8 juillet 2016

Le référendum et « l’être » des peuples

Par Aristide Leucate

Alors que le régime représentatif apparaît à beaucoup comme partiellement (voire incomplètement) démocratique, l’usage, de plus en plus généralisé, du référendum comme prétendue manifestation de la démocratie réelle, apporterait la preuve qu’il est, plus que jamais, l’acmé de ce régime que Churchill considérait comme le pire des systèmes à l’exception de tous les autres déjà essayés dans le passé.

Le référendum sur le « Brexit » comporte une incertitude quant à la concrétisation politique et juridique de la votation britannique. Car, en toute logique, il n’appartient jamais au peuple d’assumer le « service après-vente », les effets impliqués par son vote reposant sur les épaules du pouvoir politique légalement investi. Et si, parce que désavoué, l’auteur de la question (David Cameron, en l’occurrence) en vient à remettre son mandat au peuple, rien ne garantit que son successeur réponde parfaitement aux desiderata populaires.

C’est dire que le référendum demeure fondamentalement ambivalent et, pour reprendre une formule bien connue, dût-il sortir de son ambiguïté constitutionnelle, ne le ferait-il qu’à ses dépens. La question référendaire comme la réponse sont traversées de courants contradictoires où les arrières pensées des uns s’entrechoquent avec les secrètes attentes des autres. Aussi, s’interroge le constitutionnaliste Frédéric Rouvillois, « le référendum a-t-il réellement un avenir si on ne le rattache pas à nouveau, de façon claire et explicite, à la responsabilité politique de celui qui s’adresse au peuple ? »

Pour autant, le Brexit semble susciter des vagues d’espérances, tandis que se profilent, un peu partout en Europe, soit des consultations populaires (à l’instar du référendum annoncé en Hongrie, le 2 octobre prochain, sur la relocalisation des migrants imposée par l’UE), soit des projets de référendum (comme celui proposé par la Tchéquie sur son éventuelle sortie de l’UE), quand certaines élections prennent des allures de véritables référendums en promouvant des candidats hors ou antisystèmes (Italie, Autriche).

Mais si le référendum permet aux peuples de recouvrer leur souveraineté, tout populisme conséquent se devrait, cependant, de ne pas en surévaluer sa portée, attendu que le peuple ne se conçoit pas uniquement dans sa dimension électorale. C’est un fait que le souverainisme instrumental (c’est-à-dire celui consistant à recouvrer nominalement les compétences politiques dévolues à Bruxelles) est littéralement hanté par l’obsession référendaire, définie comme l’alpha et l’oméga de la démocratie. Or, c’est occulter « l’être-là » (le « dasein » heideggérien) des peuples, comme dessein et communauté de destin foncièrement politiques.

Le retour du politique présuppose l’intégrité ethnoculturelle du démos. Retrouver l’usage formel de la Constitution est incontestablement un impératif politique catégorique, préalable juridique à toute reconquête de la souveraineté nationale. Mais ce rapatriement des instruments de souveraineté restera nettement insuffisant, aussi longtemps que l’être politique des peuples, sous les effets conjugués de la dénatalité et de l’immigration de substitution, sera affecté dans son essence.

Si la souveraineté est définie comme la première des libertés politiques conditionnant l’existence de toutes les autres, alors doit-elle coïncider avec l’identité propre à chaque peuple et s’ancrer dans la nation incarnée par le peuple qui en est sa sève.

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Philippe Randa,
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