2 février 2018

Prométhéisme européiste versus nationalisme des limites

Par Aristide Leucate

Le « rêve européen » de Feltin-Tracol qu’il oppose au « cauchemar consumériste », s’il devait être traduit sur le terrain politique, serait immanquablement porteur d’amères déconvenues tant il relève, avant tout, d’une mystique mobilisatrice, de la même façon que le « grève-généralisme » sorélien se voulait un mythe révolutionnaire à la fois émancipateur et régénérateur. Carl Gustav Jung et Lucien Lévy-Bruhl ont précisément étudié la parenté « structurale » entre mythe et mystique, ce dernier ayant même clairement mis en évidence le fait que le mythe ressortit au rêve.

Prométhée enchaîné avec l'aigle ; à gauche son frère Atlas (Kylix laconien à figures noires du peintre Arcésilas de Cerveteri, vers 560/550 av.

Prométhée enchaîné avec l’aigle ; à gauche son frère Atlas (Kylix laconien à figures noires du peintre Arcésilas de Cerveteri, vers 560/550 av.

Si l’on souscrit, d’une manière générale à l’ensemble de l’argumentaire « européen » de l’auteur, nous récusons son prométhéisme « européiste » consistant à faire de la nouvelle Europe qu’il appelle de ses vœux, la condition de survie (voire d’existence) des patries historiques et charnelles. Nonobstant sa tendance centralisatrice, la monarchie française devait continuer à compter avec les provinces (selon Villot de Fréville, « ce qu’on appelait le royaume de France se divisait en une infinité de parties hétérogènes ») que la Révolution abolira sans vergogne pour lui substituer des départements administratifs entièrement coupés du substrat ethnoculturel des anciennes circonscriptions historiques. Feltin-Tracol croit très habilement que le recours au fédéralisme intégral résoudra, tout à la fois, le désamour des peuples pour une Europe, il est vrai, défigurée par l’Union européenne, comme la fin programmée des États-nations, il est non moins vrai, écartelés par le haut (le jacobinisme supranational des institutions bruxelloises) et par le bas (l’éclatement centrifuge des nations par une régionalisation technique et non moins centralisée à son échelle). Mais ce fédéralisme subsidiariste ne peut valablement prospérer, selon une logique concentrique, que sur des espaces relativement homogènes. S’il est indiscutable que les Européens partagent une trame civilisationnelle commune, une approche ethniciste plus affinée rendrait rapidement compte des divergences de « Weltanschauung ». Stendhal avait beau apprécier l’Italie et Maurras, la Grèce, ils n’en restaient pas moins, l’un et l’autre, foncièrement français, non pas tant par un attachement viscéral à la mère patrie, que par leur manière d’appréhender le monde du point d’observation culturel, historique, sociologique, ethnologique qui était le leur.

Quand l’auteur rejette le souverainisme qui serait un faux nez du nationalisme, nous le suivons gaillardement, ayant nous-même dénoncé cette escroquerie idéologique consistant à présenter le patriotisme sous des atours plus avenants, c’est-à-dire, relativement acceptables selon les canons du politiquement correct (cf. La Souveraineté dans la nation, L’Æncre, 2015).

Souveraineté Nation

À la suite de Romain Gary, le général de Gaulle estimait que « le patriotisme, c’est l’amour des siens. Le nationalisme, c’est la haine des autres ». Il n’est rien de plus faux. Le nationalisme comme le patriotisme font référence, par leur étymologie, à un fait de nature que Maurras avait d’ailleurs parfaitement bien entrevu. L’attachement à la terre ancestrale résulte d’abord du simple fait de naître sur un sol que l’on n’a pas choisi. Pour parler comme les astrophysiciens, on dira qu’il existe une singularité initiale qui conditionne certes l’individu mais, au-delà de lui-même, d’un point de vue holiste, la société tout entière laquelle, non seulement l’a accueilli comme l’un des siens engendré par les siens, mais encore et surtout de laquelle il est tributaire, sauf à ruiner les fondements de cette société si chacun de ses membres pouvait discrétionnairement s’en affranchir en récusant ses règles constitutives. En outre, parce que les concepts et les idées subissent autant les outrages du temps que des influences qui les transforment, il est apparu que le patriotisme semblait davantage s’adresser au cœur et aux vibrations intimes de l’âme (celles qu’un Marc Bloch avait sublimement senties en parlant du souvenir de Reims et de la Fête de la Fédération), tandis que le nationalisme ressortait à la raison politique. Le patriotisme embrasse uniment quand le nationalisme hiérarchise et, par là même, pose des priorités. Il ne s’agit pas, comme on le dit trop légèrement par paresse ou ignorance, de distinguer selon des critères raciaux ou biologiques mais bien de déterminer des limites, à commencer par celles circonscrivant l’espace du politique, condition sine qua non de son exercice. Ce sont précisément ces mêmes limites que méconnaît le projet paneuropéen de Georges Feltin-Tracol

Concrètement, cela signifie que la nation (ou la patrie, deux termes franchement synonymes) n’est rien sans le peuple qui l’incarne, celui-ci n’étant qu’une vague entité hors-sol si elle se trouve dans l’incapacité de s’identifier à son substrat naturel. C’est dire que peuple et nation sont inextricablement et consubstantiellement liés. Le nationalisme est prioritairement une prise de conscience de soi, sans haine masochiste ni exclusivisme. Il n’aura un avenir que pour autant que la nation sera considérée comme la condition de survie d’un peuple. Mais encore faut-il que ce dernier soit littéralement habité par l’âme de la terre qui l’a vu naître et constamment préoccupé d’en transmettre un héritage dont il n’a que l’usufruit. Entre le fantasme d’un Âge d’or de la nation et l’ethnocide consistant à la repousser indûment, voire en l’abhorrant, existe ce juste milieu, la pérennité inconditionnelle et indisponible du politique. Ici, la souveraineté retrouve son rang, à la condition d’être enchâssée dans le peuple, siège du politique par excellence, peuple et politique convergeant vers le bien commun de la « polis ». Or, un peuple subitement dépouillé – même avec son consentement démocratiquement consigné – de ses attributs souverains, perd sa qualité d’« être » politique et, ipso facto (comme ipso jure, si l’on veut rester conséquent), se voit contester le droit de se réclamer de sa nation d’appartenance. Il est un fait visible que nous assistons à la lente et inexorable dépossession de nous-même en tant que peuple qui se voit contester le droit immémorial et, jusqu’à récemment (soit depuis une petite trentaine d’années), indiscuté, de vivre sur la terre transmise et façonnée par nos aïeux selon des us et coutumes bien définis.

L’Europe, pas le monde de Georges Feltin-Tracol (Éditions du Lore).

L’Europe, pas le monde de Georges Feltin-Tracol (Éditions du Lore).

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