18 décembre 2017

Union Européenne : anathèmes et menaces volent bas…

Par Richard Dessens

 

Les 14 et 15 décembre s’est tenu un Sommet européen au menu duquel ont été abordées notamment les questions du Brexit et de l’immigration, sur fond de conflits encore larvés mais menaçants.

Sur le Brexit, la situation de Theresa May est très inconfortable. « Otage » du petit parti unioniste irlandais DUP dont elle dépend pour sa majorité, Mme May évolue entre un Brexit « hard » et un Brexit « soft », sous la pression du DUP, hostile au Brexit. En effet, celui-ci voit un risque de réunification de l’Irlande à la faveur du Brexit, la question de la nouvelle frontière de l’UE se posant dans un premier temps. L’accord de 1998 a supprimé la frontière Nord/Sud en Irlande. La frontière nouvelle de l’UE serait alors entre une Irlande « unie » de facto et la Grande Bretagne. L’accord prévu entre la Grande-Bretagne et l’UE est donc retardé, et la position de Theresa May encore fragilisée. La question irlandaise, négligée jusqu’ici par Londres risque de compliquer les négociations.

Sur l’immigration, la situation est encore plus complexe face aux quatre pays du groupe de « Visegrad 4 » (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie) qui persistent dans leur refus de recevoir des « réfugiés ». Or, M. Charles Michel, Premier ministre belge, est intervenu pour souligner la concomitance entre les négociations des prochains budgets européens et les discussions sur l’accueil des migrants, insinuant lourdement la possibilité de sanctionner financièrement le Groupe de Visegrad en cas de maintien de ses positions. « La solidarité ne peut pas être unilatérale, elle ne peut pas aller toujours dans le même sens… Si la solidarité est forte, à un haut niveau pour le financement de la cohésion dans certains pays européens, alors la solidarité doit aussi prévaloir pour notre politique de migration » a conclu finement M. Michel.

Charles Michel, Premier ministre belge.

Charles Michel, Premier ministre belge.

Ce à quoi M. Orban en Hongrie avait déjà anticipé, dans une interview sur la chaîne hongroise Écho T.V. : « Un grand nombre des champions de la migration pense sincèrement que le mélange des cultures ouvre la voie vers le développement de l’humanité. Cela semble inspirant, mais cela va à l’encontre du bon sens. Accepter d’accueillir des personnes de cultures lointaines ne conduit pas à une belle vie, mais à des sociétés parallèles. Nous importerions la haine, l’antisémitisme, la fin de l’égalité entre les hommes et les femmes et la fin de la liberté religieuse. »

L’ambiance est comme on le voit à la concorde et à l’unité œcuménique dans la belle Europe de l’UE ! Les anathèmes et les menaces volent bas entre deux conceptions de plus en plus antinomiques de l’Europe et de son devenir.

D’autant que ces mêmes jours de décembre, la Commission européenne, haut lieu de tolérance et de démocratie comme on le sait, s’apprête à agir contre la Pologne en activant l’article 7.1 des Traités, (qui prévoit dans son paragraphe 3 la suspension de l’État concerné de l’UE en tout ou partie), en mettant à l’index les lois récentes polonaises restreignant, de son point de vue, la sacro-sainte « indépendance » des juges polonais. Il y aurait un « risque clair » de « violation grave » de l’Etat de droit en Pologne. Macron applaudit bien sûr. On attend une telle condamnation concernant les juges français membres du syndicat de la magistrature, dont l’« indépendance » objective n’est pourtant jamais remise en cause. Ce recours à l’art. 7 n’a été envisagé qu’une seule autre fois. C’était en 2000 lors de l’entrée dans le gouvernement autrichien de ministres du FPÖ. L’interprétation de la « violation grave » de l’Etat de droit se fait toujours dans le même sens évidemment.

Cette mi-décembre 2017 est décidément riche en évènements majeurs en Europe. En effet le 15, le chancelier autrichien Sebastian Kurz vient de conclure un accord de gouvernement avec le FPÖ, qu’il devrait présenter ce samedi à l’ÖVP, son parti, et au président Alexander Van der Bellen. Le Parti de la liberté (FPÖ), présidé par Heinz-Christian Strache, retrouve les cabinets ministériels de Vienne pour la première fois depuis 2000, époque où le FPÖ était dirigé par Jörg Haider. Mais les jeux ne sont pas faits : la Constitution permet au Président, l’écologiste Van der Bellen, de refuser la composition d’un gouvernement.

Rien de tel en Allemagne enfin pour finir ce tour d’Europe effarant : la chancelière Merkel, après son échec de deux mois de négociations infructueuses, se retourne vers son vieil allié, le SPD qui, telle une diva, se fait maintenant désirer pour former une énième coalition CDU/SPD. « Blanc bonnet et bonnet blanc » ! À moins que de nouvelles élections, encore plus indécises, ne soient organisées en janvier 2018… pour y voir plus clair et enfin voir le désastre de l’AfD tant détestée ?

Comme on peut le voir, tout va bien en Europe ce mois-ci. Dormez en paix.

Menaces, mises à l’index, rodomontades, Brexit « bidouillé », appels aux « grands principes et valeurs démocratiques », l’U.E. semble bien aux abois en révélant des désordres institutionnels d’une part, et des oppositions grandissantes de nombre de ses « membres » à ses valeurs dangereuses et dépassées, d’autre part.

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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

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