Les breuvages forts des cosaques ukrainiens, des paysans et des princes de la Russie kiĂ©vienne ont une longue histoire, et elle est apparentĂ©e Ă lâhistoire des boissons en Europe. On peut citer la biĂšre, la varenoukha, les liqueurs, mais surtout le roi des festins â lâhydromel. La tradition de boire ces boissons naturelles existait en Ukraine comme partout en Europe jusquâau XIXe siĂšcle oĂč elles ont Ă©tĂ© tristement Ă©vincĂ©es par lâusage des boissons fabriquĂ©es Ă la chaĂźne.
Lâhydromel mĂȘme ou le « med », comme on dit en ukrainien (Mead chez Beowulf), nâexiste pas sans son produit de base : le miel. Les contrĂ©es slaves â de Novgorod Ă Kiev â pendant deux mille ans en Ă©taient les plus grands exportateurs ; plus tard, les zaporogues ukrainiens, Ă©tablis Ă demeure, ont dĂ©veloppĂ© jusquâĂ la perfection lâart de lâapiculture et, avec lui, lâart de la prĂ©paration de lâhydromel. Ces mĂȘmes zaporogues Ă©taient les premiers exportateurs dâeau-de-vie pour le royaume de Moscou et pour les pays europĂ©ens.
Les boissons à base de miel étaient déjà bien connues chez les Scythes qui les utilisaient mélangées avec des herbes pour guérir différentes maladies.
Les festins des princes de Kiev ne pouvaient pas se passer de lâhydromel ; cette boisson devait parfois reposer jusquâĂ trente-cinq ans pour ĂȘtre digne dâun repas princier ! Nos ancĂȘtres slaves offraient lâhydromel pour les repas sacrĂ©s pendant les noces et les cĂ©rĂ©monies dâenterrements. On retrouve des coutumes pareilles chez les Vikings et les autres peuples nordiques ; dans les passages de Beowulf jusquâaux Ćuvres de Tolkien, si inspirĂ© par la vieille tradition europĂ©enne de la tablĂ©e.
Lâhydromel est liĂ© Ă la vie des cosaques comme la boisson la plus populaire et la plus dĂ©licieuse. On lâĂ©voque dans les anciennes chansons hĂ©roĂŻques ukrainiennes (par exemple â le cĂ©lĂšbre chant sur le cosaque Bayda, vainqueur des Turcs) comme dans les rĂ©cits nostalgiques de nos Ă©crivains romantiques.
Citons Grigory Kvitka-Osnovyanenko et sa description inoubliable et gourmande dâune fĂȘte chez les nobles cosaques, pleine dâhumour et de fiertĂ© nationale : « La table Ă©tait garnie, Ă part les plats, de grandes cruches et parfois de grandes bouteilles pleines des biĂšres et des hydromels de sortes et de goĂ»ts diffĂ©rents⊠Et quelles boissons câĂ©taient ! Je vous jure : aujourdâhui personne nâimaginera pas mĂȘme en rĂȘve le goĂ»t de ces breuvages, et pour les prĂ©parer ou les brasser â nâen parlons mĂȘme pas ! Personne ne sait le faire !⊠Et lâhydromel ? Quel Ă©tonnement ! Vous le versez et il est pur et transparent comme un cristal, comme lâeau de source⊠Vous commencez Ă le goĂ»ter et aprĂšs la troisiĂšme gorgĂ©e vous ne pouvez plus ouvrir vos lĂšvres â tellement il est doux et collant. Et quel arĂŽme ! Aujourdâhui aucune grande dame ne porte un parfum pareil⊠Et que personne ne me raconte oĂč se trouve maintenant la Russie. Jâinsiste et je souligne quâelle est chez nous â dans la Petite Russie. Et voilĂ la preuve : quand les Russes Ă©taient encore les Slaves, ils avaient de bons hydromels et ne buvaient que cela. Et si un peuple voulait goĂ»ter un peu dâhydromel, il venait chez les Slaves. En Grande Russie ils ne savent pas prĂ©parer des hydromels aussi bons que chez nous, en Petite Russie, donc â nous sommes des vrais slaves rebaptisĂ©s en Russes ! »
Ce texte gentiment chauvin Ă©tait publiĂ© du temps des tsars ! Le secret de la prĂ©paration de cette boisson magique et rituelle a Ă©tĂ© bien oubliĂ© ou nĂ©gligĂ© parce que le processus est long, il exige beaucoup de travail et des produits chers en grande quantitĂ© â des kilogrammes de miel, le jus frais des baies de la forĂȘt, le bois des arbres fruitiers, le four et les outils traditionnels. Et enfin â une patiente attente de 25-40 ans pour avoir la bonne maturitĂ© de la boisson.
Aujourdâhui, quelques amateurs parmi les Ukrainiens du Canada et des EuropĂ©ens essaient de faire renaĂźtre la tradition et peut-ĂȘtre quâun jour on aura la joie de goĂ»ter ce breuvage des dieux qui ranime lâesprit et rĂ©veille lâĂąme !
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Philippe Randa,
Directeur dâEuroLibertĂ©s.