28 juillet 2016

Euphémisation et apophatisme

Par Philippe Joutier

 

En France, sauf à se faire traiter de fasciste, d’islamophobe, de raciste ou des trois à la fois (bon, pardon, pas d’amalgame !) il est important d’utiliser un langage nous garantissant d’être insoupçonnable et exempt de tout relent raciste ou islamophobe.

De ce point de vue, l’apophatisme qui permet de définir les choses non par ce qu’elles sont, mais par ce qu’elles ne sont pas, constitue une réelle avancée. On ne dit plus un aveugle ou un clandestin, mais un non-voyant et un sans-papiers. Arabe a été d’abord remplacé par « Individu de type méditerranéen », puis par « personne non caucasienne ». Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, le tueur au camion, d’abord présenté comme français est devenu au fil de l’horreur franco-tunisien, puis tunisien. Au risque scandaleux de le priver ainsi de sa double nationalité dont nos élus sont si respectueux.

Soulignons tout de même pour les lecteurs érudits que cette approche en creux nous protège de toute provocation par oxymore : parler de « salafiste tranquille », par exemple, serait évidemment condamnable pour incitation à la haine.

Mais la vraie réussite reste l’euphémisation.

Émeutes au mas du taureau.

Émeutes au mas du taureau.

Voyons un peu : le 18 juillet dans la banlieue lyonnaise un équipage de police tombe dans une embuscade. Encerclée par une trentaine d’individus cagoulés, la voiture subit jets de pierres et tentative d’incendie. Réussissant à s’échapper, les policiers se réfugient au commissariat local, ce qui n’émeut guère les assaillants, qui évaluant parfaitement le temps dont ils disposent avant l’arrivée (d’éventuels) renforts, le caillassent derechef ! Réaction de la préfecture le lendemain : un grand bravo !

« Les policiers ont fait preuve de calme et de sang-froid ! »

Rien que de très normal, finalement. On frémit en effet si un fonctionnaire sentant sa vie en danger avait tiré dans le tas ! Il aurait été ipso facto placé en garde à vue sur l’inculpation de racisme. (Car peut-être que le dessous des cagoules aurait révélé des individus de type « non caucasien »).

La veille, un homme de 22 ans (on ne précise pas son non-type) a finalement été arrêté après que la police lui a crevé les pneus au terme d’une course-poursuite en pleine ville : feux grillés, vitesse, contre sens, slalom entre voitures et sur les trottoirs au mépris des piétons, etc. Autant de délits qui pourraient lui faire retirer le permis. Heureusement, il ne l’a pas. Mais il ne perd rien pour attendre : il sera convoqué au tribunal… en janvier prochain ! On n’aimerait pas être à sa place ! Petit garnement, va !

Du « vivre ensemble » au « courir après » : le quotidien de la police…

Du « vivre ensemble » au « courir après » : le quotidien de la police…

Observons que dans les deux cas, le parquet n’a pas retenu la provocation policière, ce qui est scandaleux et sûrement consécutif à l’« état de siège ! » avec cette dérive fascisante qui permet impunément à la police de tirer dans les pneus d’un véhicule pour l’immobiliser.

Et dans le même moment, Henri Guaino, qui fut conseiller présidentiel et s’annonce candidat à la primaire, explique le plus sérieusement du monde qu’il faut doter les policiers de bazookas.

Un tel déphasage entre la vision de nos gouvernants et la réalité du quotidien est décidément abyssal et laisse pantois !

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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

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