8 novembre 2016

La Corée du Nord sans clichés

Par Georges Feltin-Tracol

 

Correspondant pour le quotidien Le Monde au Japon, Philippe Pons a de temps en temps l’occasion de se rendre en République populaire démocratique de Corée (RPDC), c’est-à-dire en Corée du Nord. En septembre 2016, Pyongyang effectua un cinquième essai nucléaire, augmenta la cadence des tirs balistiques au-dessus de l’archipel nippon et accéléra son programme spatial.

Ces démonstrations de force répétées ne sont pas anodines. C’est ce que montre l’ouvrage remarquable que Philippe Pons vient de publier : Corée du Nord. Un État-guérilla en mutation (Gallimard, coll. « La suite des temps », 2016, 707 p., 34,50 €). Ce livre fera date tant il rétablit une vérité historique oubliée, tronquée, cachée ou modifiée. S’appuyant sur une abondante et très pertinente bibliographie, Philippe Pons explique la préhistoire politique, la genèse et l’essor de l’État nord-coréen qui, dès l’origine, sut se distinguer de l’URSS, puis de la Chine populaire.

Colonie japonaise de 1910 à 1945, la Corée s’industrialise, se dote de voies ferrées et voit se créer des cellules communistes clandestines qui contribuent à la guerre de libération nationale. Certaines sections s’implantent dans des régions montagneuses et reculées pour mener une guérilla bientôt dirigée par Kim Il Sung. Jouant des influences staliniennes et maoïstes, le grand-père de l’actuel dirigeant érige une société et un État nationaux-communistes. « Kim Il Sung instaurait une autocratie qui se voulait à la fois révolutionnaire (en rupture avec l’ordre politique ancien) et inscrite dans la glorieuse épopée nationale, conférant ainsi à son régime une profondeur historique, donnant sens au présent. Appelant à la rescousse la gloire du passé, il ranima et réinterpréta les mythes fondateurs », d’où la formulation rapide du Juche, la théorie politique de l’autosuffisance autarcique.

Si la RPDC commet de supposées provocations à l’encontre d’une évanescente « Communauté internationale », c’est parce que Washington menace régulièrement depuis 1950 de l’atomiser de manière préventive. En outre, contrairement aux dirigeants libyens et iraniens, la Corée du Nord n’accorde aucune confiance aux traités signés par les États-Unis qui cherchent toujours à les violer (les nations amérindiennes génocidées et les peuples d’Amérique latine dominés peuvent en témoigner). En détenant un modeste arsenal nucléaire, la Corée du Nord ne vise pas la Corée du Sud, elle s’offre plutôt un redoutable bouclier contre les menées étatsuniennes. Elle se rallie ainsi aux principes souverainistes gaulliens de la dissuasion nationale française.

Les ogives nucléaires n’éviteront toutefois pas au pays de profondes mutations sociales. Philippe Pons observe que les jeunes adultes « se plient aux exigences du régime, mais ne s’approprient pas ses mots d’ordre et cherchent à se soustraire au conformisme par le contournement plus que par une résistance affichée. »

La Corée du Nord a osé choisir sa propre voie, ce que ne peut supporter cet État voyou, hégémonique et belliciste : les États-Unis d’Amérique.

Bonjour chez vous !

(Cette « Chronique hebdomadaire du Village planétaire » a été diffusée sur Radio-Libertés le 4 novembre 2016)

Vous avez aimé cet article ?

EuroLibertés n’est pas qu’un simple blog qui pourra se contenter ad vitam aeternam de bonnes volontés aussi dévouées soient elles… Sa promotion, son développement, sa gestion, les contacts avec les auteurs nécessitent une équipe de collaborateurs compétents et disponibles et donc des ressources financières, même si EuroLibertés n’a pas de vocation commerciale… C’est pourquoi, je lance un appel à nos lecteurs : NOUS AVONS BESOIN DE VOUS DÈS MAINTENANT car je doute que George Soros, David Rockefeller, la Carnegie Corporation, la Fondation Ford et autres Goldman-Sachs ne soient prêts à nous aider ; il faut dire qu’ils sont très sollicités par les medias institutionnels… et, comment dire, j’ai comme l’impression qu’EuroLibertés et eux, c’est assez incompatible !… En revanche, avec vous, chers lecteurs, je prends le pari contraire ! Trois solutions pour nous soutenir : cliquez ici.

Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

Partager :