16 avril 2017

Clivage gauche-droite : Interview de Michel Marmin et Éric Branca

Par Lionel Baland

 

Les journalistes Michel Marmin et Éric Branca ont publié aux Éditions Chronique un livre consacré au clivage gauche-droite et intitulé : « Gauche + droite. Le tour de la question. » Lionel Baland les a interrogés.

Éric Branca et Michel Marmin lors d’une conférence donnée au Cercle Pol Vandromme à Bruxelles.

Éric Branca et Michel Marmin lors d’une conférence donnée au Cercle Pol Vandromme à Bruxelles.

Quels éléments caractérisent la gauche et la droite. Quelle est la différence entre les deux ?

Branca : Nous avons voulu justement mettre en avant dans cet ouvrage le fait qu’il n’existe pas une définition statique de ces concepts, mais une définition changeante suivant les époques. Nous avons tenté de montrer au sein de ce livre que, bien qu’il y ait des constantes, il faut être très prudent avec les catégories. Nous avons trouvé beaucoup de paradoxes qui nous ont semblé intéressants. Être à droite au XIXe siècle n’est pas être à droite au XXe siècle, etc., etc.

Marmin : Oui, les exemples abondent et sont très spectaculaires. Rappelons qu’à l’origine, l’anticapitalisme était de droite et le capitalisme de gauche, car c’était une idéologie progressiste conçue et vécue comme telle par les premiers capitalistes qui pensaient faire le bonheur de l’humanité. Les anticapitalistes et les défenseurs des gens victimes du capitalisme, c’était la droite royaliste, légitimiste, catholique de l’époque de la Restauration.

Branca : Au nom des solidarités naturelles que cassait le capitalisme en envoyant tout le monde à l’usine.

Marmin : Et on trouve des points communs, dans les textes, tout à fait saisissants entre Karl Marx et Louis de Bonald, par exemple. C’est tout à fait curieux et certains textes de Marx pourraient être signés par quelques grands penseurs de droite de l’époque.

 

Donc, finalement, la seule droite réelle, c’est la droite légitimiste ? Toutes les autres droites viennent de la gauche ?

Branca : À l’origine, oui.

Marmin : C’est un peu vrai, oui. Mais, ça c’est un peu aggloméré après, un peu mélangé. Si on veut être radical historiquement, oui.

Branca : C’est tout de même le primat de la tradition sur le changement vécu comme un déracinement. On peut résumer comme cela. Donc, cela ne veut pas dire que les idées de Louis de Bonald et Joseph de Maistre sont toujours vivaces aujourd’hui, mais il y a une généalogie de la pensée de droite qui part quand même de là.

 

Le nationalisme était au départ à gauche ?

Branca : Oui, bien sûr, avec la défense des frontières, la patrie en danger, etc. Très lié au jacobinisme, qui est aussi un éradicateur de différences. Les Girondins, qui étaient beaucoup plus fidèles aux solidarités naturelles, étaient à l’époque plus à droite.

 

Les nationalistes de cette époque ne sont-ils pas le correspondant des mondialistes actuels car les nationalistes désiraient créer une grande France détruisant les particularités locales comme les mondialistes tentent actuellement d’éradiquer les spécificités nationales ?

Branca : Et ils voulaient exporter la révolution partout.

Marmin : Oui, mais pas tous car Maximilien de Robespierre était contre l’exportation de la Révolution. Il disait que les gens n’aiment pas les prophètes armés. Donc, il était contre la diffusion à l’étranger de la Révolution, a fortiori par la force des baïonnettes… C’est compliqué.

Branca : Nous avons voulu montrer que rien n’était simple.

Marmin : Et les Girondins, qui étaient plus de droite, plus libéraux,… que les Jacobins, étaient les plus acharnés à vouloir exporter la Révolution dans toute l’Europe.

 

Par exemple, Florian Philippot du Front National est-il de gauche ou de droite ?

Marmin : Je pense qu’il est de droite avec de bonnes idées de gauche. Comme il y a des gens vraiment de gauche avec quelques bonnes idées de droite.

Branca : L’« unité nationale » est une valeur de droite et le « ni droite ni gauche » est une valeur de droite. C’est barrésien. La gauche ne reconnaît jamais de qualités à la droite. La droite peut, cela lui arrive, reconnaître des qualités à la gauche et en cela elle est de droite. Ce que je dis est un peu hardi, mais je crois vraiment qu’être plus tolérant envers les idées opposées est de droite, alors qu’à gauche, c’est très rare. Cela vient de Maurice Barrès, de la mystique de l’unité nationale : le dépassement des clivages. Florian Philippot est barrésien. Le général De Gaulle était barrésien aussi et François Mitterrand un tout petit peu en 1988. Son amour de la terre et des morts était très barrésien.

 

Situez-vous Marine Le Pen à gauche ou à droite ?

Marmin : Quand même à droite.

Branca : Bien sûr. Justement, aussi parce qu’elle refuse quelque part le clivage droite-gauche. Je ne dis pas que c’est toute la droite, mais cela fait partie des traditions de droite.

Marmin : Ce qu’il faut voir, c’est que dans la droite conventionnelle, celle de gouvernement, ce qui n’est pas encore son cas, il ne reste pas grand-chose de ce qui a été la droite originelle, de la droite contre-révolutionnaire en quelque sorte.

Branca : Du temps de Jean-Marie Le Pen, il y avait au Front National une tendance Romain Marie qui pouvait être l’héritière de la droite légitimiste, mais cette composante a pratiquement quasiment disparu à l’heure actuelle.

 

Comment expliquez-vous le fait que la gauche ne s’oppose pas à l’immigration, car l’intérêt des travailleurs est de ne pas être confronté à une immigration de masse ?

Branca : C’est le grand paradoxe et vous lirez dans ce livre le discours de Georges Marchais en 1980 défendant le maire de Vitry qui fait démolir un foyer d’immigrés au bulldozer, expliquant que l’intérêt des travailleurs, c’est le refus de l’immigration. Le texte de Marchais pourrait être signé Marine Le Pen aujourd’hui.

Marmin : Elle n’oserait peut-être même pas le signer.

Branca : Or, à cette époque, nous sommes à un tournant très important pour la gauche parce que Mitterrand se rend compte qu’il a de moins en moins de soutien populaire. Le Parti Socialiste commence, même s’il gagne les élections, à perdre des bastions ouvriers extrêmement importants et il va se trouver un prolétariat de substitution avec l’immigration et la montée de SOS racisme, des mouvements antiracistes, etc. C’est vraiment un prolétariat de substitution et le Parti Communiste résiste à ça et puis, finalement, cela va emporter le Parti Communiste, mais celui-ci était relativement national jusqu’à cette époque-là.

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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

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