1 juillet 2016

Les conséquences en demi-teinte du « Brexit »

Par Aristide Leucate

 

« Contrairement à ce que l’on dit, les principales conséquences ne seront pas économiques ou financières, mais politiques […] ». Ces propos d’Alain de Benoist sur Boulevard Voltaire (29 juin) prennent très précisément la mesure du « Brexit », événement proprement tellurique dont ce n’est pas le moindre des paradoxes qu’il soit survenu au Royaume-Uni, davantage tourné vers la mer. Le philosophe ne manque d’ailleurs pas de rappeler que les Britanniques « n’auraient, pour commencer, jamais dû entrer [dans l’Union européenne]. Comme le général De Gaulle l’avait bien compris en son temps, l’Angleterre s’est toujours sentie plus proche des États-Unis (le « grand large ») que de l’Europe, où elle n’a cessé de jouer le rôle d’un cheval de Troie atlantiste et dont elle n’a jamais pleinement accepté les règles ».

Cela étant, ce que l’on qualifiera de « tsunami », pour filer la métaphore sismographique, va entraîner une chaîne de conséquences aux dimensions multiples, bien que contrastées, tant sur le plan géopolitique que diplomatique ou de la politique intérieure des États. À l’évidence, la tectonique des plaques européenne connaît une activité qui n’est pas près de ralentir. On en voudra pour preuve – à l’heure où la Slovaquie va assumer la présidence tournante du Conseil de l’UE – les soubresauts du groupe de Višegrad (lequel regroupe la Pologne, la Hongrie la République Tchèque et la Slovaquie, tous initialement opposés au « Brexit ») réclamant, rien moins, qu’une « réforme complète de l’UE et de ses institutions » : « Les institutions de l’Union européenne doivent se limiter à leurs missions et leurs mandats », estiment les quatre pays dont certains ministres des affaires étrangères – à l’instar du Polonais, Witold Waszczykowski – exigent même la démission du président de la Commission européenne, Jean-Claude Junker.

Mais les secousses du « Brexit » ont été également ressenties outre-Atlantique. On se souviendra que dans les semaines précédant le référendum, la Maison-Blanche avait émis la plus expresse opposition au scénario de la sortie britannique de l’UE, Barack Obama soulignant qu’il revêtait une « question d’intérêt profond pour les États-Unis » (Boulevard Voltaire, 23 avril). Sous-entendu, dans la perspective d’un gouvernement mondial que préfigurerait le futur Partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement (TTIP) en cours de négociation avec l’UE, un « Brexit » fermerait à Washington une considérable fenêtre de tir sur les intérêts proprement européens. Aussi, le Bureau ovale vient-il d’annoncer que parallèlement aux discussions engagées avec Bruxelles sur le TTIP, un accord bilatéral serait également mené avec Londres. Reste à savoir quel rôle vont jouer les investisseurs ultralibéraux et autres financiers apatrides de la City dans une affaire qui, finalement, pourrait bénéficier aux « anti-Brexit » européistes, de part et d’autre de la Manche, la ratification du TTIP pouvant, à l’occasion, faire office de second référendum… mais, bien sûr, sans le peuple, cette fois.

De ce côté-ci du Channel, les médias, grands faiseurs d’opinion, ne cessent de claironner que « la question européenne » sera indubitablement au cœur de l’élection présidentielle de 2017. Assurément, le « Brexit » aura remis le Front national et sa présidente, Marine Le Pen, sur le devant d’une scène politique que d’aucuns, dans son entourage, considéraient jusqu’alors comme morose, certains doutant même de la stratégie mariniste. Belle aubaine pour le Système. Hollande pourra jouer la corde raciste et xénophobe du « Franxit » lepéniste, tout en plaidant évidemment pour un nouveau traité européen ce qui ruinera les argumentaires passablement éculés des ténors déjà épuisés de la droite dite « républicaine ». Toutefois, abordée sous l’angle exclusivement économique et technique, la question européenne n’en sera que plus escamotée tandis que les questions tout aussi cruciales que l’immigration-invasion, la perte identitaire ou la politique intérieure seront évoquées sur le mode mezza-voce.

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