1 août 2017

À bord de L’optimiste présidentiel avec Jacques Perret

Par Jean-Pierre Brun

 

Les difficultés de navigation rencontrées par le pacha du Pédalo I et sa pitoyable fin sur La Méduse II nous ont conduits à proposer à celui de L’Optimiste, tout juste sorti des chantiers navals du Touquet, l’assistance d’un vieil écumeur des mers rompu à toutes les courses, flibustes et autres mutineries sous peine de finir son temps de commandement à bord d’un « Vaurien ». En effet nul ne peut contester à Perret une parfaite connaissance de la mer et cette expérience incomparable qu’il nous a si bien fait partager à travers ses livres. Non seulement le Grand Jacques est un navigateur intrépide mais il est surtout un pédagogue passionné. Qui donc serait plus compétent que lui pour déniaiser un midship tout juste sorti de l’ENA (École de Navigation des Aspirants… à bien des choses) ?

Avant de lever l’ancre notre bizut devra déjà veiller à une bonne adaptation du siège de la passerelle à sa morphologie car aujourd’hui « les grands fauteuils n’ont plus les postérieurs à leur mesure »

La mer porteuse n’est pas tendre. Son commerce est délicat. Elle peut faire avorter les manœuvres les plus ambitieuses et conduire à une IVG (interprétation variable gyroscopique) qui rend toute navigation impossible. Son observation reste aléatoire : « Estimer la mer à son juste poids de malveillance requiert beaucoup de métier, bien plus de leçons que nous pourrions en essuyer. Il y a des cas où elle nous paraît maussade alors qu’elle est déjà vicieuse, mais le plus souvent elle nous paraît méchante alors qu’elle n’est qu’un peu nerveuse et en fin de compte, nous ne savons pas trop à quels moments nous avons le droit de dire : voici le gros temps. Nous craignons d’agacer la mémoire des anciens. »

La navigation a toujours été un art qui, comme tel, est plus ou moins bien pratiqué. Fixer le cap et le tenir, tout est là. Mais comment ? « L’œil sur le compas je m’appliquais à tenir une route rigoureuse. Quand un plan est douteux, les scrupules d’exécution rassurent »

Et la navigation à vue, parlons-en : « Mieux nous valait nous en tenir à l’explication traditionnelle : en mer, le jour éloigne les objets et la nuit les rapproche. Comme dit le matelot, on ne peut donc se fier ni au jour ni à la nuit et la côte n’est jamais à sa place. »

Quoi qu’il en soit « le navigateur n’en est pas à une correction près. Naviguer c’est corriger. » Encore faut-il l’expliquer à ses seconds. Mais comme « s’expliquer c’est mentir », alors ! Et changer de cap c’est comme changer d’idée. Méfiance tout de même car le jugement d’autrui est souvent perfide : « Il ne change pas souvent d’idées, car il n’en a pas des masses. »

Pour le Pacha si l’adaptation aux éléments est louable, l’improvisation face aux réalités quotidiennes a ses limites : « Je persiste à honorer l’homme d’action, mais, quand même, il ne faudrait pas en faire pulluler l’espèce, encore moins lui ôter le temps de penser un petit peu à ce qu’il va faire. »

Au cours des manœuvres les plus délicates il devra toujours « affecter dans l’excitation générale, un parler grave et solennel », ça rassure équipage et passagers.

La vie à bord nécessite de l’ordre mais toutefois, par gros temps, il faut avoir l’humilité de reconnaître ses limites : « Pas besoin de fouteur de pagaye. Question pagaye, je suis à jour. »

Le pot au noir franchi, et les alizés retrouvés il ne devra surtout pas succomber à l’euphorie. Il ne lui faudra jamais oublier que dans l’espace réduit de la passerelle de commandement, plus qu’ailleurs, l’orgueil est un ennemi impitoyable et que mépriser un subalterne corrode, bien plus que le sel marin, cette confiance indispensable pour affronter les tempêtes. Il devra donc lutter sans relâche contre ce péché capital sous peine d’entacher l’éclat de sa réputation toute naissante. Il se trouverait toujours à ses côtés un esprit diabolique pour suggérer que « l’imbécile est porté à l’orgueil, par nécessité biologique, dirait-on, comme si l’attitude vivait en symbiose avec l’infirmité. Le phénomène ayant donné naissance aux institutions démocratiques, l’imbécillité collective a été divinisée, procédé cornu par excellence. On en est encore à douter et à s’émerveiller que l’élu des imbéciles puisse être autre chose qu’un super-imbécile, doublé d’un gros orgueilleux.

De retour au calme, il ne sera pas inintéressant d’omettre certains détails scabreux dans la rédaction du livre de bord, car « l’oubli économise la mémoire. »

Jeune homme, quand vous serez bien vieux, le soir à la chandelle, assis auprès du feu, dévidant et filant… quelque métaphore, et qu’il vous viendra soudain l’idée de laisser à la postérité quelques traces de votre aventureux destin, ne manquez surtout pas de consulter les chroniqueurs de l’Antiquité pour éviter certaines déconvenues : « Désireux de rivaliser avec Homère, Virgile a voulu (avec l’Énéide) juxtaposer une iliade de batailles et une odyssée de voyages. »

Mais hélas, Jacques Perret ne sera plus là, pour vous venir… en aède.

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