7 octobre 2016

Oliver Cromwell : un surdoué halluciné autant que criminel

Par Bernard Plouvier

 

Oliver Cromwell offre à l’observateur un type de chef d’État – chef de guerre, fou de dieu, différent de la plupart de ses confrères : c’est un halluciné.

Orphelin de père à 18 ans, Cromwell est un petit propriétaire terrien du Pays de Galles perpétuellement désargenté, ce dont il ne se soucie guère. Très attaché à sa mère, à son épouse et à leurs 9 enfants (dont 7 parviennent à l’âge adulte, ce qui est une proportion remarquable pour l’époque), il passe ses heures de loisir à fréquenter la Bible, singulièrement l’Ancien Testament.

En 1620, âgé de 21 ans, il perçoit ses premières hallucinations auditives et visuelles, à tonalité franchement mystique. En médecine, le terme d’hallucination ne s’emploie que dans le cas où la victime est fermement convaincue de la réalité de ses visions.

Chez lui, les accès surviennent de façon aléatoire, irrégulièrement espacés, sans facteur caractéristique. La répétition des hallucinations lui fait progressivement croire qu’il est appelé par la divinité à remplir une mission particulière. Vers 1640, cette conviction est solidement ancrée.

C’est un homme peu instruit. Sa connaissance du latin, la langue diplomatique de l’époque, sera toujours pitoyable. Médiocre orateur, il se contente d’être un obscur député aux Communes durant les années 1628-29, puis, à compter de 1640, quand le Parlement est de nouveau réuni après 11 années de despotisme royal. La révolution anglaise de 1642 lui offre l’occasion de révéler ses dons de chef de guerre.

Fort méticuleux, il prend un soin extrême de l’armement et du ravitaillement de ses hommes, chez lesquels il fait régner une très stricte discipline. Il est difficile d’apprécier son sens tactique : ses adversaires, les « Cavaliers » du parti royal, sont tellement stupides et indisciplinés qu’ils offrent des victoires faciles aux « Têtes rondes » du Parlement.

Chargé de réprimer « l’insurrection papiste » d’Irlande, en 1649-50, il se montre effroyablement sectaire et fort sanguinaire, exterminant systématiquement les combattants ennemis, mais aussi une partie de la population désarmée : son action préfigure celle des « colonnes infernales » de Turreau en Vendée, à ceci près que le génocide irlandais de Cromwell est perpétré au nom du dieu d’amour.

À 53 ans, il devient le maître absolu de la Grande-Bretagne, sous l’appellation de Lord Protecteur d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande, cumulant tous les pouvoirs, même celui d’inspirer le dogme religieux. Il méprise ouvertement les juristes et viole perpétuellement la Constitution qu’il a fait adopter en décembre 1653 pour satisfaire le légalisme de ses partisans. De la même façon, il n’aime guère les parlementaires qu’il a laissés se gaver de terres et de biens mobiliers arrachés aux royalistes, au clergé anglican et aux papistes.

Officiellement, l’inspiration divine lui dicte sa politique et cet argument, répété à longueur d’années, paraît bon à ses administrés après qu’il a exterminé l’opposition des « niveleurs ». Seul le Lord Protecteur connaît les desseins de dieu : une grande partie de la population britannique en est convaincue, l’autre partie se tait par prudence.

Lui-même est austère et parfaitement désintéressé ; il ne se gave que de ses « voix ». À l’étranger, on le craint chez les catholiques, on le vénère chez les protestants. Il parle constamment de paix et jette l’Europe dans la guerre générale. C’est le prototype du dictateur de droit divin, qui rend à sa divinité son esprit halluciné le 3 septembre 1658, au plus fort d’une tempête d’intensité exceptionnelle.

On dispose de trop peu d’éléments cliniques pour affirmer la nature des troubles psychiatriques d’Oliver Cromwell. L’importance de ses hallucinations, leur tonalité mystique et leur début précoce pourraient orienter vers le diagnostic de paraphrénie, une variété (controversée) de psychose hallucinatoire chronique. L’hypothèse d’une épilepsie limbique (suivant la dénomination ancienne) temporale n’est pas à écarter, même si elle est peu probable : l’homme avait une vie sexuelle assez riche et n’a jamais présenté d’autres signes de cette variété d’épilepsie.

Quelle que soit l’origine de ses hallucinations, il est parvenu à faire adhérer la masse de ses partisans à son délire, en dépit de talents oratoires fort médiocres. La réussite du chef de guerre a emporté la conviction de lecteurs assidus de l’Ancien Testament, un ensemble de textes où l’être heureux dans ses réalisations est réputé béni de Dieu. C’est un exemple de fou de dieu, grand exterminateur d’ennemis. Le mysticisme dévoyé mène volontiers au crime de masse.

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Philippe Randa,
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