3 décembre 2017

L’Ukraine est-elle le berceau des Indo-Européens ?

Par Louis-Christian Gautier

« L’Ukraine est-elle le berceau des Indo-Européens ? » : c’est la question posée par l’un des paragraphes du livre déjà cité de I. Lebedynsky, qui y répond de manière largement affirmative en évoquant la « théorie des Kourganes » qui est « la plus cohérente et semble adoptée par une majorité de spécialistes » parmi lesquels Marija Gimbutas, dont les travaux sur la protohistoire est-européenne font référence. Rappelons à l’intention de ceux qui ne seraient pas familiers du sujet que les kourganes (mot russe désignant un tumulus), sont des tombes monumentales que l’on trouve dans le sud de la Russie et l’est de l’Ukraine, dont les bâtisseurs auraient « indo-européanisé » divers peuples conquis, dont les tripoliens (1).

C’est seulement dans le premier millénaire av. J-C qu’apparaissent les nomades, eux aussi indo-européens à l’origine (ou du moins parlant des langues indo-européennes), les « Cimmériens » des auteurs grecs, puis les Scythes, qui, en se sédentarisant, créeront sur le bas Dniepr et à l’emplacement de la future Crimée un « puissant royaume qui dura au moins jusqu’à la fin du IIe siècle de notre ère » (I. Lebedynsky).

C’est alors qu’arrivent venant de la Baltique (2) des Germains : les Goths. Sous la dynastie sacrée des Amales, ils fondent aussi « un puissant royaume » s’étendant de l’Ukraine à la Roumanie actuelles. Leur influence sur ceux que l’on qualifie de « Proto-Slaves » est attestée au moins par des emprunts de vocabulaire. L’arrivée d’autres nomades, cette fois asiates, les Huns, met fin au royaume goth (376 ?). Mais leur domination ne durera pas un siècle : après le règne du célèbre Attila, l’empire se dissout (454).

Toujours en nous efforçant de « faire court », mentionnons au passage que la Crimée a été (partiellement) à partir de 528 soumise à une administration byzantine (empereur Justinien).

Enfin les Slaves apparaissent : peu avant d’être défait par les Huns en 376 (?), le roi goth Vithimir avait vaincu la tribu (ou fédération ?) des Antes, population majoritairement slave « à l’évidence » (Lebedynsky) qui avec les Sclavènes formait « une vaste nébuleuse slavophone » (idem). Ces Slaves venus du Nord vont profiter des difficultés de l’Empire romain d’Orient pour s’établir dans la région, les Sclavènes envahissant principalement les Balkans, tandis que les Antes préfèrent s’allier avec Constantinople (543/4) et affronter les précédents. D’aucuns les présenteront un peu rapidement comme les ancêtres des Ukrainiens.

Du moins est-il admis l’existence d’un ensemble de « Slaves Orientaux » comprenant ceux-ci, plus les Russes et Biélorusses.

La différentiation linguistique se fera progressivement, du moins ces parlers resteront-ils apparentés à la manière des différentes langues scandinaves. Ces peuples seront à l’origine de l’État kiévien, « ensemble politique et culturel (qui) portait le nom de Rous’» (Lebedynsky). Appellation revendiquée par l’historiographie russe qui parlera de « Russie de Kiev ». Or, comme on sait, cette ville est la capitale de l’actuelle Ukraine, dont les citoyens contestent bien sur cette appropriation. Pour l’historien ukrainien contemporain déjà cité à plusieurs reprises, et qui consacre plusieurs pages au sujet, cet État n’était pas plus la « Russie » que l’« Ukraine » ou la « Biélorussie ». Quant à A. Joukovsky, il parle prudemment dans son ouvrage déjà cité (voir note 5) de « tribus proto-ukrainiennes » qui au début du VIIIe siècle furent obligées de payer un tribut au khanat des Khazars. (3)

Notes

(1) Sur l’ensemble du sujet on peut également se reporter à L’Indo-Européen et Les Indo-Européens de Jean Haudry (1992, le second réédité et complété en 2010).

(2) Une des hypothèses les plus vraisemblables sur leur foyer antérieur est sa localisation dans l’île de Gotland, qui aujourd’hui appartient au Royaume de Suède.

(3) Nomades d’origine turque, qui eux-mêmes chassés par les Arabes vinrent occuper la rive septentrionale de la mer Noire.

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