8 mai 2017

Et la polygamie est en augmentation en France…

Par Franck Buleux

Il y a quelques années, en 2005, la revue Respublica, liée à l’« Union des Familles Laïques » (UFAL), dénonçait le versement du capital décès prévu par la Sécurité sociale, soit la somme de 3 404 euros depuis une réforme récente (avant, il s’agissait de trois mois de salaires plafonnés) à des épouses issues d’unions polygames.

La revue laïque de gauche s’appuyait sur un « guide » de la Sécurité sociale de Lyon-Villefranche-sur-Saône (69), dans lequel on relevait qu’en cas de décès d’un mari polygame, le capital prévu se partageait en autant de parts égales que de veuves.

Ainsi, pouvait-on résumer, la loi française interdit la polygamie, mais la Caisse d’assurance maladie confirmait cette réalité et, mieux, la prenait en considération pour le versement de prestations.

À l’époque, une avocate, engagée en faveur des étrangers, confirmait cette réalité, citant le cas d’une femme dont le mari était mort, mais qui avait épousé une seconde femme à l’étranger : « Le mariage de ma cliente est-il invalide ? Au nom de quoi faudrait-il privilégier l’une par rapport à l’autre ? »

Son combat était celui du partage des prestations, y compris pour la pension de réversion de la rente perçue lors de la retraite.

Ce type d’affaires est fréquent. L’un des mariages a lieu à l’étranger, dans un pays où la polygamie est autorisée (comme en Algérie, au Mali ou au Maroc, pour ne citer que les pays proches dont de nombreux ressortissants résident en France). Souvent, il y a une deuxième, puis une troisième épouse, qui arrivent en France dans la clandestinité.

La polygamie, autorisée – mais non obligatoire, rappelons-le – dans de nombreux pays musulmans, est en régression dans les zones urbaines africaines, mais en augmentation en France.

Le ministre malien chargé des nationaux de l’extérieur, l’indiquait : « Avec la crise économique dans mon pays, peu d’hommes peuvent entretenir plusieurs épouses. En France, c’est différent, tous les enfants sont une source de revenus. »

En 2007, l’excellente agence de presse internet Novopress avait repris cette information à partir d’une autre source : le très officiel portail de l’administration française service-public.fr.

Novopress l’indiquait fort justement : « L’opinion religieuse est devenue un critère de droit. »

Quelque temps après cette information, la page disparaissait subitement d’internet…

D’autres sites publics reprenaient cette information, notamment celui de la mairie de Perpignan, qui indiquait comme « bénéficiaires non prioritaires » (c’est-à-dire lorsqu’il n’y a pas eu de demande préalable de personnes à la charge effective et totale de l’assuré décédé au moment de sa disparition dans le mois qui suit celle-ci) : « En cas de concours entre bénéficiaires non prioritaires de l’assurance décès, celle-ci est attribuée selon les cas suivants : conjoint : si l’assuré est musulman, le capital décès peut être partagé entre ses veuves quel qu’en soit le nombre ».

C’est-à-dire que la religion de l’assuré social décédé doit être rapportée auprès des services de l’assurance maladie afin que ses ayants droit, ses épouses, perçoivent un capital versé par les pouvoirs publics !

Aujourd’hui, qu’en en-t-il ?

Au pire, le silence semble régner sur tout ce qui concerne l’« islamisation » de nos structures sociales.

Au mieux, les partisans de l’aveuglement feignent de confondre le capital décès versé par la Sécurité sociale et la pension de réversion de la pension de retraite.

Il est, en effet, fréquent que, sur ce débat précis, un interlocuteur de bonne foi (?) évoque la réglementation de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV), c’est-à-dire celle de la branche « vieillesse » de notre Sécurité sociale, en clair le service de notre régime obligatoire de prestations sociales chargé de verser les pensions de retraite, y compris en matière de réversion de la rente de l’assuré défunt.

Le traitement des prestations en matière de réversion de rente pour les assurés polygames dépend, effectivement, des conventions entre la France et les pays d’origine des assurés concernés. Ce traitement est réglementé par la circulaire CNAV (Caisse Nationale de l’Assurance Vieillesse) 2008/14 du 25 février 2008 et peut entraîner, effectivement mais pas systématiquement, la pension de réversion en parts égales entre les épouses.

Ce mélange des garanties permet de « dédramatiser » le versement de prestations aux épouses d’un assuré polygame en se fondant sur des règles de portée internationale et d’ordre conventionnel interétatiques. En substance et en résumé, pour qu’il y ait un partage effectif de la prestation versée par la CNAV à des épouses multiples, l’assuré polygame ne doit pas s’être remarié en France.

Or, en matière spécifique de versement du capital décès, cette prestation n’ayant rien à voir avec la pension de réversion, où en est la pratique française ?

Un document interne des Régions Centre et Limousin de l’Assurance Maladie mis à jour le 1er mars 2010 intitulé « Manuel Capital décès », et toujours en vigueur, est très clair : « sont bénéficiaires prioritaires d’un capital décès, les personnes répondant aux deux conditions suivantes : se trouver au jour du décès de l’assuré à sa charge effective, totale et permanente et avoir présenté la demande de capital décès dans le mois suivant le décès (à partir du jour du décès), faute de quoi la priorité ne peut s’appliquer ».

Cette priorité s’applique, nous écrit-on un peu plus loin, aux « assurés musulmans polygames », alors est-il précisé, « le capital décès peut être partagé entre ses veuves quel qu’en soit le nombre ».

L’Assurance maladie respecte, à la lettre, la Charia islamique puisqu’elle n’applique cette règle qu’en faveur des « veuves ». La polygamie est, effectivement, réservée aux musulmans de sexe masculin qui disposent du droit d’épouser jusqu’à quatre épouses en même temps.

La disposition relève de l’article L. 361-4 du Code de la Sécurité sociale concernant la définition du bénéficiaire prioritaire stricto sensu. Il n’est, bien entendu, pas question de polygamie dans cet article mais du fait d’être à la charge de l’assuré disparu.

L’acceptation de la prise en considération des assurés musulmans polygames se fonde, non sur un texte de loi, mais sur une lettre ministérielle datant du 20 décembre 1983.

Plus généralement, on observe, concernant cette prestation en cas de décès de l’assuré social un paradoxe :

  • D’abord, la disparition, peu à peu, du critère familial de son versement ; en effet, le Code de la Sécurité sociale, nous l’avons vu, met l’accent sur des critères dits « objectifs » liés au versement du capital (ou, en sus, d’une rente lorsqu’il y a décès lié à un évènement d’ordre professionnel, accident du travail ou maladie professionnelle reconnue par la Sécurité sociale), soit la charge effective, permanente et absolue de l’ayant droit vis-à-vis de l’assuré défunt.

L’ayant droit est l’expression consacrée, c’est-à-dire le bénéficiaire d’une somme exempte de tous droits de succession et de cotisations sociales (CSG, CRDS…)

  • Ensuite, et a contrario, pour les assurés sociaux musulmans, le strict respect de la loi Coranique, c’est-à-dire le versement à des épouses multiples considérées comme « bénéficiaires prioritaires », c’est-à-dire les personnes qui peuvent effectuer la demande auprès de la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie) dont dépendait le défunt sous un mois.

En quelque sorte, pour paradoxal que puisse apparaître cette disposition, dans notre pays occidental, la notion de famille s’efface face à la notion impersonnelle de l’ayant droit sauf dans la stricte application de la Charia.

Le droit successoral, issu du Code Napoléonien encore pour une bonne part, ne s’applique que subsidiairement pour les non-musulmans (lorsqu’il n’y a pas de bénéficiaires prioritaires, l’ordre lié à la dévolution successorale légale reprend ses droits) mais de manière stricte pour les musulmans, dont une kyrielle, certes limitée à quatre, d’épouses peut se désigner bénéficiaires prioritaires.

Ajoutons-y une question, en guise de provocation, qu’en serait-il si cinq (ou plus) épouses de l’assuré défunt réclament le versement du capital décès ? Le responsable du département prestations de la Sécurité sociale irait-il jusqu’à refuser le versement de la quote-part de la prestation au profit de la cinquième épouse, pour non-conformité à la Charia.

Plus que le montant lui-même de la prestation, voire de son utilité (le plus souvent, pour pallier les dépenses urgentes liées au décès), c’est notre système qui est mis en cause ici tant du pont de vue de la solidarité familiale que du point de vue de la laïcité.

La finalité de la prestation, espèce de secours d’urgence, en a totalement dénaturé la portée. Il est temps qu’un règlement approprié réforme le versement de cette prestation en cas de décès, relativement peu connue de nos concitoyens et qui, de ce fait, concourt à certaines dérives d’interprétation plus religieuse qu’objective.

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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

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