En ce dĂ©but dâannĂ©e, comment peut-on ĂȘtre un europhile heureux ? Les British ont votĂ© le Brexit, les PomĂ©raniens ont fessĂ© Angela, les TrĂšfles irlandais se tamponnent le coquillard avec ces 13 milliards dâeuros que la Commission EuropĂ©enne prĂ©tend leur subtiliser, les populistes autrichiens du FPĂ menacent rĂ©guliĂšrement de remporter les Ă©lections suivantes, le rĂ©fĂ©rendum hongrois sur lâaccueil des migrants tourne Ă un plĂ©biscite stalinien Ă rebours, en France les bleus de la Marine ont quelques chances de virer en tĂȘte Ă la bouĂ©e du premier tour de la PrĂ©sidentielle⊠Nâen jetez plus !
DĂ©semparĂ©es, nos Ă©lites bruxelloises seront-elles contraintes Ă constater que, leurs derniĂšres cartouches tirĂ©es, elles ne pourront mĂȘme plus recourir au fameux thĂ©orĂšme de Cocteau : « Puisque ces mystĂšres nous dĂ©passent, feignons dâen ĂȘtre lâorganisateur. »
Imaginons un instant quâun tel mouvement sâamplifie. PoussĂ©es dans les oubliettes de lâHistoire, elles auraient tout loisir de dresser lâinventaire des causes de leur disgrĂące. Pour ce faire, elles pourraient mĂ©diter quelques vĂ©ritĂ©s premiĂšres profĂ©rĂ©es par des aĂźnĂ©s avisĂ©s trop souvent mĂ©connus de leurs microcosmes originels. Vieux sages auxquels dâailleurs ils nâauraient jamais pu apprendre leurs grimaces.
Avant toute autre considĂ©ration, ne se seraient-elles pas aveuglĂ©es quant au rĂ©alisme de leur entreprise ? Monseigneur Chevrot soulignait cette propension de lâhomme qui, Ă vouloir rĂȘver sa vie, la transforme en cauchemar : « BĂątir des chĂąteaux en Espagne est le plus sĂ»r moyen de dormir Ă la belle Ă©toile. »
Certes « les rĂȘveurs Ă©veillĂ©s ont le droit de dormir debout », mais tout de mĂȘme !
Oui mais ! mâopposera lâun de nos distinguĂ©s contradicteurs, une situation initialement dĂ©sastreuse peut entraĂźner un sursaut salutaire.
Lors de la Guerre de SĂ©cession, aprĂšs la bataille de Bull Run, Lee lancĂ© Ă leurs trousses, les Nordistes avaient littĂ©ralement le Sudoku (il vaut toujours mieux chĂątier son langage) et pourtant, ils allaient gagner la guerre Ă Appomattox. VoilĂ bien un sĂ©datif de charlatan qui nâassure pas pour autant le rĂ©tablissement de nos Ă©grotants bruxellois.
Il serait grand temps de le reconnaĂźtre car, comme le suggĂšre le futurologue, « mieux vaut sâattendre au prĂ©visible que dâĂȘtre surpris par lâinattendu. »
Encore que, poursuit-il, « il est souvent trop tĂŽt pour savoir sâil nâest pas trop tard. »
Nos dĂ©pitĂ©s sortants auraient-ils manquĂ© de clairvoyance ou se seraient-ils entĂȘtĂ©s, aprĂšs avoir pris conscience de leur fourvoiement, Ă poursuivre leur course sur une voie sans issue ? Comme le dit Alfred Sauvy : « Pour ne pas voir, il faut une volontĂ© dâacier. »
Ămile de Girardin prĂ©tendait que « gouverner câest prĂ©voir », alors que pour Pierre MendĂšs-France, « gouverner câest choisir ». Un observateur taquin prĂ©ciserait que pour choisir, il faut dĂ©jĂ prĂ©voir. Bref, on ne peut sâengager sans avoir prĂ©alablement projetĂ© ce quâil adviendrait pour chaque hypothĂšse Ă©tudiĂ©e. Câest lĂ quâil devient sage dâĂ©couter le toujours « so british » Winston Churchill : « La prophĂ©tie est un genre dĂ©licat, surtout quand elle porte sur lâavenir. »
Et câest prĂ©cisĂ©ment Ă ce stade de la prise de dĂ©cision politique que la luciditĂ© devient indispensable, cette luciditĂ© que les passions partisanes anesthĂ©sient trop souvent au point dâĂ©garer leurs victimes. Cioran le traduisait Ă sa façon dans une formule faussement provocatrice : « Si NoĂ© avait eu le don de lire dans lâavenir, il nâest point douteux quâil se fut sabordĂ©. »
Un brave agriculteur, amoureux et respectueux de la Nature, qui sâefforçait en vain de comprendre les Ă©lucubrations de gardes verts de lâĂ©cologie de combat, constatait que « la Terre est dĂ©cidĂ©ment plus raisonnable que les hommes puisquâelle fait ses rĂ©volutions Ă heure fixe. »
Pourtant, ce constat a priori peu rĂ©jouissant ne saurait nous dĂ©sespĂ©rer, alors que, sur le seuil de 2017 dotĂ© dâun paillasson tout neuf, nous essuyons nos godillots crottĂ©s dans les flaques et les orniĂšres de la 2016. Faisons donc nĂŽtre cette confidence de Pierre Gaxotte : « Je suis gai parce que je suis pessimiste. Les catastrophes ne me surprennent pas. »
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Philippe Randa,
Directeur dâEuroLibertĂ©s.