27 mai 2016

Vues de Pologne

Par Aristide Leucate

 

Amorçant la descente de son appareil, le pilote annonce un temps estival sur Wroclaw. Ou Breslau en allemand ou encore Vratislavie. Pour ma part, j’aime assez cette dernière appellation. C’est la deuxième fois que je me rends dans ce pays.

À l’aéroport Nicolas Copernic, je suis accueilli par Jozef et Ludwik. Le premier est président de Koliber, un think tank libéral-conservateur influent dans le pays. Le second est très impliqué dans les milieux identitaires polonais. C’est lui qui nous sert d’interprète. Koliber, m’assure Jozef, a formé des gens de l’actuel gouvernement PiS, Droit et Justice.

Dans la voiture qui nous conduit au cœur de la ville, à une demi-heure d’ici, la discussion s’engage sur divers sujets relatifs à la politique européenne, le positionnement de la France par rapport à Varsovie… J’évoque la nécessité de jeter des ponts entre pays européens dont les peuples s’élèvent peu à peu contre les oukases immigrationnistes germano-bruxellois. Je plaide pour une solidarité entre nos pays d’où sortirait peut-être une alternative à cet improbable Babel européiste broyeur des peuples. Je fais part à mes hôtes de la sourde angoisse qui étreint mes compatriotes de se voir progressivement substitués par des populations allogènes de plus en plus invasives. Ils opinent du chef, compatissants mais semblant peu concernés par ce problème.

Le temps passe et nous voilà déjà arrivés devant mon hôtel. Nous convenons de nous retrouver dans le hall dans une heure. Deux heures plus tard, nous sommes attablés à la terrasse d’un café, face au somptueux hôtel de ville, chef-d’œuvre de l’architecture gothique de la fin du XIIIe siècle, avec son beffroi haut de 44 mètres. Ludwik me fait remarquer qu’en Pologne, la population est encore ethniquement homogène. C’est patent, en effet. Les problèmes migratoires que nous pouvons rencontrer en France, en Allemagne ou en Grande-Bretagne, ne constituent pas, ici, une priorité.

Je leur parle du groupe de Visegrad dont leur pays fait partie. Ils considèrent que ce qui les rassemble est plus important que ce qui les sépare, malgré des débuts plutôt chaotiques, comme je ne peux m’empêcher de le leur faire observer. Ils m’interrogent sur Marine le Pen qu’ils paraissent admirer, mais qui est assez peu connue en Pologne, hormis ce qu’en disent les médias dressant un portrait peu flatteur de la patronne du FN.

Sans ambages, je leur confie qu’elle est beaucoup moins talentueuse que son père et surtout trop socialisante. C’est alors qu’ils m’avouent que leur PiS est peu ou prou un FN polonais. Ainsi, me font-ils part des dernières mesures édictées par le gouvernement de Beata Szydlo en faveur des familles les plus démunies. Ils estiment que cette politique d’assistance sans contrepartie corrompt l’esprit d’entreprise et d’initiative.

Le soir, nous dînons dans un endroit mythique de la ville comme de l’ensemble du pays : le Konspira. Jozef me susurre sur le ton de la confidence que tous les identitaires de Wroclaw s’y retrouvent, surtout depuis qu’il a été racheté par un membre actuel du gouvernement polonais. Mais surtout, précise Ludwik, avant d’être un restaurant, cette maison d’angle au toit voûté, abritait la conspiration la plus célèbre du pays, celle qui allait bouleverser son histoire : la création du mouvement anticommuniste, Solidarité de combat, plus connu à l’Ouest sous son appellation idiomatique, Solidarnosc.

Le lendemain, nous nous retrouvons près de l’université, pour tenter d’échafauder une association d’amitié franco-polonaise sur une base identitaire et solidariste. Ils ont parfaitement conscience que le patrimoine historique et spirituel de leur pays est menacé, autant par une UE uniformisatrice que par le mondialisme à la sauce américaine qui, via l’OTAN, leur impose des standards diplomatiques plutôt curieux. Ils m’apprennent, par exemple, que les États-Unis poussent aux investissements chinois en Pologne comme chez ses voisins pour affaiblir la Russie.

Il est temps de nous quitter en nous promettant de faire fructifier cette alliance embryonnaire entre nos deux nations. Jozef me propose de l’accompagner à la messe à l’église universitaire du Très saint Nom de Jésus. Impressionnante par son décor baroque surchargé. J’ai peine à croire ce que je vois. Une foule compactée assiste à l’office. Un dimanche ordinaire. Tous âges. J’en suis ému et je pense à ma France dont les églises se vident désespérément. Je me dis aussi que la renaissance spirituelle européenne peut venir de l’Est. Je pense à Soljenitsyne. L’avion est déjà haut, Wroclaw n’est plus qu’un point minuscule…

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