20 décembre 2016

Du pain et des jeux

Par Jean-Pierre Brun

Nombreux sont les auteurs qui ont analysé le déclin de l’Empire romain. De Végèce à Heather, de Montesquieu à Ward-Perkins, de Gibbon à Bury, diverses théories quant à ses causes ont été avancées. Un érudit, compilant l’ensemble de leurs travaux, a pu en répertorier plus de deux cents.

Malgré les divergences constatées, au moins deux facteurs constituent le dénominateur commun de ces diverses analyses : l’intrusion des peuples barbares dans les affaires de l’Empire, notamment par le recours à leurs mercenaires pour en assurer la défense (avant d’ailleurs qu’ils ne l’investissent) et le ramollissement sinon la dépravation des mœurs.

En effet, dès le IIe siècle de notre ère, le citoyen perd quelque peu cette vertu civique et cette vigueur martiale qui avaient contribué naguère à l’expansion de Rome. Pire, il se laisse prendre aux pièges charmeurs du « carpe diem » incompatibles avec la pérennité de toute institution étatique. Et quand l’État lui-même devient complice de ce fatalisme débilitant, sa désintégration est proche.

On connaît la question fameuse : « Que demande le Peuple ? »

L’air ambiant émollient porte tout naturellement à répondre : « Panem et circenses ! »

Cette expression est extraite d’une satire datant du début du IIe siècle. Son auteur, Juvénal, avait le don de la formule puisque c’est à lui que l’on doit le non moins célèbre « mens sana in corpore sano » qui semble toutefois ne plus être d’actualité dans la Rome de son époque.

En 1973, Jean Raspail faisait débarquer sur les rivages varois un OFNI (Objet Flottant Non Identifié), Le Camp des Saints, dont l’impact fut alors interprété par le grand public, non comme une prophétie, mais comme une œuvre romanesque à l’originalité incontestable. En effet comment imaginer alors, qu’une immigration massive pût menacer la société occidentale et sa civilisation millénaire.

En 1984 paraissait le Néropolis d’Hubert Monteilhet. Cet auteur « touche à tout » qui s’était fait connaître pour ses savoureux romans policiers, n’en restait pas moins un historien universitaire que son érudition malicieusement contestataire n’allait pas manquer de refouler dans l’enfer des réactionnaires. À travers un récit particulièrement riche en péripéties, il suggérait sournoisement, par un parallèle subliminal, ce que notre société occidentale était en train de vivre sur le plan des mœurs et de la morale.

Déjà, les slogans festifs de mai 1968 avaient amplifié et accéléré un mouvement prétendument libérateur, sinon rédempteur. Appelé à « jouir sans entrave » et à « inventer de nouvelles perversions sexuelles », le citoyen se devait de revendiquer « le droit à la paresse » après avoir obtenu le bénéfice de « l’état de bonheur permanent ». Il pouvait enfin « prendre ses désirs pour des réalités car il croyait désormais à la réalité de ses désirs ». Bref il était prêt à embarquer pour la Cythère du troisième millénaire gouvernée à jamais par le « Pouvoir des Fleurs ».

On parla alors d’une société des loisirs. Ceux-ci devenaient bientôt le moteur de l’existence du « Français moyen », le « créneau professionnel » n’étant désormais que l’accessoire, à savoir la pompe à carburant nécessaire à l’alimenter. Philippe Muray pouvait désormais baptiser le petit dernier. « L’Homo Festivus » était bel et bien né.

Aujourd’hui et sur les bases d’une espérance moyenne de vie de 80 ans et des droits du travail en vigueur, le salarié français aura consacré moins de 10 % de son existence à ce que ses aînés appelaient le travail.

Et c’est là que resurgit le très romain « du pain et des jeux » et avec lui la prolifération des villages-vacances, des paquebots de croisière et des chaînes de télévision populaires aux émissions sciemment abêtissantes. Ainsi plus belle est la vie. Pour sa part « La Française des Jeux » multiplie les options offertes à une clientèle plus que jamais droguée aux tirages multiquotidiens et aux grattages frénétiques. « La chasse au pokémon go » dont les adultes ne sont pas les moindres adeptes, en constitue le tout dernier avatar.

Pour qu’il puisse jouir sans entrave de cette existence « bien pleine », qu’on ne vienne surtout pas distraire le citoyen au nom d’un civisme et d’un patriotisme tombés en désuétude. Désormais Bruxelles est à la manœuvre.

Que God save the Queen, c’est l’affaire des britiches. Exit le Brexit ! Mais que Bruxelles sauve l’Europe… et l’euro avec, c’est l’essentiel si c’est à ce prix que je peux encore rêver ma vie… sur mes deux oreilles !

Et pendant ce temps aux frontières de l’Europe se pressent des foules venues de partout pour prétendument bénéficier d’un droit d’asile qui le plus souvent n’abuse que ceux, politiciens en tête, qui veulent y croire ou font semblant. Le révélateur le plus efficace de la supercherie est l’absence de femmes et d’enfants aux côtés du « réfugié ». La jungle de Calais en est le plus bel exemple. Miracle permanent d’une source intarissable : plus on la vide, plus elle se remplit.

Dormez en paix, braves gens. Il est l’heure qu’il vous plaira…

Zut ! J’ai perdu le fil… Je vous prie de m’excuser, je ne sais plus ce que je voulais écrire. Pourquoi donc ai-je réveillé ces deux vieilles peaux de Montail et Raspeilhet ? Pourquoi associer la décadence de l’Empire romain à l’essor irrésistible de l’Union Européenne ? Non, décidément, je deviens un tantinet décadent et complètement gâteux.

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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

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