31 octobre 2017

Le financement du terrorisme : colloque de Madrid

Par Euro Libertes

À l’invitation de l’association de presse européenne pour le monde arabe (A.P.E.M.A), Jacques Myard – Maire de Maisons-Laffitte, Membre Honoraire du Parlement, Président du Cercle Nation et République – est intervenu le 25 octobre 2017 au colloque sur le financement du terrorisme à Madrid au siège de la délégation de l’union européenne.

I – Concept du terrorisme

Avant d’examiner les modalités de financement du terrorisme, il est utile d’essayer de définir le concept même du terrorisme.

Le mot vient du latin «  terror » qui traduit une peur terrible.

Le concept a fait son apparition au moment de la Révolution française en 1793. La Convention nationale a voulu imposer par la manière forte la République.

Il s’agissait alors d’un terrorisme d’Etat.

A la fin du XIXe siècle, les mouvements anarchistes et nihilistes russes sont qualifiés de terroristes.

Lors de la IIe Guerre mondiale, les nazis occupent la France et qualifient de terroristes les actions de la résistance française.

Le code pénal français définit dans son article 421-1 le terrorisme de la manière suivante :

«  Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public pas l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes :

1°) Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration, ainsi que le détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, définis par le livre II du présent code ;

2°) Les vols, les extorsions, les destructions, dégradations et détériorations, ainsi que les infractions en matière informatique définis par e livre III du présent code ;

3°) Les infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous définies par les articles 431-13 à 431-17 et les infractions définies par les articles 433-6 et 441-2 à 441-5 ;

4°) Les infractions en matière d’armes, de produits explosifs ou de matières nucléaires définies par le I de l’article L 1333-9 et suivantes du code de la défense ;

5°) Le recel du produit de l’une des infractions prévues aux 1° et 4° ci-dessus ;

6°) Les infractions de blanchiment prévues au chapitre IV du titre II du livre III du présent code ;

7°) Les délits d’initié prévus à l’article L.465-1 du code monétaire et financier.».

Cette définition de la loi pénale française est la plus objective possible. Elle prend acte de la volonté des terroristes de vouloir renverser l’ordre public existant par la violence.

Si la définition française du Code pénal part des faits : l’emploi de la force pour renverser l’ordre existant, force est de constater qu’il n’existe aucune définition universelle du terrorisme.

On en recense plus d’une centaine mais il y a un caractère permanent qui réside dans la guerre asymétrique du faible radicalisé face à l’ordre établi.

Sans vouloir jouer la provocation, le terroriste n’a qu’un défaut celui d’échouer, s’il réussit il devient alors un mouvement de résistance qui a réussi.

Nelson Mandela, Menahem Begin, Yasser Arafat ne sont-ils pas d’anciens terroristes qui ont « réussi » ? Même si certaines personnes pensent qu’ils ne l’ont jamais été au nom de la cause défendue.

On ne peut qu’être d’accord avec François Bernard Huygue : «  le terrorisme en soi n’existe pas : ce n’est pas un système d’idées comme le marxisme ou la capitalisme mais une méthode de combat. C’est une stratégie. »

Une stratégie asymétrique de combat du faible au fort.

II – Le terrorisme de l’Etat islamique

Nous faisons face aujourd’hui au terrorisme de l’Etat islamique connu sous l’acronyme arabe de Daesch. Mais il n’est pas le seul et al Qaïda, organisation terroriste concurrente de Daesch est toujours active.

Le 29 juin 2014, à Mossoul, Abou Bakr el-Baghdadi se proclame Calife dans la ligne du prophète et crée ainsi une sorte de proto-Etat.

Il convient de rappeler que le Califat avait été aboli le 3 juin 1924 avec la fin de l’empire Ottoman.

Le Califat ou proto-Etat a régné sur plus de 70 000 M2 de territoire en Syrie et en Irak. Les experts ont estimé son budget à environ 2 milliards d’euros.

Ses ressources sont celles d’une autorité qui contrôle un territoire, des habitants, des ressources naturelles. L’Etat islamique a mis en place un système fiscal avec une véritable administration pour lever des impôts, taxes, redevances.

Ses ressources internes sont aussi constituées de la prise de guerre des dépôts de la banque centrale en Irak, à Mossoul de l’ordre de 450 à 500 millions de dollars. Puis l’Etat islamique a commercialisé du pétrole avec un prix de baril défiant toute concurrence à 15-20 dollars le baril, le trafic annuel a été estimé entre 250 à 600 millions de dollars, comme pour le gaz, 350 millions de dollars, ainsi que la vente d’un certain nombre de produits agricoles et notamment céréaliers.

Mais au-delà de ce trafic des ressources naturelles, l’Etat islamique a aussi utilisé les prises d’otages pour obtenir des rançons et le trafic d’œuvres d’arts, même si dans ce domaine il n’est pas le seul trafiquant du Proche et Moyen-Orient.

Mais, Daesh ne tire pas ses revenus que de ressources internes. On estime en effet qu’il a reçu des aides directes de certaines grandes familles du Proche et du Moyen-Orient, des pays du Golfe et des fonds collectés par des candidats au Jihad. Il a bénéficié de multiples micro-flux de dons obtenus par de nombreux moyens, y compris des envois par Western union et système de l’Hawala, cet ancêtre de la lettre de change des banquiers génois ; des cartes prépayées dont certaines aux Etats Unis peuvent stocker jusqu’à un million de dollars.

Sur tous ces points on peut lire avec intérêt le rapport d’information de l’Assemblée nationale n° 3964 de J.F Poisson et Kader Arif ( juillet 2016) , auquel j’ai participé.

Le système de financement d’al Qaïda – en dehors des ressources internes propres au Califat de Daesch – est très similaire et a bénéficié de nombreux soutiens et dons de familles des pays du Golfe.

III – Le terrorisme de voisinage

Mais aujourd’hui le financement du terrorisme change de nature avec ce que l’on doit appeler le terrorisme de voisinage qui ne fait plus l’objet d’opérations complexes préparées avec soin à travers de multiples relais.

On assiste en effet à la naissance d’un nouveau terrorisme animé de la même idéologie bénéficiant de soutiens en réseau – il n’existe pas de loup solitaire – mais agissant avec des moyens « modestes ». C’est la location d’un simple camion ou voiture (Nice, Berlin, Londres), ou l’utilisation d’un simple couteau de cuisine d’un assassin qui frappe au hasard dans la rue comme à Marseille.

La question du financement ne se pose malheureusement plus à ce niveau de mobilisation de moyens rudimentaires, c’est le terrorisme de la 5ème colonne.

Dans ce cas, on constate que des individus peuvent se radicaliser et passer à l’acte en l’espace de quelques semaines, et échapper à la vigilance des services spécialisés.

IV – Comment lutter contre les réseaux de financement

Le terrorisme organisé, planifié par Daesch représente toujours malgré ses revers sur le terrain en Irak et en Syrie un réel danger, tout comme Al Qaïda. Les Etats occidentaux ont mis en place de nouveaux moyens pour identifier des mouvements de flux financiers suspects.

Tracfin

En France notamment, la loi du 3 juin 2016 contre le crime organisé et le terrorisme a renforcé les moyens de Tracfin. Tracfin a été créé par la loi du 12 juillet 1990, à la suite du G7 de juillet 1989.

Tracfin signifie : Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins. Sa mission est de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du crime organisé dont le terrorisme.

Tracfin agissait jusqu’alors sur des signalements des banques qui ont l’obligation d’informer Tracfin des mouvements douteux.

Désormais, Tracfin peut signaler aux banques de surveiller tel ou tel profil d’individu ou de société.

Il met ainsi en place une surveillance des personnes à risques.

Les paiements anonymes

– la loi a abaissé de 3000 à 1000 euros le paiement en espèce pour les résidents français

– l’opération de change anonyme a été abaissée de 8000 à 1000 euros

– tout retrait ou dépôt de plus de 10000 euros par mois est signalé à Tracfin

– tout dépôt de 50 000 euros doit justifier sa provenance

Les cartes prépayées

La loi française du 3 juin 2016 a limité la capacité d’une carte prépayée à 250 euros et elle ne peut plus être alimentée en espèces.

Malheureusement, ces règles rigoureuses ne sont pas toujours adoptées par d’autres Etats, notamment aux Etats-Unis.

V – La lutte contre le financement du terrorisme, ressources internes et externes , ne suffit pas.

Il faut aussi lutter contre la diffusion de l’idéologie qui est une idéologie mortifère, eschatologique, et totalitaire.

L’Etat islamique a su notamment parfaitement s’adapter aux nouveaux moyens de communication en réseau tel internet, grâce à la diffusion de magazines , en une dizaine de langues, très structurés comme Dabic, Dar Al Islam, en langue française.

De la même manière, les réseaux comme Twitter et Facebook ne réagissent pas toujours assez rapidement aux diffusions de vidéos mis en ligne par Daesh qui maîtrise leur utilisation pour sa propagande.

Il a fallu plus de 11 heures à Facebook pour supprimer la vidéo des massacres perpétrés par les terroristes à Paris au Bataclan le 13 novembre 2015.

De surcroît, les Etats-Unis répugnent à fermer les sites hébergeurs installés chez eux au nom du 1er amendement qui garantit la liberté d’expression.

Néanmoins, la loi française du 13 novembre 2014 sanctionne lourdement toute apologie du terrorisme sur internet, 7 ans de prison et 100 000 euros d’amendes.

De surcroît , Daesh maîtrise également la communication cryptée et donne des conseils bien précis à ses adeptes et recommande l’utilisation du logiciel «  Telegram » qui semble pour l’instant incassable aux services spécialisés.

Conclusion

La question du financement du terrorisme reste une question d’importance pour lutter contre un mouvement criminel qui veut imposer la charia , mais son idéologie franchisée et diffusée par des fanatiques prosélytes dépasse très largement aujourd’hui la question du financement. Il s’agit bien de livrer bataille sur le plan idéologique à ce qui apparaît être une véritable secte islamique.

Relevons enfin que les programmes de déradicalisation sont loin d’être efficaces en revanche l’action individuelle et personnalisée mais surtout préventive peut permettre d’enrayer la radicalisation elle-même.

Je vous remercie.

DÉBAT

Les diverses interventions ont permis un échange nourri avec la salle, certains participants ont estimé que la cause principale de la radicalisation de nombre de musulmans était liée à leur grandes difficultés économiques.

Malheureusement cette explication est loin d’être suffisante car toutes les personnes en difficultés économiques ne se radicalisent pas.

De plus, même si on constate aujourd’hui qu’il existe un lien entre des fanatiques radicalisés et le monde de la délinquance, on ne peut pas oublier que l’attentat des tours de New-York le 11 septembre 2001 a été pensé, exécuté par des ingénieurs, parfaitement intégrés dans leurs pays respectifs. On ne peut que constater que leur la vision eschatologique, de type sectaire est leur principale motivation et l’a emporté sur toute réflexion rationnelle.

PARTICIPANTS

Le colloque sur le financement des groupes islamistes organisé par l’association de presser européenne pour le monde arabe (A.P.E.M.A) s’est tenu au siège de la délégation de la commission européenne à Madrid le 25 octobre 2017

Sont intervenus à ce colloque :

Nidal Shoukeir, Président de l’A.P.E.M.A,

Anna Surra, députée espagnole, porte-parole du Comité sur la Coopération et le Développement International,

José Cepeda, Sénateur espagnol, membre de la l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe,

Jacques Myard, Membre honoraire du Parlement (1993-2017), ancien membre de la Commission des affaires étrangères,

Albert Carames, coordinateur européen de l’Observatoire pour la Prévention et l’extrémisme violent (OPEV),

Mohamed Ahsissene, Secrétaire général de la Commission de la communication du Parti socialiste de Catalogne

Karim Ifrak, islamologue, membre fondateur de la Fédération des Musulmans républicains de France,

Koen Metsu, député belge, Président du Comité parlementaire pour combattre le terrorisme.

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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

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