25 novembre 2016

Un après-franquisme qui n’en finit pas, l’exemple catalan (03)

Par Franck Buleux

 

De nombreux référendums d’initiative locale et à vocation partisane, sans aucune valeur juridique légale, mais se revendiquant de la volonté populaire, indiquent la volonté indépendantiste des Catalans ; ainsi en septembre 2009, la commune d’Arenys de Munt, composée de 8 500 habitants, avait opté pour la séparation de Madrid à 96 % ! Depuis, les « consultas » se multiplient avec des résultats similaires et, il faut tout de même le noter, un fort taux d’abstention.

Le passage de consultations informelles à un référendum d’autodétermination « à l’écossaise » doit passer, constitutionnellement, par l’autorisation du Parlement espagnol, comme lors de la modification renforçant l’autonomie en 2006. Un sondage sur la question donnait, selon le très officiel « Centre d’études d’opinion », 52 % des Catalans favorables à l’indépendance.

L’« État en propre » selon un des slogans préférés d’Artur Mas, doit passer, désormais, par l’organisation d’un référendum sur l’autodétermination concernant l’avenir de la population catalane, cela en accord avec le gouvernement madrilène.

Comme en Belgique, l’ex-roi, Juan Carlos Ier d’Espagne, qui a accédé au Trône le 22 novembre 1975, et dont l’autorité semble en perte d’influence, avait qualifié de « chimères » l’option indépendantiste catalane.

Plus surprenant, car d’habitude plus mesuré, le président de la Commission européenne depuis novembre 2004, le portugais issu du centre droit social-démocrate José Manuel Barroso, avait laissé entendre, peu avant les élections régionales de novembre 2012, que l’Union européenne ne reconnaîtrait pas un nouvel État né d’une sécession, ce qui semble être a minima une pression électorale. Ce qui n’était pas l’avis de la Commissaire européenne à la justice, comme nous l’avons indiqué. Ces dissensions augurent, outre de considérations électorales, d’un débat de droit international concernant la réintégration au sein de l’Union, d’un territoire séparé d’un État, partie initiale de l’UE.

De nature consensuelle, le président du Parlement régional de l’époque, Artur Mas, laissait ainsi une porte ouverte, celle du « pacte fiscal » dont il souhaite une réforme favorable à la Catalogne, en indiquant au sortir des résultats électoraux favorables aux indépendantistes, du centre droit comme de gauche, voire d’extrême gauche : « Si le pacte fiscal ne voit pas le jour, nous devrons prendre le chemin de l’indépendance ».

À ce niveau, deux éléments doivent retenir notre attention :

  • la fédération CiU était un groupe de mouvements libéraux et démocrates-chrétiens situés au centre droit (voire clairement à droite pour l’UDC) et les revendications fiscales sont, le plus souvent, portées par ce type de partis à travers toute l’Union européenne et on pourrait penser que cet ultimatum est synonyme de l’abandon des revendications séparatistes, au profit de nouvelles avancées autonomistes en matière fiscale ; le choix, ici, est outre l’option clairement identifiée comme « réaliste » de la CiU (qui ne souhaitait probablement pas s’opposer, à la fois, au Monarque espagnol et au président de la Commission européenne), mais aussi la synthèse populaire en faveur d’une forme de « nationalisme économique », que l’indépendance serait alors reléguée aux calendes grecques ;
  • en effet, il faut rappeler que la fédération CiU n’était pas sortie totalement victorieuse des urnes en 2012, contrairement au miroir déformant que donnent des résultats le parti effectivement arrivé en tête ; la CiU avait certes maintenu ses positions, mais n’avait su conserver, certes en l’amplifiant, qu’une majorité relative ; à leur gauche, les nationalistes de gauche et de gauche radicale ainsi que les Verts, ont réalisé, par contre, une notable poussée et Artur Mas ne pouvait pas ne pas prendre en compte cet électorat favorable à l’indépendance, mais dont les revendications sociales semblent plus proches de celles des « Indignados » que des élus notabilisés de la CiU.

Cette dernière observation a donné lieu, au Parlement régional, à une union entre le centre droit et les nationalistes de gauche représentés par l’ERC. Ce dernier a ainsi réussi à imposer le référendum comme prioritaire, et non purement optionnel. Au-delà de cette alliance, le départ de l’UDC, en 2015, a confirmé la « socialisation » de la coalition.

Ainsi, Josep Rull, secrétaire de Convergence démocratique de Catalogne (CDC), a évoqué le second semestre 2014 comme période propice à l’organisation d’un référendum sur l’indépendance après les élections européennes. Le gouvernement espagnol conservateur était opposé à la tenue d’une telle consultation, et l’est toujours.

Aussi, pour faire plier Madrid, et surtout le Premier ministre Mariano Rajoy, sur la question du référendum, des indépendantistes catalans ont lancé une vaste pétition « Si no hay Cataluña 2014, no puede haber Madrid 2020 » (en traduction littérale, s’il n’y a pas de référendum en Catalogne en 2014, il ne peut pas y avoir de Jeux olympiques à Madrid en 2020).

Santiago Espot, président de « Catalunya Acció », mouvement indépendantiste catalan, et initiateur de cette campagne militante, souhaite interpeller le Comité international olympique (CIO) sur le fait qu’un État « niant les droits démocratiques et nationaux » ne peut organiser les Jeux Olympiques de 2020 ; or, Madrid était candidate à cette organisation sportive internationale prestigieuse. Depuis, on sait que Tokyo, au Japon, organise les Jeux. Une occasion de faire plier Madrid de perdue…

Mais l’union entre le centre droit et la gauche radicale catalane au Parlement catalan a relancé la volonté d’indépendance. Ainsi, le Parlement catalan a augmenté la pression sur Madrid jeudi 6 octobre 2016 en votant pour l’organisation d’un référendum sur l’indépendance de la province au plus tard en septembre 2017. La chambre, dominée par les indépendantistes, a adopté par 72 voix – sur un total de 135 – la proposition du président de la Généralité de Catalogne, Carles Puigdemont, de tenir cette consultation populaire avec ou sans l’autorisation du gouvernement espagnol.

La question du référendum sur l’autodétermination catalane reste donc posée, malgré, ou à cause, d’un processus régionaliste déjà très poussé. Sans doute que la difficulté pour l’Espagne de disposer d’un gouvernement stable est un élément indirect qui permet aux indépendantistes de peser plus nettement sur la vie politique au-delà des Pyrénées.

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Philippe Randa,
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