14 novembre 2016

Populisme. À gauche aussi…

Par Georges Feltin-Tracol

Le Système le ressasse jusqu’à la satiété. Cumulant des facettes conservatrices, traditionalistes, réactionnaires, nationalistes, rétrogrades, une vague populiste irrésistible se répand en France, en Allemagne, en Italie, en Suisse, en Grande-Bretagne, en Belgique et même aux États-Unis.

Or, ce soi-disant mal politique pernicieux, qui n’est pas une idéologie, mais plutôt une sensibilité politique, ne se limite pas aux seules « droites radicales ». Il se manifeste aussi à gauche.

En Grèce, avant de se plier avec complaisance au joug germano-bancaire de la sinistre Troïka, Syriza en symbolisait la version hellénique.

En France, Jean-Luc Mélenchon s’affirme en candidat de la « France insoumise » et prend des accents buissoniens au sujet des travailleurs détachés et des migrants.

En Allemagne, bien que désavouée, la députée fédérale du parti Die Linke, Sahra Wagenknecht, maintient ses vives critiques de mai 2016 contre la folle politique migratoire de Merkel.

En Grande-Bretagne, Jeremy Corbyn vient de remporter une victoire éclatante qui renforce sa légitimité à la tête du Parti travailliste en dépit d’une tentative d’éviction fomentée par des parlementaires déconnectés des milieux syndicaux et populaires. Républicain, pacifiste, végétarien, anti-OTAN, pro-Palestinien et eurosceptique convaincu, Corbyn approuve l’immigration, défend l’unification de l’Irlande et met dans les poubelles de l’histoire l’infâme blairisme social-libéral.

Quant à la Belgique, elle pourrait voir en 2018 l’entrée au Parlement du Parti du Travail, l’ultime formation néo-maoïste d’Europe.

En Islande, les législatives anticipées du 29 octobre dernier ont vu l’entrée en force des dix députés du Parti pirate. Inventé en 2006 en Suède, le terme recouvre souvent des intérêts politiques variables selon les pays.

Mais c’est en Espagne où le populisme de gauche demeure le plus fécond. Sur cette vieille terre anarchiste, cet « autre populisme » se décline en plusieurs variantes : ethno-communistes chez les Basques proches d’ETA ; indépendantiste radicale pour la CUP (Candidature d’unité populaire) catalane ; sociale et protestataire avec Podemos. Aux législatives de décembre 2015, la formation de Pablo Iglesias effectua une véritable percée, suite à une campagne résolument tournée contre l’Établissement. Aux législatives suivantes de juin 2016, ce parti perdit plusieurs milliers de voix, car Iglesias s’était associé à La Gauche unie, l’antique coalition écolo-communiste, et renoncé à tout propos trop virulent. Cependant, la crise interne qui secoue les socialistes espagnols entre une direction révoquée, hostile à tout compromis avec la droite, et des barons locaux prêts à des concessions, pourrait relancer Podemos et en faire la future opposition à Mariano Rajoy.

Le populisme de gauche s’est enfin trouvé sa théoricienne, la philosophe belge Chantal Mouffe qui a déjà contribué à la revue Krisis d’Alain de Benoist. Avec son compagnon aujourd’hui décédé, l’Argentin Ernesto Laclau, elle a posé les bases théoriques d’un populisme de gauche.

Chantal Mouffe qui se réfère à Carl Schmitt, admet proposer « un populisme de gauche, affirme-t-elle dans Fakir (septembre-octobre 2016), avec un « nous » qui inclut les immigrés, mais qui pointe comme adversaires les multinationales, les grandes fortunes, « ceux d’en bas » contre « ceux d’en haut ». »

Sa suggestion est hélas bien trop limitée. Hormis le cas particulier italien, le populisme, comme toutes les manifestations politiques de la modernité, conserve une malencontreuse et incapacitante hémiplégie.

Bonjour chez vous !

(Cette « Chronique hebdomadaire du Village planétaire » a été diffusée sur Radio-Libertés le 10 novembre 2016)

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Philippe Randa,
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