6 juin 2019

À quoi servent les médias, un point de vue suisse

Par Euro Libertes

À quoi servent les médias ? À la suite de notre article relatant une émission de la Radio Télévision Suisse (RTS) la semaine dernière (voir site de l’OJIM), nous reprenons un papier de l’Antipresse de Slobodan Despot sur le sujet.

À quoi les médias servent-ils, au fond ?

« Les médias ont-ils tout faux ? » s’est demandé la RTS cette semaine, sur le plateau d’Infrarouge. La question à première vue semble futile. Vu de la rue, oui, les médias ont «tout faux». Mais si l’on varie le point de vue, la réponse paraît moins évidente.

Parmi les métiers d’aujourd’hui, celui de journaliste souffre vraisemblablement de la cote de confiance la plus basse. Économiquement, sa survie même semble menacée. En Suisse, les journaux ferment les uns après les autres. En France, les titres «de référence» ne survivent que grâce à un subventionnement massif par l’État.

Or, lorsqu’un pouvoir, en période de crise, injecte des centaines de millions dans une institution (d’ailleurs privée), alors même que son contribuable descend dans la rue à force de ne plus pouvoir nouer les deux bouts, c’est qu’il trouve dans cette institution une utilité concrète, non seulement une cause culturelle à défendre. La satisfaction du client, sa fidélité ou son nombre ne jouent en l’occurrence, aucun rôle. Le poids d’un organe officiel n’est pas défini par la portée de sa voix, mais par l’accréditation, généralement tacite, dont il jouit. Libé ou Le Temps sont à la fois des titres journalistiquement foutraques et économiquement marginaux, ils n’en donnent pas moins le ton. La voix du politburo peut n’être qu’un murmure (et elle est généralement dédaigneuse et lasse), elle ne vous flanque pas moins la chair de poule.

Les directeurs des journaux concernés s’offusqueront bien entendu de ce rapprochement historique compromettant. Ils sont indépendants, ils ne rendent de comptes à personne, ils publient des enquêtes intrépides, d’ailleurs le président ou tel ministre les a en grippe… etc. Il suffit toutefois d’établir l’organigramme socio-économique de leur patronat-actionnariat pour comprendre qu’il existe au-dessus des besogneux une connivence de caste à une hauteur stratosphérique que les turbulences du relief terrestre n’affectent pas1.

A de telles altitudes, la distinction privé-public devient inopérante. Du reste, le comportement de caste des journalistes est semblable, qu’ils travaillent dans le service public ou dans le privé. Mais ce n’est pas dans les hauteurs béantes que l’on doit situer le débat sur la débâcle des médias. A la rigueur même, elles ne nous concernent pas. Ce qui nous concerne, en tant que citoyens, c’est leur contribution (ou leur obstruction) au bon fonctionnement de la société censément démocratique où nous vivons.

Un peuple qui ne croit plus en rien… n’est plus un peuple

Cette contribution, nul n’était mieux à même de la définir que Hannah Arendt, grande analyste et grand témoin de l’ère totalitaire (voir à ce sujet la remarquable série qui lui est consacrée par le Cannibale lecteur dans nos trois derniers Antipresse, 180181182). Elle le dit de manière simple et carrée dans cet entretien accordé à la New York Review of Books vers la fin de sa vie :

«Dès le moment où nous n’avons plus une presse libre, tout peut arriver. Ce qui permet l’avènement du totalitarisme ou de n’importe quelle autre dictature, c’est le fait que les gens ne sont pas informés; comment vous faire une opinion si vous n’êtes pas informé? Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d’agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple, vous pouvez faire ce que vous voulez.»

Or pour que les gens soient informés, il faut que deux conditions au moins soient réunies: a) que l’information soit de qualité; b) que ses destinataires aient envie et/ou la possibilité de la recevoir. On peut discuter à l’infini de la question de savoir si la qualité de l’information se perd, mais il suffit — soyons francs — d’ouvrir un quelconque journal d’il y a un demi-siècle pour trancher assez rapidement ce dilemme, ne serait-ce qu’en termes de quantité de données proposées, de tenue de la langue et d’articulation des arguments. Quoi qu’il en soit, il est indiscutable que l’envie d’information provenant des canaux traditionnels, au sein du public, s’est considérablement atténuée.

Au-delà même de ces critères évidents de faillite, on peut aussi lire le syllogisme de Hannah Arendt dans un autre sens.

À l’envers, l’impératif moral devient simple constat: puisqu’il n’y a pas de presse libre et que les gens ne sont pas bien informés, cela veut dire que nous ne sommes pas en démocratie.

Si le système où nous vivons n’est pas, ou n’est plus, démocratique, s’il n’a pas besoin de citoyens informés mais d’une masse ignare, il se pourrait que les médias de grand chemin n’aient pas «tout faux» mais qu’au contraire ils soient conformes au mouvement de fond de ce temps. Désorienter le public — pour qu’il ne «croie en rien» —, et le divertir dans les deux sens du mot : l’occuper et le détourner de l’essentiel. Du gouvernement de sa propre vie. Capitalisme du désastre, encore ! Merci à Naomi Klein de nous l’avoir illustré.

Comprendre la fonction objective des médias au sein de cette société complexe n’est pas l’affaire d’un billet d’humeur. J’y reviendrai la semaine prochaine en tentant de détailler un peu le tableau de causalités systémiques reliant les divers aspects de ce qui nous paraît définir leur déclin:

  • Consanguinité intellectuelle
  • Cercle vicieux de la dépendance publicitaire.
  • Compétition dégradante avec l’information «instantanée» des réseaux sociaux.
  • Effets suicidaires de la gratuité.
  • Concentration aux mains de groupes financiers ou industriels.
  • Complaisance vis-à-vis des pouvoirs.
  • Lavage de cerveaux «politiquement correct».
  • Mépris du lecteur/client.

Ce paysage après la bataille demanderait évidemment d’amples développements. Pour le moment, méditons un peu sur cette intrication de causes et d’effets se renforçant mutuellement depuis, environ, la fin des années soixante.

Article paru sur le site de l’OJIM.

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