14 octobre 2017

L’indépendance de la Catalogne

Par Richard Dessens

 

« Entre les deux mon cœur balance »… mais Pascal affirme aussi que « le cœur a des raisons que la raison ignore »…

La Catalogne c’est un romantisme, teinté de vieux relents anarchistes et anarcho-syndicalistes chers à cette nation, dépeint à sa manière par George Orwell, dans son fameux Hommage à la Catalogne, qui décrit la liesse révolutionnaire de Barcelone en juillet 1936. La Catalogne c’est cinq siècles de velléités autonomistes balancées entre Espagne et France parfois. La Catalogne c’est un attachement viscéral à ses libertés forales, si chères aussi aux autres régions d’Espagne, mais particulièrement sensibles à Barcelone, toujours susceptible et jalouse de son identité propre.

independance Catalogne

Mais au-delà des refrains aux accents passéistes, la raison et le droit ont depuis pris l’avantage. Tant l’ONU qui ne reconnaît le droit des peuples à leur indépendance que dans le cadre d’une occupation étrangère tout en affirmant le principe de l’intégrité des États, que le Traité de l’Union Européenne qui, de même, proclame le même principe, vont à l’encontre des affirmations de Carles Puigdemont, le Président sécessionniste de la Généralité de Catalogne.

D’autre part, la Constitution espagnole de 1978 reconnaît de larges libertés à la Catalogne – dont l’usage de la langue catalane – approuvée à 91 % par les Catalans et d’ailleurs inspirée par l’influence de certains de ses rédacteurs Catalans. La Catalogne a le statut le plus autonome des régions en Europe. Il est également intéressant de noter que le Pays Basque, l’autre région traditionnellement indépendantiste espagnole, mais pour des motifs fondamentaux d’origines historiques très différentes, s’est empressé de réaffirmer cette semaine son attachement à l’unité espagnole, dans le respect de ses fueros, naturellement.

L’ultimatum lancé par Mariano Rajoy, le Premier ministre espagnol, ce mardi, à Carles Puigdemont pour qu’il confirme ou infirme l’indépendance de la Catalogne, laisse présager l’application de l’article 155 de la Constitution (la suspension de l’autonomie et la prise de direction par l’Espagne) ou au moins de l’article 116, moins invasif et transitoire. Affaire à suivre…

Sous l’aspect économique, la Catalogne, avec ses 230 milliards d’euros de PIB et ses 7,5 millions d’habitants, représente 20 % du PIB espagnol et 16 % de la population de l’Espagne. On peut rapprocher ces chiffres de la région Occitanie, sa « prolongation » en France avec 5,8 millions d’habitants et 155 milliards d’euros de PIB. On peut se laisser bercer en pensant que ces deux régions représentent plus de 13 millions d’habitants et près de 400 milliards d’euros de PIB. Ces PIB et/ou populations pris individuellement, sont déjà égaux ou supérieurs à ceux de l’Irlande, de la Bulgarie, de la Grèce ou du Portugal, et font se poser la question de la nature et du devenir de ces entités infra-étatiques : régions nationales ou euro-régions ? Une seconde question s’impose dans le même temps : celle de la destinée européenne des États-Nations fabriqués idéologiquement pour la plupart au cours du XIXe siècle et début du XXe.

À la lumière de ces différentes interrogations à plus long terme, la question de la Catalogne remet en cause une construction européenne qui donne finalement de moins en moins de satisfaction et encore moins d’adhésion. L’Écosse, les régions du nord de l’Italie, notamment Lombardie et Vénétie dans lesquelles un référendum est d’ailleurs prévu le 23 octobre, et d’autres « entités » régionales européennes sont secouées par une volonté plus ou moins ferme encore, d’indépendantisme.

On proclame aujourd’hui qu’une Europe à 27 est difficilement gérable et qu’une Europe des régions à 80 serait encore pire. Il est curieux d’entendre ce discours qui anticipe un mouvement lent d’émancipation des peuples et des identités qui, n’étant plus assumées par des États gagnés par la mondialisation uniforme, se retrouvent dans des régions fières, elles, de leurs valeurs traditionnelles. Réaction ou futurisme ? L’Histoire n’est qu’un éternel recommencement et le mouvement de son balancier est inexorable. Le futur ne doit-il pas parfois s’inspirer du passé ?

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Philippe Randa,
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