18 juin 2016

La loi El Khomri, diktat de la Commission européenne ?

Par Nicolas Gauthier

Jean Quatremer, correspondant de Libération, est un des meilleurs analystes des arcanes européennes. Européiste convaincu, il est également parfois des plus eurosceptiques, comme quoi dans la vie, rien n’est jamais simple : preuve par la Loi travail, portée par le ministre Myriam El Khomri.

Du Front national à celui de gauche, il est prétendu que le texte en question aurait été directement diligenté par les instances technocratiques européennes.

Marine Le Pen : « Il suffit de se plonger dans les innombrables textes de la Commission européenne sur le droit du travail en France pour comprendre que la loi El Khomri n’est que le nom donné à une exigence de l’Union européenne. »

Jean-Luc Mélenchon : « La loi El Khomri n’est pas tant une proposition émanant du gouvernement qu’une réponse aux injonctions de Bruxelles. »

Mieux, Philippe Noguès, député socialiste des plus frondeurs, affirme dans l’hebdomadaire Marianne du 25 mai dernier : « Que reste-t-il de la souveraineté populaire quand une loi, inspirée par la technocratie européenne, est adoptée sans le vote de la représentation nationale ». Il est un fait qu’à 49 buts contre 3, cet appel au 49-3 avait tout d’un match truqué d’avance…

Là, Jean Quatremer n’est plus tout à fait à l’aise, citant un « responsable français » : « Ce n’est pas la Commission qui décide de quoi que ce soit dans ce domaine, mais les États membres qui proposent des réformes destinées à faire converger leurs économies afin d’éviter qu’un pays devienne un problème pour tous les autres, comme on l’a vu lors de la crise de la zone euro ». Tout est dans la nuance. Naguère la Commission dictait ses diktats aux États européens. Désormais, ils se mettent la corde au cou tout seuls comme des grands. Ce n’est plus, « quelques minutes encore, monsieur le bourreau », mais « prenez donc quelques minutes de repos, je me charge tout seul du boulot… »

Ainsi, les fameuses « réformes », directement insufflées par le cénacle européen du « cercle de la raison », pour paraphraser des intellectuels tels qu’Alain Minc, Garcimore et Jacques Attali, telles celles de nos retraites, participent-elles désormais d’un autre cheminement aux apparences plus « démocratiques ».

Jean Quatremer, toujours, citant un « diplomate français » : « En mars, nous avons appelé à une relance de l’investissement public. (…) À partir de là, chaque pays présente ensuite son “programme national de réformes” et la Commission l’intègre dans ses “recommandations” pays par pays qui seront adoptées ensuite par le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement. »

Même François Hollande se serait ému de cette dérive : « La Commission n’a pas à dicter ce que nous avons à faire. (…) Les pays veulent demeurer maîtres de leur agenda de réformes et ne veulent en aucun cas être soumis à une Commission dont la légitimité sur ces affaires est pour la moins fragile. »

Bel élan d’indignation, pour l’instant demeuré lettre morte. Idem chez Pierre Moscovici, pourtant pas le pire du troupeau : « Tout cela pose un problème de légitimité démocratique… » On ne saurait mieux dire.

Et Jean Quatremer de tenter de résoudre la quadrature du cercle de la loi travail en ces termes : « Même s’il préexistait dans ses grands principes, avant même la nomination de ce ministre, le projet El Khomri est bien une idée française. »

Sûr ? Pas tant que ça, le journaliste concluant : « Il satisfait la Commission et les partenaires européens de Paris, inquiets de la dégradation du marché du travail en France. »

Un peu comme si une femme, acceptant à l’avance de se faire violer, faisait ensuite semblant de s’envoler au septième ciel.

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Philippe Randa,
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