24 octobre 2016

Aux urnes, citoyens !

Par Jean-Pierre Brun

 

Non content d’être appelé à voter aux scrutins constitutionnellement prévus par un code électoral inépuisable, le citoyen est désormais invité à se déplacer pour désigner tel candidat de son choix aux « primaires présidentielles », moyennant une modeste obole, faut-il le préciser.

Pour le candidat, l’électeur est plus que jamais un bijou de fantaisie et l’isoloir devient ainsi l’écrin tape à l’œil d’une bimbeloterie démagogique. Un ami, désigné et résigné à être « scrutateur à vie » dans sa mairie rurale, me confiait qu’il commençait à en avoir plein les urnes. Mais passons…

J’en connais deux qui, confortablement installés sur un cumulus pour mieux observer les comportements des hommes politiques actuels, doivent apprécier leur surexcitation tout en devisant avec Thomas More, le saint patron de ces agités du bocal. Octave Mirbeau, libertaire, anarchiste qu’on ne peut traiter de réactionnaire et André Tardieu, l’homme de centre droit par excellence, papotant comme les meilleurs amis du monde, qui pourrait l’imaginer ici-bas. Mais auprès de l’Éternel tout devient possible.

Pour le premier qui, dans Le Figaro du 28 novembre 1888, appelait à la grève de l’électeur, celui-ci n’est que « ce bipède pensant, doué d’une volonté, à ce qu’on dit, et qui s’en va, fier de son droit, assuré qu’il accomplit un devoir, déposer dans une boîte électorale un quelconque bulletin […] Les moutons vont à l’abattoir. Ils ne se disent rien, eux, et ils n’espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui va les tuer, et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit. »

Pour le second, le vote devient vite pernicieux et il n’en veut pour preuve que l’exercice d’un mandat national : « Au Parlement, on n’est jamais libre. Le nombre règne. Pour réussir, c’est le nombre qu’il faut gagner. Or, quand on recrute pour une idée, il faut transiger. Pour transiger, il faut mutiler. Plus on gagne de voix à l’idée, plus ce gain la lamine. »

Quant à la teneur des propos qu’ils tiennent à l’occasion de ces débats audiovisuels dont ils sont si friands, nos candidats, en bons « placiers multicartes », expérimentent à tout va le constat peu réjouissant d’un Talleyrand qui pourtant n’avait pas eu le loisir, et pour cause, de participer à ces joutes démocratiques générées par le scrutin universel : « La parole a été donnée à l’homme pour déguiser sa pensée ». Ce qui ne les empêche pourtant pas de prétendre être d’une limpidité exemplaire. Il n’empêche que « quand ils parlent de transparence les hommes politiques oublient d’être clairs. »

Ces désormais inévitables « primaires », le « must » en matière de démocratie, qui au sein d’une même famille politique prétendent départager ses membres les plus représentatifs, sont placées sous le signe d’un fair-play digne des « sportsmen » britanniques prétendument reconnus comme les créateurs du concept. Nos politiciens assimileraient-ils leurs joutes à celles des rugbymen, adeptes d’un sport de voyous pratiqué par des gentlemen. Il suffit d’assister au congrès national d’un quelconque parti pour s’en convaincre. À les contempler, réunis pour la photo de famille, on doit convenir que bon nombre de ces compagnons ou camarades arborent des sourires plus jaunes que ceux d’un hépatique. À les voir s’ébattre, on comprend mieux le fielleux : « Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu hais. »

Cette soif de démocratie participative pousse même les partis à ouvrir leurs urnes à tous les citoyens, qu’ils soient ou non « encartés ». Quand on pense que, naguère, le qualificatif « encartée » ne s’appliquait qu’aux prostituées fichées par la police ! C’est à se demander si la vertueuse République française voulue par Marthe Richard, sa rosière-en-chef, n’est pas devenue un immense bordel.

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Philippe Randa,
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