1 septembre 2017

Noblesse oblige

Par Pierre de Laubier

On ne dira jamais assez à quel point la féodalité se place dans la continuité de l’organisation politique et militaire de l’empire. On sait désormais, par exemple, que la légende du roi Arthur et des chevaliers de la table ronde a pris naissance dans le souvenir des barbares chargés de défendre le mur d’Hadrien au nom de l’empereur.

Face aux incursions normandes, les populations se sont placées sous la protection du seigneur le plus proche. Mais pas, comme on peut le lire dans certains manuels scolaires, en confiant leur sort au forgeron qui, grâce à ses muscles et à son gros marteau, devenait le chef du village. Vision délirante ! Celui qui organise la défense, qui est aussi celui qui rend la justice, n’est pas une brute épaisse. C’est un noble. Ce sont la noblesse et la hiérarchie nobiliaire qui vont assurer la cohésion du monde franc.

Au cours du Xe siècle, appelé « siècle de fer » par les Capétiens, le roi a certes du mal à exercer son pouvoir. Certes, les invasions répandent la désolation. Mais à la fin, c’est-à-dire à l’avènement des Capétiens, loin d’avoir une France morcelée en innombrables principautés aussi ignorantes les unes des autres que les tribus de la forêt d’Amazonie, on voit continuer d’exister les grandes entités de l’époque de Charlemagne. Elles sont, en réalité, bien plus anciennes, et on y reconnaît sans peine les grandes régions des Gaules décrites par César.

Ces grandes régions, ces provinces, ces duchés, sont comme des royaumes sans roi. Il n’y a pas à l’époque de duc de Bavière (dux Bavariae) ni de duc de Bourgogne (dux Burgundiae), mais un duc du royaume de Bourgogne (dux regni Burgundiae), un duc du royaume de Bavière (dux regni Bavariorum). Ils reconnaissent l’autorité du roi et de l’empereur, quoique pas toujours sans condition. Ainsi, Charles le Chauve dut accorder à la Bretagne son propre roi, Nominoë. Mais c’est une exception.

De même, ces ducs reçoivent l’hommage des seigneurs moins importants, qui ont eux-mêmes des vassaux. C’est le système féodal, qui est en fait issu du système impérial. Ce qui en fait la solidité, c’est la noblesse, née de la fusion des élites impériales et des élites barbares, des guerriers francs et des propriétaires terriens locaux, noblesse dont font d’ailleurs partie les évêques et les abbés. Elle est de fait avant d’être de droit. Tantôt le roi reconnaît le pouvoir d’un possesseur de fief, tantôt il attribue lui-même un fief à celui qu’il charge de le défendre. Tout comme le faisaient les empereurs.

La civilisation romaine, essentiellement urbaine, s’est implantée dans des contrées souvent dépourvues de villes. Elle s’y est adaptée. Avec le déclin des villes, la hiérarchie féodale est apparue. Ce mode d’organisation politique doit beaucoup aux principes romains, dans lequel le pouvoir est d’abord civil. De même, dans le monde féodal, apparaîtra une codification de l’art de la guerre : ce sera la chevalerie.

Féodalité et chevalerie vont ensemble, mais il ne faut pas les confondre. Notons que seuls les nobles ont le droit de mener les troupes au combat. C’est ce qui explique la brutalité avec laquelle on réprimait les jacqueries et autres insurrections populaires, tandis que la guerre proprement dite, même civile, obéissait à des lois. Notons encore que, lors des guerres de Vendée, en 1793, les paysans allèrent chercher des nobles pour les mettre à leur tête.

Les chroniques de Pierre de Laubier sur l’« Abominable histoire de France » sont diffusées chaque semaine dans l’émission « Synthèse » sur Radio Libertés.

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Philippe Randa,
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