14 décembre 2016

Président, remettez-nous ça

Par Jean-Pierre Brun

Les sautes du vent de l’histoire ont souvent des effets inattendus. Celui, par exemple, qui permet au septuagénaire de se replonger dans quelque atlas de sa scolarité pour y retrouver les taches roses des colonies de naguère et se remémorer leurs appellations d’alors…

En effet les troupes françaises foulent de nouveau ces territoires oubliés, d’un pas qui n’a plus rien de conquérant. Mais au fait, pour qui crapahutent-elles ? Pour la France ? J’entends déjà certains qui toussent. Pour la Françafrique ? Foccart n’est plus là pour vous répondre. Pour une Europe qui leur refile les clés du bulldozer pour tenter d’endiguer le flot dévastateur de l’islamisme qui la menace ? Trop heureux de vous rendre ce service.

C’est ainsi qu’une violente rafale d’harmattan vous abandonne soudain sur les rives de l’Oubangui qui charrie de nouveau, toutes les misères du peuple.

« Oubangui Chari ! » : avouez que cela avait une autre gueule que « République Centrafricaine » qui pue à cent lieues son caractère « bananier » ! Pouah ! Quelle horreur !

Mais le vent mauvais ne vous laisse aucun répit. Et de refaire votre paquetage avant de vous laisser entraîner vers la boucle du Niger et le Soudan français… « Mali », voulais-je dire et je vous prie d’excuser cet anachronisme. Honni soit qui Mali panse (sans doute ses blessures d’une décolonisation inepte quant aux prétendues frontières de cet état croupion).

Les « aqmis » de nos amis sont nos ennemis. Mais au fait c’est quoi ces djihadistes ? De véritables pirates du désert, des marchands d’esclaves qui sillonnent les mers de sable comme les raïs naviguaient naguère sur la Méditerranée ? Certes les vaisseaux du désert n’ont jamais été les chébecs de la Régence ottomane. Les « pick-up » et autres 4X4 ont avantageusement remplacé les dromadaires.

Et nous voilà embarqués sur un esquif de fortune qui nous permet de traverser les guerres tribales. Il est vrai que les hostilités entre ethnies ou tribus évoquent bien des choses notamment pour ceux qui ont connu la fin de l’Algérie française et n’ont pas totalement coupé avec la nouvelle El Djezaïr. Le FLN ne cultive-t-il pas cette fâcheuse réputation pyrotechnique d’être un allumeur de vrai berbère ? Toujours Kabyle, mon frère ? Chaouia peut-être ? Mozabite ? Non… Touareg alors ? Mais oui, mais c’est bien sûr ! Au nom du djihad, on peut justifier n’importe quoi. Séleka de le dire !

Doit-on pour autant leur abandonner les pauvres gens qu’ils prennent en otage ? Que sont devenus les mercédaires (1) qui rachetaient les Chrétiens prisonniers des Barbaresques ? Il est sûr qu’aujourd’hui les rançons transitent par les ambassades. Pour autant, faut-il laisser faire ?

Un très mondain ministre humanitaire n’a-t-il pas promu le concept d’ingérence pour mettre fin à de telles pratiques ou pour renverser les pouvoirs politiques qui terrorisent et affament leurs populations ? Du devoir moral d’ingérence au droit du même nom, il n’y a qu’un pas que nos vaillantes troupes d’infanterie de marine et de légion sont invitées à franchir gaillardement pour débarquer Dieu sait où. Sidi Ferruch ? C’est encore loin ?

Bamako est calme, mais ça bouge à Gao. Allez, les gars on y va… Bon, maintenant c’est Tombouctou ! Ouvrez le ban ! Fermez les talibans. Et je t’investis les Iforas comme nos anciens avaient pris les Zibans. Quelle histoire !

Pendant ce temps, à Paris, de doctes commissions rendent leurs conclusions. Elles portent sur les avantages et inconvénients respectifs d’une intégration à réaction et d’une assimilation à culbuteur intégré. Le bon Saint Pierre en voit deux qui se marrent au fond du Paradis : Jacques Soustelle et Germaine Tillion que Mongénéral avait envoyés au coin pour l’incongruité de leurs propos sur le même thème. Ils menaçaient la conception même, et donc la naissance d’une Algérie réellement « indépendante et démocratique ». Vous vous souvenez : l’huile et le vinaigre qui ne peuvent se mélanger définitivement.

Bizarre… Bizarre… Comme c’est Bizarre ! Vous avez dit Bigeard ?

Main non, mais non, l’histoire ne se répète jamais. Elle bégaie, elle bafouille, que dis-je, elle trifouille.

Note

(1) Membres de l’ordre de la Merci ou de la Rédemption des captifs, fondé en 1218 en Catalogne par le Français saint Pierre Nolasque (1180-1249), avec l’appui du roi Jaime Ier, et approuvé par Grégoire IX en 1235.

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Philippe Randa,
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