29 décembre 2016

Grand corps malade

Par Jean-Pierre Brun

Les échéances présidentielles et législatives de 2017, se profilant, je décidai de me rendre auprès du professeur Schnock, spécialiste en pathologie citoyenne, pour faire renouveler mon permis d’électeur au terme de ce que je croyais être un examen clinique de routine.

Après qu’il m’eût demandé comment je me sentais et devant ma réponse pleinement rassurante, il laissa tomber une remarque qui aurait dû me mettre la puce à l’oreille :

— Vous devriez pourtant savoir que tout citoyen bien portant est un électeur malade qui s’ignore.

Pour le rassurer je lui confiai que, dans mon comportement, je retrouvais depuis quelques semaines comme des élans de jeunesse :

— Tenez, ce n’est qu’un détail, le matin sous la douche, je me surprends à chanter…

— « L’hymne à la joie » peut-être ?

— Non des chansons anciennes comme « Douce France » par exemple.

Son regard s’assombrit soudain :

— Je suis désolé mais je dois vous soumettre à une batterie de tests. Suivez-moi.

Il me fit allonger sur un divan de consultation où il me posa une avalanche de questions sur mes goûts artistiques et gastronomiques, mes appréciations sur l’état du Cosmos et de la « Planète » en général et de l’Europe en particulier. Les items épuisés (moi de même, dois-je l’avouer), il me scruta d’un regard suspicieux avant d’exprimer ce qui me parut être un diagnostic :

— Aucun doute n’est possible. Vous êtes anarchosceptique !

— Sceptique, je n’en disconviens pas, mais « anarcho »…

— Vous refusez et détruisez les structures qui concourent à l’édification du monde nouveau. Que vous faut-il de plus ?

— J’admets ne pas m’y sentir totalement à l’aise, mais de là à me qualifier d’anarcho… D’ailleurs, en quoi le scepticisme est-il une pathologie ? En philosophie, c’est une doctrine selon laquelle la pensée humaine ne peut déterminer la vérité avec certitude. Dans la vie courante, le sceptique est celui qui n’est pas convaincu de la justesse d’une idée, d’un concept, qu’on tente de lui imposer. N’est-ce pas là, au contraire, le signe d’une bonne santé mentale ?

— Vous confondez le doute philosophique et le scepticisme réactionnaire, s’emporta Schnock. À vous entendre, on en viendrait à contester le bien-fondé de la loi sur la gravitation universelle.

— Pyrrhon, Timon, Montaigne, Russell, revenus parmi nous, vous suivraient-il dans cette affirmation ? Permettez-moi d’en douter… si j’ose encore le faire. Avec votre grille d’évaluation ils ne seraient pas à la veille d’être reconnus « aptes à voter ».

Le bonhomme ayant recouvré ce calme pontifiant qui sied si bien aux praticiens, justifia les raisons de ses conclusions par le faisceau de symptômes qui l’y conduisait.

— Cher Monsieur, vous êtes atteint de ce mal qui sévit aujourd’hui du Cap Nord au Rocher de Gibraltar et de l’Atlantique à l’Oural. Il se caractérise principalement par un repli sur soi-même, un égocentrisme tétanique et des poussées de fièvre obsidionale. Les métastases se multiplient, de l’euroscepticisme au climatoscepticisme, de l’islamoscepticisme au mondialoscepticisme. Je ne parlerais même pas de ses effets secondaires, la médiaphobie, l’agoraphobie. Croyez-moi, je n’irai pas par quatre chemins, cette affection qui menace l’évolution de nos institutions au risque de les emporter, ne peut conduire qu’à une scepticémie généralisée.

Cher lecteur acrophobe aspiré irrésistiblement par la vertigineuse « fosse sceptique » qui s’ouvre à vos pieds, permettez-moi ce conseil : fuyez ! Si l’on admet bien sûr qu’il n’y a que « les foies » qui sauvent.

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Philippe Randa,
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