2 décembre 2016

Castro et El Assad

Par Richard Dessens

 

Fidel Castro vient de mourir. C’est un véritable drame politico-médiatique pour tous les romantiques révolutionnaires et les aficionados des massacres bien réglés. Massacres conformes à la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) de 1948 puisque justifiés par l’idéologie du pathos révolutionnaire incarnée par de grands démocrates au premier rang desquels « Che » Guevara dont chacun ne cesse de pleurer la disparition injuste en portant son effigie sur son tee-shirt bien-pensant.

Qu’en pensent les centaines de milliers de réfugiés cubains poussés par la misère cubaine du paradis castriste, échappant en outre à la torture de ses geôles sordides, puis aux exécutions sommaires ? Cinquante ans de joug et d’horreurs, plébiscités par nos élites intellectuelles et l’intelligentsia qui nous gouvernent. Bien sûr, ici ou là, on rappelle quelques légers dérapages immédiatement légitimés par le contexte international des années de guerre froide et l’attitude inqualifiable des USA, d’ailleurs ridiculisés par la pantalonnade de la Baie des Cochons.

Broutilles que tout cela en regard du symbole de liberté rayonnante et universelle que Castro a représenté pendant cinquante ans. Alors, on glose, on feint d’évoquer doctement – mais avec compréhension – ses excès, pour sembler être « objectif », mais avec en toile de fond le respect et l’admiration pour le « grand » révolutionnaire qu’il fut…

Quelle liberté ? Jouet de l’URSS dans sa lutte contre les USA, Castro ne fut qu’un pantin commode, un « idiot utile » tenu sous la perfusion du Kremlin dont il servait les intérêts géostratégiques. Un zeste de romantisme révolutionnaire larmoyant faisant rêver d’autres idiots utiles en Europe. Les ravages de Castro à Cuba, ses troupes spéciales en Angola et au Mozambique, tout est oublié.

Il y a décidément des morts sans intérêts, des tortures justifiées, des dictatures démocratiques pour nos penseurs intelligents.

Il est donc naturel, pour les mêmes raisons, d’encenser Kim Il Sung et Kim Jong-Il et on ne peut être que surpris des carences de nos élites pour ces grandioses personnages qui ont façonné notre monde démocratique.

En revanche, il est atterrant qu’il n’en soit pas de même pour Bachar El Assad. Quel manque de tact pour un homme qui, à l’échelle de son pays, a massacré beaucoup moins que Castro, et, en plus, est en première ligne dans la lutte contre l’ennemi commun du monde civilisé – ou du moins on le suppose mais on peut finir par en douter – : l’État Islamique, autre massacreur en série.

Bachar El Assad est le « massacreur » de son peuple, crime international inexpiable dans les éléments de langage des démocraties occidentales. Il jette des millions de réfugiés sur les routes (Daesh n’est pour rien là-dedans, bien sûr !). Pas Castro et ses centaines de milliers de réfugiés pour un pays trois fois plus petit ?

Bachar El Assad n’est pas un adversaire des USA. Castro, lui, l’était. Bachar El Assad est soutenu par Poutine et la Russie pour des raisons de circonstances puisque l’Occident bien-pensant le rejette. Castro, lui, était soutenu par Krouchtchev et l’URSS et en pleine guerre froide… C’est beaucoup mieux, en effet.

Comment regarder sérieusement et avec un peu de fond le débat politique mondial dans ces conditions ?

Après l’assassinat de Saddam Hussein, trahi par ses alliés occidentaux, l’exécution du Colonel Khadafi afin de laisser la voie libre à Daesh (notre ennemi n° 1, paraît-il), sans oublier Ceausescu, déjà abattu comme un chien – dans les règles de la DUDH toujours, bien entendu –, comment accorder une once de confiance à nos dirigeants dont les motifs reposent sur des enjeux énergétiques (et notamment les gisements de gaz récents au Moyen Orient), mais qui commettent des crimes permanents au mépris de nos intérêts ? Comment accréditer l’idée d’un respect humain universel ?

« Pas de liberté pour les ennemis de la liberté », proclamait l’excellent Lénine. Cette phrase devrait être inscrite en exergue de la DUDH… « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » pour notre Montaigne national, mais sur un autre registre plus intéressant. Mauvaise foi et intérêts économiques ou idéologiques sont décidément les seuls ressorts de la politique internationale (et nationale aussi d’ailleurs). Ce qui n’aurait rien de choquant en suivant Machiavel et son sens de l’État. Ce qui l’est, c’est que le « deux poids deux mesures », la mauvaise foi et le choix unilatéral des bons et des mauvais morts, est l’apanage de nos démocraties brandissant comme leur Bible laïque internationale, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Universelle ? Vraiment ? De qui se moque-t-on ?

 

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Philippe Randa,
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