du genre en est l’expression la plus concrète.

En ces temps où la sagesse arabe tend à investir notre société pourquoi ne pas recourir à l’un de ses robustes préceptes : « Quand le vizir veut tout changer, changez de vizir. »

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Philippe Randa,
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