30 janvier 2017

Tangerine Dream et le génie solaire de la musique allemande

Par Nicolas Bonnal

 

Je peux dire que je n’ai écouté qu’eux dans ma vie. Une prof de musique classique avec qui je séjournai dans le Tyrol me les fit découvrir. J’avais vingt ans, je ne les quittai plus. La juste abondance de leur production digne de Bach ou Telemann (12 000 œuvres) permet à quiconque de s’y retrouver. On est dans le cosmique, dans les ceintures éthérées ou sous le mont Shasta (titres de leur album). Musique électronique allemande. Sensation comme chez Lang ou bien Murnau. Modernité martyre et interdite de notre Germanie selon Tacite. Et tout est dit ici.

Les Tangerine Dream ont été fondés par l’artiste d’exception Edgar Froese (peintre et sculpteur aussi) au milieu des années soixante. L’équipe a changé au cours des ans, et mes périodes préférées sont les années quatre-vingt et les années 2000 quand Edgar travaillait avec son fils Jérôme Froese. Il est mort l’an dernier dans une indifférence remarquable, digne de cette époque déchue.

Les Tangerine Dream ont été à la mode dans les années soixante-dix avec le Krautrock (on se doute que je n’ai aucune envie de faire une présentation du sujet) et le label Virgin, quand ce dernier valait encore quelque chose. C’était aussi la belle époque de Mike Oldfield. Les Tangerine Dream ont été prisés un temps à Hollywood et on leur doit une musique ratée du film Légende de Ridley Scott. Tom Cruise les a rendus célèbre (ou c’est l’inverse) avec Love on a real train.

Leur musique est aérienne, transcendante, souveraine, initiatique, faite pour les voyages au long cours et le séjour céleste. Tous leurs albums portent le sceau de l’inspiration de l’Atlantide, de la source hyperboréenne. Grands voyageurs à l’allemande, ils ont créé des liens, des centres d’énergie avec la terre entière. Je n’ai pu visiter les lieux les plus purs de mon Eurasie et de mon Amérique andine sans les écouter religieusement. Découvrez Tyger (en hommage à Blake), Pergamon, Oasis, Exit avec une belle envolée kiévienne.

Voyez White Eagle, Hyperborea, The Park (excellent pour traverser le Yellowstone), voyez Dalinétopia (extatique en Patagonie et pour le Machu Picchu), voyez Ricochet pour les années soixante-dix. Voyez le Quichotte, unique pour traverser Manhattan quand le site valait encore quelque chose (jusqu’à Reagan en somme).

Il y a aussi les thèmes pour les navigations hauturières, pour remonter l’île de Vancouver ou descendre les fjords chiliens de ma Patagonie olympique (Jeanne d’Arc, découvrez Jeanne d’Arc !).

Pour la Grande-Bretagne mystérieuse à la sauce Golden Dawn, je recommanderai la mise en musique du London de William Blake. Mais j’ai comme cela des centaines de compositions. Comme Des Esseintes compose dans À rebours ses cocktails juteux et cultuels, je compose les miens. C’est comme ça qu’il faut vivre, sophistiqué et isolé. Dans un monde comme le nôtre où tout est nul ou profané, il faut décidément apprendre à préparer ses cocktails.

Les Tangerine Dream ont été inutilement accusés de ne pas être assez allemands. Ils étaient germaniques en réalité, et allemands (au sens de Novalis le romantique ou de la dynastie des Humboldt, encyclopédistes) et européens au sens où nous en rêvions dans notre jeunesse et d’une manière profonde, généreuse, cosmopolite, universelle.

Edgar Froese était né à Tilsit, lieu de la Grande Entente Européenne entre le tzar Alexandre et notre Napoléon, et il y était né un certain 6 juin 1944, comme pour nous signifier comment nous pourrions refonder notre Europe abêtie par le commerce et la modernité libérale. Tout le projet européen devait aboutir là et il a fait demi-tour sur toute la ligne, réfugié dans les populismes, la sous-culture prolétaire, la bureaucratie étriquée et les oligarchies non repenties.

Mon sommet pour décoller : Big City Dwarves. Sans oublier Mothers of rain et La Solitude dans l’Espoir (tel quel dans le texte), composé en hommage à notre Jeanne d’Arc. Voyez Youtube.com.

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