24 juin 2016

Ni in, ni out

Par Euro Libertes

Écrit pour Radio Libertés et EuroLibertés du 23 juin 2016 par Georges Feltin-Tracol, écrivain, collaborateur de la revue Réfléchir & Agir.

Il faut saluer la clairvoyance du Général De Gaulle qui, à deux reprises en 1963 et en 1967, rejeta l’adhésion britannique aux Communautés européennes. Dans ce domaine comme dans tant d’autres, la trahison revient à son successeur immédiat, Georges Pompidou qui, en 1972, accepta l’entrée de Londres dans le Marché commun.

Solidement arrimée à l’atlantisme, la Grande-Bretagne a toujours défendu une perception européen très particulière, à savoir l’ouverture à la mondialisation, le libre-échangisme, un marché ultra-concurrentiel, un programme libéral-libertaire (David Cameron a fait voter le « mariage pour tous ») et l’absence volontaire d’une défense indépendante tangible extérieure à l’OTAN. Les inquiétudes du Général se sont révélées exactes !

La participation britannique à la construction européenne constitue désormais un sujet brûlant avec le référendum du 23 juin 2016 en faveur du maintien (in) ou de la sortie (out) du Royaume-Uni de l’Union soi-disant européenne. Quelle que soit la décision finale des électeurs d’outre-Manche, leur choix signifiera pour les autres Européens un défi majeur. Si le in l’emporte, il est à craindre que les dérogations obtenues par Londres soient reprises par les gouvernements eurocritiques de Pologne, du Danemark et de Hongrie, que l’idée même d’Europe de la défense perde définitivement tout sens et que s’accentue l’emprise financière de la City sur le continent. Si le out gagne, outre la satisfaction momentanée des forces eurosceptiques, les institutions opaques et bureaucratiques de la « non-Europe » de Bruxelles vacilleront quelque peu sur leurs bases quand bien même le retrait de la Grande-Bretagne sera durement et chèrement négocié.

Le Brexit pourrait aussi inciter les gouvernements les plus europhiles à renforcer l’union bancaire, économique et financière par la fondation d’une « Union de la Zone euro » dotée d’un parlement et d’une direction politique, ce qui favoriserait une construction européenne différenciée suivant en cela la proposition de « Noyau dur » des allemands Karl Lamers et Wolfgang Schäuble, lancée en 1994. Quant à l’atlantisme, il perdurera grâce à ses fidèles domestiques de Berlin, de Varsovie et d’Amsterdam…

La victoire du Brexit attiserait par ailleurs les revendications nationales-régionalistes. Jusque-là apaisée, l’Irlande du Nord replongerait dans les violents contentieux opposant républicains catholiques et unionistes protestants. Pro-européenne, l’Écosse dirigée par les nationalistes de centre-gauche du SNP, profiterait du résultat référendaire pour soumettre à sa propre population un nouveau référendum consacré à l’indépendance et à leur éventuelle réintégration dans l’Union pseudo-européenne. Quant au Pays de Galles, lui aussi europhile, il pourrait à terme se séparer d’une Angleterre qui niera toujours tout projet de puissance européenne au nom du Commonwealth, du « Grand Large » et du multiculturalisme.

Que ce soit in ou out, le Royaume-Uni va demeurer pour longtemps encore le principal problème des Européens.

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Philippe Randa,
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