13 septembre 2017

La bataille fantôme

Par Pierre de Laubier

 

Le principal mérite des quatre premiers rois capétiens a été de vivre longtemps et de ne pas se mêler de ce qui ne les regardait pas. Pourtant, au cours de ce premier siècle de la dynastie, deux événements de taille se produisirent sous le règne de Philippe Ier. Le premier est la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066. Le second est la délivrance de Jérusalem par la première croisade, en 1099.

Louis le Gros prenant l'oriflamme sur l'autel de Saint-Denis.

Louis le Gros prenant l’oriflamme sur l’autel de Saint-Denis.

Le premier Capétien dont on raconte le règne avec quelques détails est Louis VI le Gros, monté sur le trône en 1108. Conseillé par Suger, abbé de Saint-Denis, il mit en place dans le domaine royal une administration qui se superposa aux liens féodaux : prévôts chargés de recueillir les revenus royaux, de lever des hommes d’armes et de rendre la justice en première instance. C’était bien nécessaire, car le domaine royal était alors la province la moins sûre du royaume !

Ce qui plaît aux historiens, c’est que Louis VI fut un homme de guerre infatigable. C’était bien utile, direz-vous, pour mettre au pas les seigneurs turbulents. Sauf que le royaume n’est nullement en proie à l’anarchie. Louis VI ne fait pas la guerre pour soumettre des seigneurs révoltés contre l’autorité du roi, mais pour arbitrer des conflits entre eux, ou entre les seigneurs et les villes qui cherchent à faire garantir leur existence par des chartes et des franchises. Ces guerres ne sont, en somme que la justice du roi continuée par d’autres moyens.

D’autre part, Louis VI s’opposa à l’empereur germanique, qui était alors en conflit avec la papauté (c’est la querelle des Investitures). Par deux fois, il donna asile au pape chassé d’Italie par l’empereur. Cette opposition finit par irriter l’empereur Henri V. D’autre part, celui-ci avait l’intention d’aider son beau-père Henri Ier Beauclerc (fils de Guillaume le Conquérant) à régler la succession du duché de Normandie. C’est pourquoi, en 1124, il entra en France à la tête d’une armée.

Mais quelle est cette bataille fantôme, signalée avec négligence par les historiens, et dont Lavisse ne souffle même pas un seul mot ? Pourquoi ce lourd silence ? Parce que la bataille n’eut pas lieu ! C’est une bonne raison, mais pas suffisante. Car elle fut la répétition d’une autre qui devait avoir lieu un siècle plus tard : celle de Bouvines.

En effet, le roi de France avait beau régner sur des seigneurs plus puissants que lui, il n’eut aucun mal à les réunir sous la bannière rouge de saint Denis. Henri V s’était avancé jusqu’à Reims, mais à la vue de cette armée formée de contingents venus de tout le royaume, il fit demi-tour et se retira à Metz. Et la bataille n’eut pas lieu.

Dommage pour les historiens, qui n’accordent de gloire aux souverains que quand ils font couler des ruisseaux de sang. Mais cet événement montre qu’en dépit des apparences, le système féodal était aussi efficace que nécessaire pour assurer la défense du royaume, et que l’esprit « national », dont on dit qu’il est né sur le champ de bataille de Bouvines, existait donc bel et bien. Les vassaux du roi de France n’étaient pas ses rivaux. C’est au contraire le roi qui, bientôt, va entrer en rivalité avec eux.

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Philippe Randa,
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