24 juin 2017

Les rois fainéants

Par Pierre de Laubier

Les quatre fils de Clovis se partagèrent son héritage, et il en fut ainsi à chaque génération. Mais ces partages ne se firent pas au petit bonheur, car l’unité des royaumes francs perdura. Tantôt ils respectaient l’ancien découpage de la Gaule, tantôt ils partageaient les provinces qui avaient eu une existence autonome (Provence, Aquitaine ou Bourgogne), pour en contrecarrer les tendances séparatistes.

Les guerres internes du VIe siècle, marquées par la sanglante rivalité de Brunehaut, reine d’Austrasie, et Frédégonde, reine de Neustrie, se terminèrent en 613, sous Clotaire II, par le supplice de Brunehaut, attachée à la queue d’un cheval. Clotaire II régna sur tous les Francs, de même que son fils Dagobert Ier. Guerres civiles, mais aussi guerres de conquête : royaume des Burgondes en 536, annexion de la Provence et de la Thuringe, protectorat sur la Bavière.

Les rois mérovingiens étaient entourés de guerriers appelés leudes, et ils s’appuyaient sur de grands officiers dont le plus puissant était le maire du palais, qui gérait les domaines du roi. Les cités et les pays de l’ancienne Gaule étaient gouvernés par des comtes, parfois dominés par un chef militaire, le duc. Notons que si « leude » a la même racine que leute en allemand, les titres de major domus, comes et dux viennent du latin : ils ne sont autres que ceux de l’Empire romain.

Pour s’assurer la fidélité de tous ces gens, les rois leur concédèrent des immunités et des terres, à titre précaire d’abord, à vie à partir de la fin du VIe siècle, puis à titre héréditaire. Ce qui posa un problème quand ils n’eurent plus rien à donner : ils se trouvèrent contrebalancés par une noblesse terrienne qui monopolisait les titres de comtes et d’évêques, et finirent par prétendre eux-mêmes au pouvoir royal. Puis les partages furent plus stables, laissant se constituer de vastes duchés autonomes : la Bretagne, mais aussi l’Aquitaine, la Bourgogne et la Provence.

Ce fut Eginhard, chroniqueur de Charlemagne, qui qualifia de « fainéants » les six derniers rois mérovingiens qui régnèrent de 673 à 751. Mais il écrivait quinze ans après la mort de l’empereur ! Il donne pour preuve de cette paresse leur manie de se déplacer à bord de chars à bœufs. Or, ce faisant, ils ne faisaient qu’obéir à la coutume qui voulait que le nouveau roi parcourût ainsi son royaume, pour y répandre la fécondité et l’abondance.

Les derniers rois mérovingiens furent surtout malchanceux. À la mort de Dagobert Ier (639), ses fils avaient trois et neuf ans. Aussitôt, les maires du palais d’Austrasie et de Neustrie entrèrent (encore) en rivalité. Mais cette querelle aboutit paradoxalement à refaire l’unité de cette partie essentielle du monde franc : Pépin de Herstal, maire du palais austrasien, remporta la victoire de Tertry (687) et devint maire du palais des deux royaumes (690).

C’est donc parce que les maires du palais accaparèrent le pouvoir que les rois mérovingiens s’affaiblirent… et non l’inverse. En réalité, ces derniers rois mérovingiens n’eurent pas moins de pouvoir que Charlemagne. Comme eux, il se trouvera face à une noblesse devenue héréditaire et rencontrera des difficultés à faire rentrer les impôts.

Les derniers rois mérovingiens étaient-ils vraiment fainéants, ou bien sont-ce les historiens qui se sont montrés un peu paresseux ?

Les chroniques de Pierre de Laubier sur l’« Abominable histoire de France » sont diffusées chaque semaine dans l’émission « Synthèse » sur Radio Libertés.

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Philippe Randa,
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