2 mai 2016

Haro sur les Brigandes…

Par Thierry Bouzard

Sévèrement mises en cause dans certains médias qui donnent une vision de leur arrière-cour, le groupe de chanteuses Les Brigandes a vu leur prestation du 8 mai pour l’association catholique Civitas annulée. C’est en octobre 2014, juste après le succès de leur premier concert, lors de la « Journée » organisée par la revue Synthèse nationale à Rungis, que les antifas de La Horde, lancent la première attaque[1]. L’argumentaire est repris en février par Le Point, le magazine de BHL[2]. L’affaire est sévère, elles sont accusées d’être une secte sous l’emprise d’un gnostique franc-maçon. Il est toujours contreproductif de reprendre l’argumentaire de ses ennemis, surtout quand ils relèvent de problèmes affectifs et de dénonciations politiques[3].

Sur fond de problèmes personnels et de jalousies, pas d’occultisme ni de complot, au final même pas du Closer. Certains peuvent le regretter, mais le temps où l’Église excommuniait les comédiens est révolu. Et surtout, la question n’est pas là. Il ne s’agit que de chansons, les saltimbanques sont à juger sur ce qu’ils composent et font entendre et non sur leur vie.

La chanson rend compte de l’identité d’une communauté, de son audience et de sa vitalité. Sans la capacité de créer des chansons adaptées aux circonstances sans cesse changeantes de l’existence, la communauté disparaît. En adoptant des répertoires étrangers, elle est tout simplement engloutie dans une autre, il suffit d’écouter les bandes sonores des lieux publics pour prendre conscience du modèle qui est imposé. Les familles ont pu chanter d’une seule voix jusqu’à l’arrivée du microsillon. Le disque a introduit une fracture entre les générations, éclatant les répertoires collectifs qui font l’identité d’un peuple, en même temps que la jeunesse devenait un enjeu commercial. La musique rend compte au plus près de cette évolution.

Agissant sur les émotions, la musique est un levier puissant pour influencer les masses, gagner les esprits et garantir la paix sociale. Les révolutionnaires avaient bien retenu l’enseignement de Jean-Jacques Rousseau qui avait remarqué que « si notre musique a peu de pouvoir sur les affections de l’âme, en revanche, elle est capable d’agir physiquement sur les corps. »[4]

Monopole soigneusement gardé par la gauche, elle est devenue un moyen de capter la jeunesse rendue indifférente à des politiques corrompus et discrédités. Les meetings politiques ont disparu, par contre les grands concerts continuent plus que jamais d’attirer les foules, permettant de passer des menottes culturelles à la jeunesse, et la rendant dépendante des prescriptions des vedettes auxquelles elle s’identifie. Plus besoin de penser, il suffit de faire ce qu’on lui prescrit, comportement, mode vestimentaire, culinaire, manifs, vote… Ça ne fonctionne peut-être pas à tous les coups[5], mais, globalement, ça canalise les pulsions de révolte en les empêchant de verser dans l’opposition radicale au système. En musique, on appelle ça les musiques alternatives ; alternatives au conformisme, mais pas anticonformistes ni dissidentes.

Il est crucial pour la gauche de conserver ce monopole, d’autant plus que ses bases idéologiques s’effondrent. Tant qu’elle tient les leviers culturels et tout spécialement la musique, elle peut encore espérer conserver le pouvoir, et surtout ne jamais perdre le pouvoir culturel. Elle doit donc impérativement empêcher ses adversaires de lui contester son hégémonie. C’est la raison pour laquelle l’affaire des Brigandes n’est pas une question de secte et d’occultisme. L’objectif est de démanteler un outil qui fonctionne dans la dissidence et dont l’audience commence même à déborder puisqu’on les retrouvait dans Grazia en janvier[6], juste avant que Le Point n’intervienne. Elles devenaient dangereuses.

Il ne faut pas s’étonner si les artistes sont tous à gauche ou cachent leurs opinions. Car ce sont toutes les tentatives de la chanson dissidente pour desserrer l’étau dont il faut se souvenir. D’abord, les chanteurs pieds-noirs blacklistés des médias, sauf Enrico Macias… Ensuite les groupes skinheads des années 1980 considérés comme des parias. In Memoriam résume à lui seul l’acharnement contre le rock identitaire : attentat à l’explosif en octobre 1998 qui détruit la salle de Vitrolles où il devait se produire, menaces et alertes à la bombe pour son concert parisien de juin 2014, torrent d’indignations après son concert à Fréjus en première de La Souris Déglinguée en juillet 2015. Depuis des années et dans l’indifférence générale des « Charlie », la plupart des concerts de Black Metal et de rock identitaire sont organisés dans la clandestinité ou dénoncés par les antifas, pendant que ceux du Hellfest sont subventionnés. Comme pour confirmer cette stratégie, tout récemment et jamais en retard d’une délation, La Horde s’en est prise aux groupes Lemovice et Peste Noire[7] à l’audience plus confidentielle, mais néanmoins étrangers aux idéologies mondialistes et révolutionnaires. Dans cette stratégie culturelle totalitaire, aucun espace ne doit rester aux musiques dissidentes.

Il ne s’agit pas de cautionner ou de promouvoir tel ou tel courant musical, mais d’empêcher la destruction de compositions qui s’en prennent aux monopoles culturels de ceux qui veulent détruire notre identité. Car sans identité musicale propre, un peuple n’existe plus.

Thierry Bouzard

Chroniqueur musical à Présent

Auteur Des Chansons contre la pensée unique, éditions des cimes, 2014, 332 pages.

 

Notes

[1] http://lahorde.samizdat.net/2015/10/07/les-brigandes-rock-identitaire-francais-extreme-droite

[2] http://www.lepoint.fr/societe/qui-sont-les-brigandes-le-groupe-qui-emoustille-l-extreme-droite-25-02-2016-2020988_23.php

[3] http://lecomitedesalutpublic.com/documents/DROIT-DE-REPONSE-DES-BRIGANDES.pdf

[4] Rousseau Jean-Jacques, Dictionnaire de la musique, art Musique, in Œuvres complètes, t. 5, Paris, Gallimard (La Pléiade), 1995, p. 922. Rousseau cite l’exemple du pouvoir de guérison de la tarentule, suivant une opinion commune à l’époque.

[5] http://www.arretsurimages.net/breves/2016-01-10/Ceremonie-Republique-une-place-a-moitie-vide-et-des-plans-serres-id19590

[6] http://www.grazia.fr/societe/phenomenes/articles/les-brigandes-le-groupe-de-filles-masquees-qui-assument-leur-cote-reac-en-cha-797320

[7] http://lahorde.samizdat.net/2016/04/15/nsbm-peste-noire-lemovice-wolfsangel

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