18 mai 2018

Entre nains et géants, quelle place pour les puissances moyennes ?

Par Aristide Leucate

Cet article fait suite à celui publié la semaine dernière, dans lequel nous présentions, à l’occasion de la parution du dernier numéro de la revue Conflits, le nouvel indice de mesure de la puissance globale établi par les rédacteurs de la revue. Dans cet article, nous faisons brièvement état des résultats obtenus consécutivement à l’application de cet indice multifactoriel.

Conflits n°17 (avril-mai-juin 2018).

Conflits n°17 (avril-mai-juin 2018).

L’on ne sera guère surpris de trouver sur le podium des principales puissances incontournables les États-Unis, la Chine et la Russie, chacun de ces empires se disputant âprement un leadership qui ne serait pas uniquement économique et commercial (donc sectoriel) mais littéralement planétaire (donc absolu). Il est d’ailleurs assez frappant que ces trois nations aient acquis à la longue, dans les représentations psychologiques collectives (dont on sait, avec Aymeric Chauprade, qu’elles font pleinement partie des réalités géopolitiques avec lesquelles, dirigeants et analystes doivent compter) ce statut d’empire autour duquel graviteraient des affidés directs ou indirects.

Chacun de ces trois empires prétend d’ailleurs sommairement dominer une aire culturelle et politique (l’Occident pour les États-Unis, l’Eurasie pour la Russie, l’Asie extrême-orientale pour la Chine), sans que cette hégémonie ne soit pas pour autant contestée ou concurrencée. Bien que ne figurant pas dans le peloton de tête, la Turquie lorgne aussi bien sur l’Eurasie que sur le monde musulman, même si les ambitions sont inversement proportionnées aux moyens. Pays à la frontière de régions secoués de manière endémiques par de récurrents et lointains conflits, la Turquie (occupant la 29e place de l’ICPG[1]) doit compter avec l’Iran, Israël, l’Arabie Saoudite et le Qatar (respectivement à la 28e, 17e, 19e et 23e place), au besoin en recourant à un subtil système d’alliances et de contre-alliances.

Suivent derrière la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Hormis cette dernière, les cinq pays de tête sont tous membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, lors même que, si l’on s’en tenait au seul indice militaire de puissance globale (IFPI), la France serait rétrogradée à la 5e place quand le Royaume-Uni aurait été supplanté par l’Inde. En outre, à ne regarder que dans la direction forcément oblique du PIB, comme il est courant de le faire, le Japon et l’Allemagne relégueraient la France à une solide 6e place (quand le FMI la situe en 10e position, juste derrière le Royaume-Uni, tandis que la Russie est au 6e rang et qu’en 2018, selon les prévisions les plus sérieuses le PIB de l’Inde devrait la coiffer au poteau des puissances économiquement à la traîne !)

Concernant notre pays, son classement après prise en considération de sa puissance globale, en fait « une puissance moyenne, mais, précise Pascal Gauchon, elle l’est dans tous les secteurs, ce qui en fait une ‘‘grande puissance moyenne’’ selon la formule de Valery Giscard d’Estaing. » En dépit de son pessimisme foncier et de sa hantise du déclin, la France « dispose de facteurs qui rendent possible la puissance » affirme encore Gauchon. Est-ce suffisant, néanmoins, quand, enchérit ce dernier, « il faut plus pour être véritablement puissant, un supplément d’âme ou plutôt de caractère. La puissance est la capacité de vouloir ce que l’on veut. Sans volonté, elle reste un potentiel inexploité : la statue est en puissance dans le bloc de marbre nous enseigne Aristote, elle n’acquiert sa forme que grâce au sculpteur qui la taille. La France est puissance, mais elle est surtout en puissance. Où est le sculpteur qui pourra lui donner forme ? ».

Derrière cette interrogation, tandis que la France reste forte, nonobstant, de sa façade maritime (la deuxième au monde), de ses bases militaires stratégiques (malgré leur baisse, elles se maintiennent à Djibouti, Libreville et Abu Dhabi) et de ses quelque 300 têtes nucléaires, de son patrimoine historique et culturel, affleure le sentiment angoissant que notre pays a, certes, depuis longtemps amorcé son inexorable déclin entamé au congrès de Vienne en 1815, un temps suspendu durant la parenthèse gaullienne mais fortement accéléré depuis une quarantaine d’années. Ayant conservé la nostalgie émolliente de sa grandeur passée, la France se condamne à vivre sur les acquis d’un brillant héritage devenu trop lourd pour elle et, pis, qu’elle s’avère incapable de faire fructifier.

Laissons le dernier mot à Hadrien Desuin qui résume parfaitement ce désolant état des lieux : « se croyant trop petite pour la mondialisation, [la France] a développé, après 1990, deux idées paradoxales. La première est qu’elle peut troquer sa force déclinante contre un discours généreux jusqu’au repentir. La France est la patrie des droits de l’homme, c’est-à-dire la patrie de tout le monde. La seconde idée a été de croire qu’en faisant l’Union européenne, Paris pourrait poursuivre à l’échelle du monde ce qu’elle avait été en Europe : se maintenir parmi les grands et les équilibres d’un monde multipolaire. C’est donc par une bureaucratie forte à Bruxelles que l’Europe-puissance, c’est-à-dire une Europe à la française, pouvait se concevoir. […] La grandeur sans la France. Mais comment peser tout en disparaissant ? […] Décidée à maintenir son rang parmi les grandes nations du monde, la France, croyant s’adapter à la mondialisation, a tourné le dos à ce qui fit sa puissance : un État fort et souverain autour de sa capitale. L’État-nation est pourtant la condition de sa survie dans une globalisation qui vire à l’anarchie ».

Note

(1) Pour Indice Conflits de Puissance Globale.

 

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